Il n’y a pas de « monde d’après », comme cette expression est galvaudée ! Le monde n’a pas changé de nature, vous même n’avez sans doute pas beaucoup changé, et au final on nous fait croire qu’on a collectivement survécu à une menace planétaire pour mieux nous en libérer dans la joie et l’allégresse. Pendant toute cette période, j’ai été particulièrement choquée par la communication et le storytelling d’une efficacité redoutable. On nous a d’abord bien fait peur (et nombreux sont ceux qui sont encore englués dans cette peur), puis on nous a fait doucement accepter l’aliénation, la folie collective et tout ça pour le bien commun afin de penser aux autres. Enfin on nous offre la liberté retrouvée, mais cet ersatz de liberté n’en est pas vraiment une.
J’ai pris beaucoup de distance avec ces évènements et quoi que chacun en pense à titre individuel, il est important de voir ce qui se passe actuellement, avec un regard qui porte au delà des apparences. Avoir une distance critique avec l’actualité, me semble être essentiel.
En premier lieu relire (ou découvrir pour la première fois) le livre de Naomi Klein, « la stratégie du choc » sous titre « la montée d’un capitalisme du désastre ». Attention ce livre est une grille de lecture imparable de notre société actuelle et même si il date de 2013 et s’appuie donc sur des exemples aujourd’hui un peu ancien, il est d’une actualité criante.
Le choc a eut lieu et pendant que tout le monde avait les yeux rivés sur des chiffres et des courbes qui ne cessaient de monter, nous avons tous collectivement accepté et intégré à nos vies l’inacceptable : devoir justifier de ses sorties et de ses déplacement, rester enfermé chez soi et puis le pire de tout : volontairement éviter les contacts avec les autres. Nous voilà chacun dans sa bulle, la peur et les yeux rivés aux écrans, prêts pour le lavage de cerveau. Les inégalités se sont renforcées, la peur de l’autre s’est renforcée, la misère affective aussi.
Aujourd’hui c’est la phase 2 et sous couvert de réouverture, on se rend compte que la crise économique est là, plus insidieuse et présente que jamais. L’économie, ce n’est pas vraiment ce que je voudrais sauver ou défendre, mais ça fait des années qu’on nous apprend qu’il n’est pas de système possible en dehors de celui-ci. Il parait même qu’on l’a choisi (mais personne ne sait plus vraiment à quel moment). Nombreux sont ceux qui voudraient sortir de ce système, mais il sait se nourrir des révoltes et des crises. Il suffit de voir l’adaptation de la communication publicitaire, et son goût pour nous vendre « le monde d’après » comme si un changement significatif avait eut lieu. Rien n’a changé et nous continuons à dégringoler dans une course folle de consommation, dans l’urgence de l’instantanéité.
Il y a bien longtemps que j’ai choisi de tout ralentir dans ma vie, le temps long permet de réaliser soi même beaucoup de choses, avec une certaine satisfaction liée à l’autosuffisance. J’ai aussi choisi de me rapprocher de la nature et de vivre à un rythme qui est décalé du monde tel qu’il va. Je ne reviendrai pas en arrière, et ces dernières semaines n’ont pour ainsi dire rien changé à ma vie habituelle. Je m’adapte aux autres, à leurs craintes, à leurs doutes, je les constate, je ne les juge pas, mais je perçois chez chacun de nous que les limites du supportable sont atteintes. J’avais déjà fait un pas de côté, je me sens maintenant sérieusement à contre courant. Résister aux courants de pensées dominants, proposer autre chose et voir si ça fait sens et si ça prend. Encore une fois rien n’a changé, je n’ai pas changé et vous non plus. Mais on nous fait croire que tout a changé afin de détruire un peu plus ce qui fait de nous une société, ce qui nous relie et nous tient ensemble, voilà bien le type de discours produit actuellement. L’obéissance à la règle nous limite. La haine et la jalousie nous limitent.
La peur nous limite.
Le port du masque est un symptôme qui m’interpelle depuis le début. Ces masques qui ont tant manqué aux soignants quand ils en avaient besoin, que l’on a jugés inutiles, que l’on a déprécié (surtout ceux de fabrication artisanale) donc impossible à normer ou à évaluer. Aujourd’hui ils deviennent la norme, la demande du plus grand nombre, mais est-ce vraiment une protection ou plutôt un moyen de faire taire la population ? De montrer dans l’espace public qu’on répond aux injonctions et à la demande du politique ? Vous souvenez-vous ces chiffres qu’on nous assénais tous les jours lorsqu’ils montaient et qu’il fallait aplatir la courbe. aujourd’hui la courbe redescend très près du plancher et tout le monde se protège d’un ennemi qui n’est déjà plus présent. Les chiffres sont disponibles sur le site Infos coronavirus. Ces cartes interactives sont très bien faites, il suffit de les lire : je vis en Aquitaine, l’une des régions les moins touchées de France en valeur absolue. Mais ce qui est intéressant ce sont les courbes. En Gironde, on peut voir le nombre de nouveaux cas détectés grâce aux tests effectués, dans l’onglet « suivi des tests ». Si vous additionnez tous les positifs du mois de Mai (car les chiffres ne sont mis à jour que jusqu’au 25 Mai) ça fait 9 cas nouveaux pour toute la gironde (1,62 Million de personnes) ! Au plus fort de la crise le 30 Mars, on dénombrait 28 cas nouveaux dans une seule journée. En île de France où le nombre de cas est bien supérieur, les chiffres des nouveaux cas témoignent aussi d’une baisse vertigineuse.
Le masque n’est une véritable protection que si vous cotoyez des personnes infectées, sinon avec toutes les autres, il est plutôt le signe que nous acceptons collectivement de vivre dans la peur de l’autre. Le masque est un signe visible de la présence du virus qui n’est déjà plus là. Mais il permet aussi de soutenir que c’est grâce à lui que le virus ne circule plus. La réalité c’est que la menace est aujourd’hui d’une autre nature. Il est probable que dans les mois et semaines à venir, comme c’est le cas depuis quelques semaines déjà, des lois liberticides soient passées sous couvert de l’état d’urgence sanitaire. Il est important de pouvoir sentir quand on est abusé et de savoir résister aux injonctions qui nous semblent indues. Je crains pour notre avenir en tant que société. Je perçois la peur et l’injonction à être vigilant et à respecter les « gestes barrières » et les « distances de sécurité » comme un glissement lent et progressif vers une société de la peur de l’autre, une société de l’isolement de chacun à distance. Vous avez remarqué qu’il faut, depuis cette crise, marcher du bon côté des lignes tracées au sol, dans le sens et la direction qu’on nous indique et parfois même se retrouver enfermer dans une case.
Quelle angoisse cette case !
Je fais parti de ceux qui, en général, ont besoin de distance avec autrui, et c’est avec une certaine joie que j’ai abandonné les bises et autres accolades qui me semblaient souvent superficielles et parfois désagréables. Mais le monde d’après, c’est à nous de le faire advenir et je ne me vois pas vivre dans un monde où les mots ne peuvent plus sortir clairement de ma bouche, ou j’étouffe de rage sous la châleur moite d’un masque à miasmes. Je ne veux pas vivre dans ce monde du tout jetable, de l’immédiat et de la mémoire courte. J’invite chacun à penser ce qu’il veut de la situation, mais à penser par soi-même, à se poser des questions. Pourquoi en Gironde pour 9 cas détectés qui sont bien entendu assignés chez eux, il faudrait faire vivre toute la population masquée? Précautions certes, mais dans le sens aussi de prendre avec précaution les demandes parfois farfelues de nos dirigeants. Le monde d’après commence au moment où l’on décide d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe sous la surface et d’accepter ce qu’on ressent. Que celui qui n’a pas eut de symptômes ces derniers temps m’explique comment ça gratte, ça chatouille, ça bloque la respiration, ça étouffe, ça inquiète, ça angoisse, ça ne me semble pas juste.
Le chaos et après ? Nous voulons de l’ordre, nous voulons la sécurité, nous voulons l’opulence du tout tout de suite. Ce qu’il va nous falloir c’est apprendre. Apprendre à faire par soi-même, apprendre la résilience et le dénuement heureux. Il faudra sans doute ré-apprendre les gestes du quotidien qui nous sont vraiment essentiels. Les mains dans la terre, semer, planter, pour se nourrir. Mais aussi profiter de l’abondance que nous offre la nature parfois. Il faudra utiliser ce qu’on a, produire moins et réparer plus. Notre planète est déjà munie de tout ce qu’il nous faut, si nous vivons à notre juste place, nous n’avons besoin de rien de superflu, rien de plus que l’essentiel. Le monde d’après ne m’inquiète pas, tout comme le virus ne m’a pas non plus fait peur, il s’agit d’accepter et de continuer à vivre comme avant mais avec les yeux ouverts. Rester vigilant aux glissements d’une société tout entière vers la peur, la haine, le rejet et le chacun pour soi. Rester ancré, les mains dans la terre, c’est ce qui nous relie et nous protège le mieux que la folie actuelle.
PLANTEZ DES GRAINES !