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L’injection contradictoire

Depuis quelques années, en gros depuis que j’ai fais des études d’audiovisuel et que j’ai appris à analyser et décrypter  les images et messages dont nous abreuvent le cinéma, puis la télévision, la publicité et maintenant Internet, je suis sensible aux caractère faux, voir contraire de la plupart des messages que nous recevons.  Pourquoi les publicités pour des produits agro-industriels nous ventent le côté  « naturel » de leur produits (voir les pubs Herta), idem pour les shampoings, et je ne parle même pas des pubs innombrables de voitures qui vous vendent la liberté, la joie, et l’écologie (tout l’inverse des réjouissances liées à la possession d’une voiture).

Aujourd’hui ce sont les discours et injonctions de nos gouvernements qui recèlent des contradictions innombrables et dans lesquelles, on fini par inverser toutes les valeurs, à l’image de l’oeuvre d’Orwell 1984.   Il faut s’isoler pour « être ensemble »…   Se masquer pour  » se retrouver »… se faire vacciner même si on ne cours aucun risque (du fait de son âge) et surtout « pour protéger les autres »…  Les injonctions contradictoires créent des tensions dans nos têtes et nous amènent à ne plus pouvoir discuter de quoique ce soit, puisque les « camps » s’établissent en pour et contre irréconciliables.

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Souvenirs des luttes antérieures qui déjà clivaient et portaient leur lot de mensonges.

Vous entendez aussi dans les médias, les informations anxiogènes sur le climat, l’état de notre société qui se délite, la pauvreté et la précarité qui gagne peu à peu du terrain… Par ailleurs, on nous incite à reprendre la consommation à outrance au mépris de la planète, à diaboliser les fakes news et le complotisme  bref tout ce qui ne relève pas de la doxa (pensée majoritaire dominante) et à profiter de la hausse des prix de l’immobilier pour vendre toujours plus cher des biens qui ne permettent plus aux gens (et certainement pas aux plus modestes) de se loger.  Il faut donner aux associations alimentaires ou autres, mais ne pas critiquer les mécanismes de répartition sociale qui sont lentement mais sûrement démantelés (voir la réforme de l’assurance chômage et des retraites).

Je suis fatiguée de cette société qui marche sur la tête, de la façon dont on a réussi à faire perdre la tête à plus d’un dans cette période de grand chamboulements.  Ma bouée de sauvetage, mon îlot de bon sens et de joie en ce moment s’appelle Reinfo covid, c’est un collectif de médecins et scientifiques qui ont à coeur d’informer le public le plus complètement possible et leurs conclusions vont  parfois contre courant des injonctions gouvernementales.  Ils font un énorme travail d’éducation populaire, de partage de leurs sources et modes de calculs, ce ne sont pas juste des « complotistes » qui dénoncent, mais ce sont des gens en lutte qui résistent avec les armes de la raison, de la bienveillance et du  partage de  leur savoir et compétence.  Leurs vidéos sont régulièrement censurées, et pourtant leurs voix dissidentes sont d’une grande modération laissant toujours la porte ouverte au dialogue et à la discussion.  Il sont ma bouée de sauvetage, quand je regarde leurs lives le jeudi soir, je me dis qu’ils ont un rôle essentiel et je sais qu’ils sont suivis par un grand nombre de personnes, mais pas la majorité, car leur discours tombent dans le grand chaudron des « discours alternatifs » aujourd’hui qualifiés de complotistes où ils se mêlent à l’immense gloubi boulga du tout et n’importe quoi le plus sensationnel.  Eux ne font pas dans le sensationnalisme ni dans l’émotion, ils ont cette ligne fine de chercher à faire entendre une vérité qui dérange, ils remettent du sens dans ce que nous vivons (eh oui le covid se soigne et n’a pas besoin d’une vaccination mondiale et générale) ils font apparaitre le non sens des choix politiques actuels, ils tentent de lutter contre ces discours majoritaires relayés par les médias et les écouter fait percevoir l’écart entre les injonctions contradictoires que nous subissons et un discours de vérité  qui ne demande qu’a apaiser des tensions créées de toute parts.  Ils pratiquent la communication non violente, ils sont sur une ligne claire et sont ouvert à la discussion sans dogmatisme.

DSC00122La dernière vidéo en date se trouve sur Facebook, elle date de dimanche après-midi et c’est un modèle de modération, invitation à résister dans le respect de l’autre et la non violence.  Leur message est de plus en plus de garder l’ouverture au dialogue, malgré les vécus et ressentis qui peuvent nous séparer.  Je crois que ce message d’ouverture à l’autre est essentiel.  J’ai vécu avec certaines personnes l’incompréhension, je sais aujourd’hui que mon point de vue et mes choix ne valent pas plus que ceux d’un autre, c’est pourquoi je ne cherche pas à les imposer ni même à les diffuser, ils sont tout simplement juste pour moi.

La névrite des dernières semaines m’a appris que le point de vue est essentiel et que nous avons chacun la force de créer le monde qui nous entoure, de l’influer non pas en ralliant les autres à nos vues, mais en étant conscient de nos propres biais de perception et de la puissance de ces perceptions.

Je lis en ce moment un petit livre de Christiane Singer intitulé « Du bon usage des crises » dans ce livre à chaque page je trouve des clés et des éléments qui me parlent. Elle raconte cette anecdote d’un employé des chemins de fer qui nettoyant un wagon frigorifique s’est fait enfermer dedans un vendredi soir et convaincu qu’il allait passer le weekend dans le froid, il en est mort. Cependant quand on l’a trouvé le lundi matin, on a aussi découvert que le frigo n’était pas allumé et que l’homme était mort de se croire en train de geler dans ce wagon.

Je cite la conclusion de Christiane Singer « Nous vivons et nous mourons de nos images, pas de la réalité.  La réalité ne peut rien contre nous.  La réalité n’a pas de pouvoir contre nous.  C’est la représentation que nous en avons qui nous tue ou qui nous fais vivre. Imaginez le contraire, imaginez un employé des chemins de fer enfermé dans un wagon frigorifique branché mais qui survivrai en visualisant le soleil tout un week-end. C’est aussi possible.  Bien sûr que c’est possible et c’est ce que nous avons à faire dans cette société, où nous mourons de froid, où nos coeurs meurent de froid.  Le pouvoir de l’aspiration du négatif est quelquechose d’extraordinaire.  C’est un puissant aspirateur.  Et pourtant la même force est à notre disposition dans la ferveur.  »  Le livre date de 1997… remplacez « pouvoir du négatif » par « peur » et « ferveur » par  « résistance », nous y voilà !

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Les goûts et les couleurs

Dimanche dernier je me suis levée avec une sensation de malaise, tout tournait autour de moi (ce qui arrive parfois le matin), mais la sensation est restée plus longtemps que d’habitude.  Les murs et tous les objets se déplaçaient, à l’intérieur de moi aussi ça tanguait et puis j’avais le mal de mer, la nausée, bref une matinée pas facile, comme ça arrive parfois.  La veille ne j’avais pas bu, si ça avait été le cas, j’aurai pensé être encore sous l’emprise de l’alcool, je ne consomme pas de psychotropes, mais définitivement il y avait de la fumée dans l’air et plein de difficultés pour faire le moindre mouvement.  J’ai décidé d’y aller lentement.  Au fil de la journée, le malaise s’est calmé peu à peu et j’ai pu presque revenir à la normale lors d’une petite ballade, le plein air m’a fait du bien, j’ai pensé que je m’étais empoisonnée peut être en cirant mon escalier ou je ne sais pas, mais bref tout ça allait passer.

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Essaouira, Maroc

Le lendemain et tous les jours suivants, le vertige est revenu, de plus en plus fort avec chaque matin son lot de nausées, son vomi de vide (j’étais incapable de manger) et puis c’était un peu plus difficile chaque jour de tenir debout, de marcher sans avoir l’impression de tomber à chaque pas, sans me tenir aux meubles…  Bref au bout de 3 jours  je vais consulter.  Ca prend un peu de temps de trouver le nom de ma condition, une fois éliminés l’AVC, le vertige positionnel bénin, le vertige de Ménière…. me voilà affublée d’une Névrite Vestibulaire, ou pour le dire plus simplement d’une inflammation d’un seul côté du nerf de l’oreille interne responsable de l’équilibre. Ca ne fait pas vraiment mal, ça fait juste tomber sans fin du même côté, l’impression de tanguer, d’être sur un bateau par gros temps et puis l’envie de vomir, parce que le corps supporte assez mal cet état.

Au bout d’une semaine de vertiges, un peu dénutrie, je me suis dit que c’était bien de savoir le nom de mon affection, mais comment ça se soigne ? Eh bien ça se rétabli tout seul, en recréant des nouvelles connections dans le cerveau, afin de permettre au nerf du côté lésé de retrouver un peu de perception et surtout afin d’accorder l’information en provenance des deux oreilles,  l’une ayant un signal très forte et l’autre très faible, c’est ce problème de désaccord du signal  qui crée les vertiges et les mouvements oculaires qui tentent de raccrocher peu à peu les informations et de stabiliser la vision. J’ai attendu 7 jours pour voir les premiers signes d’amélioration.  J’ai encore de nombreux vertiges, mais ils diminuent, sont moins intenses et puis j’apprends aussi à les provoquer afin de me rétablir, je dois amener mon cerveau à accepter ces nouvelles sensations…

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Alicante, Espagne

Le plus étrange ce sont les perceptions associées à ce nouvel état.  Non seulement j’ai chaviré pendant une semaine, mais j’ai aussi d’autres symptômes plutôt étonnants qui sont principalement une nouvelle acuité sensorielle. Le premier sens qui s’est  manifesté, c’est l’odorat, il y avait plein d’odeurs qui me gênaient, des odeurs habituelles (comme celle de mon chien ou des cuves d’indigo) des odeurs de passage, bref  je me suis trouvée très sensible aux odeurs.  Puis quand j’ai pu manger à nouveau, c’est le goût qui s’est manifesté.  Tout les aliments ont un goût beaucoup plus prononcé.  Je ne supporte plus le sel alors que j’adorais ça avant.  Tout est trop salé.  J’aimais mélanger les goûts et beaucoup d’ingrédients dans un même plat et je sens que  mon plus grand plaisir est de manger l’aliment dans sa simplicité, sans goût rajouté ou exhausteur.  J’ai  redécouvert le goût des fruits frais… des herbes…et je ne veux plus rien manger de transformé.  C’est bizarre, car je ne sais plus ce que j’aime, j’ai encore parfois les réflexes d’avant et ce qui me faisait plaisir ne me plait plus.  J’ai envie de crudité, de simplicité et de goûter la variété dans chaque aliment, comme le goût de chacune des pommes de terre cuites à la vapeur qui est légèrement différent de l’une à l’autre, sans accompagnement. J’attends avec impatience de manger ma première barquette de fraises, c’est ce qui me fait le plus envie en ce moment, les fruits de saison. Manger en pleine conscience, c’était un truc que je voulais expérimenter, c’est chose faite depuis peu chaque aliment me comble ou me déçois, j’ai envie de tout expérimenter à nouveau.

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Kaifu, Japon

La lumière aussi me perturbe encore plus qu’avant, même si je n’ai pas encore remarqué de nouvelle perception des couleurs,  ça viendra peut-être tout comme le toucher qui doit lui aussi avoir été impacté. Le son est aussi plus fort et plus intensément émotionnel (déjà que je pleurai au moindre violon) je me suis surprise à pleurer ou à danser plusieurs fois dans la semaine…

Je redécouvre tout ce qui m’entoure, comme une nouvelle naissance, comme après un accident.  Je me délecte des sensations, des présences amies à qui je peux dire que j’allais mal, mais que ça va mieux.  Je pense que cet épisode, au delà des changement physiologiques, va me pousser sur mon chemin, me guider vers d’autres cieux, comme quand on perd le cap dans la tempête et qu’on découvre soudain une terre inconnue, nouvelle, jamais explorée.   J’ai cette sensation de repartir en voyage à l’intérieur de mes perceptions, de réapprendre tout depuis le début.  Nos capacités de transformation sont infinies et chaque maladie est aussi l’occasion d’apprendre, de redécouvrir à quel point la  perfection de notre corps et son adéquation avec l’environnement est essentielle.  Nos souffrances du quotidien, nos problèmes, nos joies même prennent une autre dimension quand c’est la pleine santé nous fait le cadeau de pouvoir vivre simplement, apprécier chaque instant, créer des liens plus forts avec les autres, tout ce qui nous rapproche m’émeut de plus en plus.  Je ressens en moi comme une blessure qui se referme, une coupure qui cicatrise et une nouvelle circulation d’énergie dans ma vie.  Après avoir été secouée, après avoir perdu l’équilibre et mes repères, je me retrouve, prête à faire face aux tempêtes à venir.

Black Beach

Black beach, Oita, Japon

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Joies de la collapsologie

Depuis un an, j’ai plus que jamais suivi mon instinct afin de garder le cap.  Dans la tourmente d’un monde qui change, dans l’angoisse générale de ne pas pouvoir se projeter, tiraillés entre l’envie de revenir au confort d’avant et le désir de voir advenir (enfin) autre chose, aussi terrifiante que soit cette nouvelle ère, j’ai lu beaucoup et j’ai ouvert les yeux sur les effets de l’anthropocène.  Je pensais que l’accélération de la vie autour et sa dématérialisation était un effet collatéral de mon propre vieillissement et des nouvelles technologies toujours plus présentes dans nos vies.  Je croyais qu’il fallait envisager le pire à venir, comme un avenir sombre qui allait sans doute nous engloutir.

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Je découvre, avec autant d’effroi que de joie, que les jeux sont faits, que le point de bascule est déjà loin derrière nous, que les signaux d’alertes qui nous parviennent sont largement ignorés par nos dirigeants, et par la plupart d’entre nous qui voient leur vie se poursuivre malgré tout.  Business as usual ! On ne change rien et quand il faudra faire le bilan on verra bien ce qui arrivera.  Mais la destruction de nos eco-systèmes est en cours, tout comme les évènements récents nous masquent ce qui se joue en profondeur dans un écran de fumée, j’ai parfois l’impression de lever un coin du voile et derrière la vie n’a plus du tout le même sens.

En effet si on considère que finalement la destruction du monde tel que nous le connaissons est en cours, que ce qui advient n’a rien de temporaire et qu’aucun retour en arrière ne nous ramènera de l’autre côté, dans le monde d’avant, celui de l’illusion, des formes rassurantes dans le fond de la caverne de Platon.  J’ai l’impression d’avoir par inadvertance traversé le miroir, où comme Alice tombée dans le trou à la poursuite du lapin blanc, j’ai basculé dans un monde de fous. La prise de conscience est la première étape et pour cela un livre m’a beaucoup aidé, c’est « comment tout peut basculer ».  Il m’a aidé a me rendre compte de la folie qui était déjà là, en germe dans notre monde avant même la crise actuelle.

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En effet née en 1983, je suis enfant de la crise et j’ai grandi dans cet état unique de la société qui se répète à intervalles réguliers.  Ce n’est pas une crise, ce sont des crises, multiples, des chocs de nature différente, mais au final qui mènent à chaque fois à des choix politiques plus abérants sous couvert du discours paradoxal du « plus jamais ça ». J’écoute la radio, d’évite de trop me laisser prendre dans l’actualité en continu proposée par le petit écran, par contre parfois j’allume la TV pour regarder comment notre société à changée.  Un exemple, l’autre soir, j’ai eu envie de voir ce que canal+ proposait en access prime time (c’est à dire avant 20H).  En général c’était le temps de leurs émissions d’info-tainment, dans les années 90 la grande époque de Nulle part ailleurs et puis ensuite les différentes versions du Grand journal dans les années 2000.  Aujourd’hui l’émission s’appelle « l’info du vrai » (un titre déjà très appuyé qui souligne en creux qu’il y aurait de fausses infos ?) et elle se revendique plus info que entertainment…. en même temps actuellement plus aucun film ne sort dans les salles, plus aucun spectacle n’est monté, il reste bien les auteurs à inviter, mais globalement, la culture fait triste figure.  J’ai peu écouté les discours sur le fond, mais je me suis arrêtée sur la forme, les couleurs du plateau et des tenues des chroniqueurs étaient toutes dans les tons de bleu / blanc / rouge et à l’image souvent des policiers, des drapeaux, et d’autres signes d’un pouvoir fort, martial et nationaliste… J’ai été assez sidérée par ce que j’ai vu.  Je m’attendais à un peu de folie et de légèreté, une miss météo pleine de bons mots, ou même un peu de musique que sais-je.  La culture  a laissé la place à la politique et les images parlent encore plus que les mots.

Alors j’ai vu ce qui nous attend : un état policier qui contrôle, surveille, promeut la délation, infantilise les citoyens devenus de passifs consommateurs confinés et biberonnés aux réseaux sociaux, alimenté via deliveroo, éduqués à distance par visioconférence. Piquouzés, sous perfusion d’émotions frelatées et sommés de ne plus rien désirer d’autre que la consommation d’essentiels papiers WC, là où les livres pourraient nous sauver, ils se retrouvent un temps interdits à la vente.

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J’entends la colère, la souffrance et j’entends surtout la peur.  Mais quand je rencontre des gens en vrai, un espace de confiance se crée entre nous, un espace unique qui nous permet d’entrer en contact et qui nous aide à rester vivant.  Je sais que ces moments sont les plus précieux de  ma vie actuelle, je sens que les rencontres ne sont pas fortuites, que les gens qui viennent jusqu’à moi ne sont pas là sans raison dans ma vie et de même pour chacun d’eux, notre rencontre peut amorcer un tournant, un choix, une direction, voir une énergie nouvelle.  Tout cela ne peut pas se faire à distance, en tout cas pour moi ce n’est pas la même qualité de relation que l’on peut développer  à travers un écran et dans la réalité.  J’ai besoin d’être en présentiel, j’ai besoin des autres à proximité, pas trop près car j’ai toujours été un peu gênée par une trop grande proximité physique, mais dans une proximité qui me permet de sentir leur énergie, de percevoir les mouvements infimes de leurs corps, de me relier un tant soi peu à l’humain en chacun de nous.

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Ce lien, cette qualité d’échanges et de relation, c’est ce qui nous permet de sentir que nous sommes tous interconnectés, que nous dépendons les uns des autres, c’est en préservant ces liens aux autres que nous saurons rester humain et surmonter la crise actuelle.  Tout ce qui nous coupe des autres, nous coupe de nous même, je  l’ai vécu, expérimenté et ressenti  pendant des années. Aujourd’hui dans un mouvement de reconquête de moi même, je sais que mon lien aux autres est essentiel et je ferai tout pour le préserver.  La société m’enjoint à garder mes distances et c’est pour moi impossible. C’est pourquoi j’ai fais le choix de la désobéissance, je ne peux pas faire autrement, j’ai besoin des autres et réciproquement. Notre interdépendance et nos échanges nous protègent plus qu’ils ne nous mettent en danger, j’en suis convaincue et je  défendrai autant que possible ces choix que je ressens comme justes par rapport aux règles qui nous sont imposées et dans lesquelles je perçois que la protection mise en place n’a plus rien à voir avec se protéger d’un virus, mais plutôt protéger  l’état et les institutions de ce qui pourrait advenir si les gens se rassemblent, parlent, créent, inventent entre eux d’autres moyens de faire société, de se relier les uns aux autres.  Nous n’avons pas le choix, nous sommes tous liés les uns aux autres, mais aussi avec notre environnement, notre planète, notre éco-système.

briséeLes séparations, la dichotomie, toutes ces sensations de coupure et de rupture, je les ai tellement vécues en moi et envers le monde, que je ne supporte plus l’idée qu’elles me soient imposées à nouveau.

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Le temps de ne plus aimer

 

Il y a cinq ans j’écrivais un article intitulé le temps d’aimer.  L’eau à coulé sous les ponts, l’amour s’en est allé et je me dois d’écrire la fin de l’histoire aussi triste et sordide soit-elle.  J’ai appris beaucoup de ce nouvel amour,  mais je fais surtout le constat  que j’ai un profond besoin d’être seule.

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Je savais qu’aimer expose à la douleur, à la perte, à diverses souffrances, jeux de pouvoirs et d’ego. Aimer expose aussi au bonheur de se croire un temps protégé à l’abri de la misère affective et sexuelle.  Mais l’amour n’est pas ce carcan figé  de la monogamie exclusive à l’usage d’un seul être, l’amour vivant est loin de l’idéal judéo chrétien de la famille nucléaire et du couple avec enfants.  Aujourd’hui pour moi tous ces codes appris sont un asservissement à l’autre et à la société.

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L’amour dépasse de loin ces cases pré-établies. L’amour est une force, une énergie pure qui peut  aussi bien venir nourrir une relation monogame, ou venir porter secours au prochain, il peut être tourné vers les autres ou vers soi et donner ainsi la force et la confiance qui nous permet ensuite de rayonner pour les autres.  En me délestant d’un amour sclérosé, je regagne ce qu’il y a de vivant en moi. L’amour est une relation, une co-construction dans laquelle tout doit être questionné. A vouloir créer l’enveloppe parfaite pour cet amour, LA maison, nous avons perdu de vue ce qu’il y avait de vivant dans notre relation.

Il m’est difficile d’évoquer sans affect cette histoire au passé, mais je sais que la fin de l’amour c’est du temps retrouvé pour moi, de l’énergie à venir pour les autres, et l’idée d’un passage vers l’inconnu, vers la découverte, vers la vie.  Se défaire de ce qui nous pèse, s’alléger de quelque croyances, y perdre des plumes… Me voilà nue a nouveau, libre et sans attache, plus forte et indépendante.

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J’ai appris la grande leçon du lâcher prise, l’idée qu’il faut accepter de perdre ce qui nous semble essentiel, savoir se dépouiller de tout pour retrouver la confiance dans l’avenir.  Tout comme il faut se départir de ses à-priori pour vraiment découvrir l’autre.  Se découvrir soi même nécessite aussi d’abandonner la lutte et d’accepter ce qui vient, ce qui parle à travers nos émotions, ce qui palpite sous notre peau blafarde.

J’ai passé près d’un mois à cligner de l’oeil de manière nerveuse, la paupière tétanisant, signe de fatigue nerveuse, d’épuisement moral, mais aussi  l’idée que mon oeil droit  trahissait quelque part ce dont j’avais le plus besoin : changer de point de vue et de perspective, arrêter de m’aveugler sur la situation, ouvrir enfin les yeux sur ma souffrance

Photos prises sur les toits de la base sous marine à Bordeaux, un symbole de résilience.  Comment de  la destruction,  renait la vie, les plantes endémiques avec un petit air de fin du monde…

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Résister

J’ai toujours eu l’impression d’un léger voile entre moi et le monde, d’une sorte d’incompréhension.  Depuis quelque temps déjà je me suis mise à la marge, j’ai ralenti, je me suis décalée, loin du monde, mais malgré tout en prise avec ce dernier, comme chacun d’entre nous.

Depuis le mois de Mars et l’étrange sensation de rupture  que j’ai ressenti quand j’étais loin de la France et que les évènements se sont enchaînés, me voici passée dans une réalité parallèle. Mais ne sommes nous pas tous entrés de force dans cette nouvelle réalité ?

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Je ne sais pas ce qui est vrai ou faux des messages scientifiques, des querelles et des croyances sur ce virus sa dangerosité, sa létalité… J’avoue que je ne sais rien de tout ça. Mais je ressens profondément un état de peur et de sidération qui nous pousse collectivement à accepter ce que nous n’aurions jamais accepté avant :

la limitation de nos libertés individuelles et collectives

 

Je vois la peur de l’autre et la haine nous séparer sans fin.  Par mon attitude décalée, je me suis mise en rupture avec la société tout entière.  Je perçois que le monde marche sur la tête et que les injonctions de l’état, les demandes de protection et de sécurité ne sont pas liées qu’à ce virus aéroporté.  Je n’ai pas peur du virus, mais je ressens la peur de l’autre, la peur et le jugement.

Il ne nous reste que peu d’espace pour être humain ces derniers temps, le sourire même (l’arme fatale) nous a été retiré.  Nous voilà tous bâillonnés, acceptant plus ou moins notre état, certains convaincus d’aider les autres et la société, d’autres simplement pris dans la marche des obligations légales.

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De mon côté je ressens une forte résistance depuis le début.  Cette notion m’est venue très vite et je crois pouvoir mieux imaginer ce que pouvait être la « résistance » de l’époque de la seconde guerre mondiale.  Ce n’est pas l’héroïsme ou la morale droite qu’on nous a tant vanté, ce ne sont pas des « justes »,  ce sont  juste des gens qui ne pouvaient pas faire autrement. Ce sont des familles qui se sont déchirées, des amitiés qui se sont brisées, parce que ceux qui étaient « antisociaux », ceux qui étaient « des terroristes », que l’on dénonçait comme tels, ne pouvaient pas faire d’autre choix.

Ce qui est juste en ces temps incertains,
c’est ce que l’on ressent comme juste.

 

Il faut  s’armer de courage  pour aller contre la loi, contre les masses, contre la morale, contre la société tout entière. Il faut garder dans le secret de notre coeur  nos croyances et  nos convictions intactes.  Des croyances sur l’humanité qui se perdent parfois dans les méandres de l’histoire.  Aujourd’hui je sens que l’humanité de tout un chacun vacille et tangue.  Je vois des murs de la haine (sur Facebook), des déferlements d’injures, des exagérations des dénonciations. Je vois que chacun aime à surveiller son voisin, à donner des petits conseils amicaux, à dénoncer tout simplement ceux qui ne vont pas dans le sens de la norme. L’impression d’être partout comme à l’abattoir dans des rails qui nous guident vers la mort de l’humain.  Suivre les flèches, le sens de la marche, ne pas réfléchir et ne pas se rebeller.  Les regards apeurés, c’est tout ce qu’il nous reste pour communiquer.  La voie est tracée  il ne faut surtout pas s’en éloigner.

Je n’ai jamais été dans ce sens là ! L’anticonformisme et cette distance au monde me préservent aujourd’hui de la folie collective.  Je tente de trouver le réconfort auprès de ceux qui partagent mes idées, mais nombreux sont ceux qui partagent le constat sans tirer les mêmes conclusions.  Les antis-,  les réacs, les extrêmes… Je ne veux pas de vos cases, de vos jugements, de vos conseils, je veux simplement vous dire que ma résistance servira au delà de ma personne, comme exemple, comme espace de liberté, comme espace ouvert à l’autre, sans peur ni haine.   La haine et la peur sont partout, s’infiltrant sous le masque et les regards suspicieux de chacun de nous. Il faut cultiver la lumière en nous, même si cette dernière doit parfois s’éclipser pour pouvoir renaître.

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Comment résister ?  c’est toute la question.  Aujourd’hui ce sont les mots, demain je l’espère aussi les actes.  Il faudra bien suivre sa voie, la mienne a pris un chemin de traverse et ne trouve plus sa place dans la société actuelle. Décalée je suis, et décalée je resterai…

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Le monde d’après n’existe pas

Il n’y a pas de « monde d’après », comme cette expression est galvaudée !  Le monde n’a pas changé de nature, vous même n’avez sans doute pas beaucoup changé, et au final on nous fait croire qu’on a collectivement survécu à une menace planétaire pour mieux nous en libérer dans la joie et l’allégresse.  Pendant toute cette période, j’ai été particulièrement choquée par la communication et le storytelling d’une efficacité redoutable.  On nous a d’abord bien fait peur (et nombreux sont ceux qui sont encore englués dans cette peur), puis on nous a fait doucement accepter l’aliénation, la folie collective et tout ça pour le bien commun afin de penser aux autres.  Enfin on nous offre la liberté retrouvée, mais cet ersatz de liberté n’en est pas vraiment une.

J’ai pris beaucoup de distance avec ces évènements et quoi que chacun en pense à titre individuel, il est important de voir ce qui se passe actuellement, avec un regard qui porte au delà des apparences. Avoir une distance critique avec l’actualité, me semble être essentiel.

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En premier lieu relire (ou découvrir pour la première fois) le livre de Naomi Klein, « la stratégie du choc » sous titre « la montée d’un capitalisme du désastre ».  Attention ce  livre est une grille de lecture imparable de notre société actuelle et même si il date de 2013 et s’appuie donc sur des exemples aujourd’hui un peu ancien, il est d’une actualité criante.

Le choc a eut lieu et pendant que tout le monde avait les yeux rivés sur des chiffres et des courbes qui ne cessaient de monter, nous avons tous collectivement accepté et intégré à nos vies  l’inacceptable : devoir justifier de ses sorties et de ses déplacement, rester enfermé chez soi et puis le pire de tout : volontairement éviter les contacts avec les autres.  Nous voilà chacun dans sa bulle, la peur et les yeux rivés aux écrans, prêts pour le lavage de cerveau.  Les inégalités se sont renforcées, la peur de l’autre s’est renforcée, la misère affective aussi.

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Aujourd’hui c’est la phase 2 et sous couvert de réouverture,  on se rend compte que la crise économique est là, plus insidieuse et présente que jamais.  L’économie, ce n’est pas vraiment ce que je voudrais sauver ou défendre, mais ça fait des années qu’on nous apprend qu’il n’est pas de système  possible en dehors de celui-ci.  Il parait même qu’on l’a choisi (mais personne ne sait plus vraiment à quel moment).  Nombreux sont ceux qui voudraient sortir de ce système, mais il sait se nourrir des révoltes et des crises.  Il suffit de voir l’adaptation de la communication publicitaire, et son goût pour nous vendre  « le monde d’après » comme si un changement significatif avait eut lieu.  Rien n’a changé et nous continuons à dégringoler dans une course folle de consommation,  dans l’urgence de l’instantanéité.

Il y a bien longtemps que j’ai choisi de tout ralentir dans ma vie,  le temps long permet de réaliser soi même beaucoup de choses, avec une certaine satisfaction liée à l’autosuffisance.  J’ai aussi choisi de me rapprocher de la nature et de vivre à un rythme qui est décalé du monde tel qu’il va.  Je ne reviendrai pas en arrière, et ces dernières semaines n’ont pour ainsi dire rien changé à ma vie habituelle. Je m’adapte aux autres, à leurs craintes, à leurs doutes, je les constate, je ne les juge pas, mais je perçois chez chacun de nous que les limites du supportable sont atteintes.  J’avais déjà fait un pas de côté, je me sens maintenant sérieusement à contre courant. Résister aux courants de pensées dominants, proposer autre chose et voir si ça fait  sens et si ça prend.  Encore une fois rien n’a changé, je n’ai pas changé et vous non plus.  Mais on nous fait croire que tout a changé afin de détruire un peu plus ce qui fait de nous une société, ce qui nous relie et nous tient ensemble, voilà bien le type de discours produit actuellement.  L’obéissance à la règle nous limite. La haine et la jalousie nous limitent.

La peur nous limite.

DSC00150Le port du masque est un symptôme qui m’interpelle depuis  le début.  Ces masques qui ont tant manqué aux soignants quand ils en avaient besoin, que l’on a jugés inutiles, que l’on a déprécié (surtout ceux de fabrication artisanale) donc impossible à normer ou à évaluer.  Aujourd’hui ils deviennent la norme, la demande du plus grand nombre, mais est-ce vraiment une protection ou plutôt un moyen de faire taire la population ? De montrer dans l’espace public qu’on répond aux injonctions et à la demande du politique ?   Vous souvenez-vous ces chiffres qu’on nous assénais tous les jours lorsqu’ils montaient et qu’il fallait aplatir la courbe.  aujourd’hui la courbe redescend très près du plancher et tout le monde se protège d’un ennemi qui n’est déjà plus présent.  Les chiffres sont disponibles sur le site Infos coronavirus. Ces cartes interactives sont très bien faites, il suffit de les lire : je vis en Aquitaine, l’une des régions les moins touchées de France en valeur absolue.  Mais ce qui est intéressant ce sont les courbes. En Gironde, on peut voir le nombre de nouveaux cas détectés grâce aux tests effectués, dans l’onglet « suivi des tests ».  Si vous additionnez tous les positifs du mois de Mai (car les chiffres ne sont mis à jour que jusqu’au 25 Mai) ça fait 9 cas nouveaux pour toute la gironde (1,62 Million de personnes) ! Au plus fort de la crise le 30 Mars, on dénombrait 28 cas nouveaux dans une seule journée.  En île de France où le nombre de cas est bien supérieur, les chiffres des nouveaux cas témoignent aussi d’une baisse vertigineuse.

Le masque n’est une véritable protection que si vous cotoyez des personnes infectées, sinon avec toutes les autres, il est plutôt le signe que nous acceptons collectivement de vivre dans la peur de l’autre. Le masque est un signe visible de la présence du virus qui n’est déjà plus là.  Mais il permet aussi de soutenir que c’est grâce à lui que le virus ne circule plus. La réalité c’est que la menace est aujourd’hui d’une autre nature.  Il est probable que dans les mois et semaines à venir, comme c’est le cas depuis quelques semaines déjà, des lois liberticides soient passées sous couvert de l’état d’urgence sanitaire. Il est important de pouvoir sentir quand on est abusé et de savoir résister aux injonctions qui nous semblent indues.  Je crains pour notre avenir en tant que société.  Je perçois la peur et l’injonction à être vigilant et à respecter les « gestes barrières » et les « distances de sécurité »  comme un glissement lent et progressif vers une société de la peur de l’autre, une société de l’isolement de chacun à distance. Vous avez remarqué qu’il faut, depuis cette crise, marcher du bon côté des lignes tracées au sol, dans le sens et la direction qu’on nous indique et parfois même se retrouver enfermer dans une case.

Quelle angoisse cette case !

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Je fais  parti de ceux qui, en général, ont besoin de distance avec autrui, et c’est avec une certaine joie que j’ai abandonné les bises et autres accolades qui me semblaient souvent superficielles et parfois désagréables.  Mais le monde d’après, c’est à nous de le faire advenir et je ne me vois pas vivre dans un monde où les mots ne peuvent plus sortir clairement de ma bouche, ou j’étouffe de rage sous la châleur moite d’un masque à miasmes.  Je ne veux pas vivre dans ce monde du tout jetable, de l’immédiat et de la mémoire courte.  J’invite chacun à penser ce qu’il veut de la situation, mais à penser par soi-même, à se poser des questions.  Pourquoi en Gironde pour 9 cas détectés qui sont bien entendu assignés chez eux, il faudrait faire  vivre toute la population masquée?  Précautions certes, mais dans le sens aussi de prendre avec précaution les demandes parfois farfelues de nos dirigeants. Le monde d’après commence au moment où l’on décide d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe sous la surface et d’accepter ce qu’on ressent.  Que celui qui n’a pas eut de symptômes ces derniers temps m’explique comment ça gratte, ça chatouille, ça bloque  la respiration, ça étouffe, ça inquiète, ça angoisse, ça ne me semble pas juste.

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Le chaos et après ? Nous voulons de l’ordre, nous voulons la sécurité, nous voulons l’opulence du tout tout de suite.  Ce qu’il va nous falloir c’est apprendre.  Apprendre à faire par soi-même, apprendre la résilience et le dénuement heureux.  Il faudra sans doute ré-apprendre les gestes du quotidien qui nous sont vraiment essentiels.  Les mains dans la terre, semer, planter, pour se nourrir.  Mais aussi profiter de l’abondance que nous offre la nature parfois.  Il faudra utiliser ce qu’on a, produire moins et réparer plus.  Notre planète est déjà munie de tout ce qu’il nous faut, si nous vivons à notre juste place, nous n’avons besoin de rien de superflu, rien de plus que l’essentiel.  Le monde d’après ne m’inquiète pas, tout comme le virus ne m’a pas non plus fait peur, il s’agit d’accepter et de continuer à vivre comme avant mais avec les yeux ouverts. Rester vigilant aux glissements d’une société tout entière vers la peur, la haine, le rejet et le chacun pour soi. Rester ancré, les mains dans la terre, c’est ce qui nous relie et nous protège le mieux que la folie actuelle.

PLANTEZ DES GRAINES !

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Partir

Partir, en vacances ou pour une autre vie, pour une semaine, un mois, un an, partir est toujours un déchirement. J’ai beau y être préparée, l’avoir voulu, souhaité, organisé, ce départ convoque tous les autres… Ceux pour lesquels je n’étais pas préparée et où je me suis sentie arrachée, déracinée.  Ceux que j’ai voulu, mais qui ont malgré tout apporté leur lot de douleur et de déchirement.  Ceux que j’ai vécu ces derniers temps : déménagements, changements de ville et de vie, même le plus infime des départ contient tous les autres et apporte son lot d’angoisses et de doutes.

Ais-je fais le bon choix ? Saurais-je vivre ailleurs ? Que faire de ceux qui restent,  à qui l’on tient et dont on ne pourra pas s’occuper ? Suis-je dispensable ? Suis-je prête ?

Partir c’est quitter un monde pour aller vivre dans un autre.  Tout  départ valide de fait qu’il existe des univers parallèles, des mondes différents, un ailleurs qui continue d’exister même si on n’y est plus présent. C’est pourquoi le départ prend aussi la forme des phases du deuil, d’un rituel qu’il faut accomplir afin de voyager sereinement.  Il y a tant d’incertitudes une fois le seuil de notre porte franchi.  Mais en même temps nous ne quittons que très rarement le monde balisé, normé, contraint de nos sociétés modernes.  Je regrette parfois le temps des voyages en bateaux, incertains et longs, celui du train à travers l’Europe jusqu’en Orient.  Je n’aime pas l’avion, ces bétaillères à touristes, ou l’on passe par des portiques, dans des files d’attente, à enlever chaussures et ceintures, avant de se retrouver enfermé dans un suppositoire géant pressurisé.  La vitesse de l’avion rend le voyage trop rapide et pourtant le temps s’y étire à l’infini.  Endormis, nos âmes flottent en parachute loin derrière nos corps qui filent à 900 km /heure. Derrière chaque avion de ligne flottent les âmes de ceux qui veulent aller vite d’un endroit à l’autre du globe. Parfois cet étirement, ce décalage est presque douloureux.

La force du voyage est aussi de nous rendre notre intégrité, ailleurs nous restons nous même. Malgré tout, notre vie, quoique fort différente dans une culture autre, perdure dans ce qu’elle a d’essentiel.  Il faut partir pour expérimenter ce fait, nous sommes insoluble dans le voyage, notre être peut se développer ici ou ailleurs et même loin de nos racines, nous pouvons créer des liens avec les autres.

Fleur d’indigo chez Miwa

Je pars sereine et joyeuse de retourner dans un endroit que je connais déjà.  Curieuse d’en apprendre plus sur une culture qui m’est aussi lointaine que proche. Heureuse de déconnecter avec un réel trop prenant et de m’offrir ce luxe de quitter ma vie d’ici, un temps, afin de me retrouver.

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8 mars… cherchez l’homme

En ce seul jour de l’année qui n’est pas phalocentré, qui commémore les petites et grandes victoires pour l’égalité des sexes (pour mémoire ma grand-mère paternelle n’a eu de compte bancaire à son nom qu’à la mort de son mari). Je souhaiterai avoir une pensée pour les hommes, pas tous les hommes, mais ceux qui luttent aux côtés de leur compagne ou de leurs amies afin de faire valoir leurs droits.  Une pensée pour les hommes qui font l’effort de comprendre et respecter ce qui fait  nos différences.  Une pensée pour les hommes qui ne se sentent pas menacés par les femmes, qui aiment leur force, leur courage, leur détermination.  Une pensée pour les hommes qui ne  fuient pas pendant les règles qui ne cherchent pas que la jeunesse, mais aussi la sagesse.  Une pensée pour les hommes qui s’effacent un peu pour nous laisser la place, non par galanterie crasse mais par modestie naturelle.

Pourquoi les adjectifs : sensibles, délicat, méticuleux, doux, polis, sage, gentils, discret,  coquet, précieux, prudent et même féminin seraient dévalorisant pour les hommes alors qu’ils sont le plus souvent considérés comme des qualités pour les femmes.

A l’inverse les qualificatifs : fort, sauvage, courageux,  intrépide, intransigeant, à poigne, brutal, énergique, sans limite,  forte tête, et même viril sont réservés aux hommes dans leur acceptation positive, si l’on qualifie une femme ainsi c’est dévalorisant.

Bref le lexique ne nous aide pas, les mots que l’on entend depuis l’enfance non plus « arrête de pleurer comme une fille » dit-on aux petit garçons tandis qu’on reprochera aux filles leur souillure et les vêtements déchirés d’avoir joué dans les bois.

_DSC8282Pourquoi la journée de la femme ne serait-elle pas plutôt la journée des qualités féminine qui peuvent tout aussi bien s’appliquer aux hommes sans les dégrader ni les affaiblir dans leur masculinité ? J’aime les hommes sensibles, ceux qui savent montrer et exprimer leurs sentiments, j’aime qu’ils soient dans l’incertitude et qu’une présence autre les rassure, j’aime penser que je suis un chevalier et les voir comme des princesses en détresse, parfois les rôles s’inversent.  J’aime jouer au jeu du féminin et du masculin, mais sans en être prisonnière, sans me sentir enfermée dans le corset trop serré.  J’aime cuisiner et m’occuper de la maison, mais si on me dit que c’est mon rôle, je peux vite ruer, car ce n’est pas le cas.  J’apprécie de vivre avec un homme qui est prêt à partager les tâches ménagères, mais aussi les travaux… Il n’est pas facile aux hommes de trouver leur place en ce monde, et pour nous les femmes si nous voulons le pouvoir il est a portée de main aujourd’hui, mais il est surtout inaccessible dans nos têtes, dans nos représentations et les limites que nous nous mettons.

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ITOU

Vous les avez remarquez ces hastags qui fleurissent depuis quelques mois,  #Metoo, #balancetonporc  etc… Si vous ne les avez pas vus c’est que vous êtes passés à côté d’un mouvement de fond, d’un tsunami de libération de la parole des femmes et c’est sans doute que vous croyez que le sujet ne vous concerne pas, où qu’il ne vous touche pas.  C’est tellement plus facile de détourner le regard, d’arguer la pudeur et  l’intimité, c’est aussi souvent par honte qu’on a du mal à se reconnaître dans les récits d’abus, qu’on les ait subis, vus mais pas dénoncés ou perpétrés, la honte nous colle à la peau.

Girl street artLe mouvement  #Metoo m’a touchée et fascinée.  J’ai lu tous les témoignages que j’ai pu, avec une sensation de familiarité vague, j’avais eu la même impression lors de la découverte du Tumblr Je connait un violeur. Il y a eu ce blog puis la BD sur les crocodiles, une amie a même eut l’honneur d’avoir sa propre expérience de viol illustrée dans ce bouquin. Ces histoires de viol, quand tu es une fille tu en entends plein, beaucoup sont horribles, terribles et tu grandis avec cette peur, tu te construis avec ça.  La révélation de ce mouvement de libération de la parole, c’est que ce ne sont pas quelques femmes, ni même une majorité de femmes qui peuvent témoigner d’agressions sexuelles, c’est TOUTES les FEMMES !

Et donc moi aussi… Oui mais moi c’est pas pareil, j’ai pas de souvenirs précis à raconter, j’ai pas d’histoire édifiante qui ont vraiment mal tourné.

Je n’ai pas été violée.

Et pourtant j’ai été agressée plusieurs fois, juste parce que j’étais une fille, que j’avais de longs cheveux, que j’étais jeune, peu importe en cherchant des justifications à cette expérience, je rentre déjà dans la culture du viol.

J’ai le souvenir de ce soir de Novembre où en sortant à 18H du cinéma je crois que j’étais allée voir Carla’s Song de Ken Loach j’avais à peine 15 ans, (après ce film et sa violence, c’est difficile de comparer cette petite agression que j’ai subie), mais j’ai eu très peur.  J’attendais que mes parents viennent me chercher, en fait je devais les appeler d’une cabine de téléphone non loin du ciné, sur le parking (Oui tout ceci était bien avant les portables) et là juste en sortant, il y avait trois garçons je crois qui ont commencé à me suivre, à me parler du genre « t’es mignonne on peut t’accompagner » et j’ai senti l’oppression qui pesait sur moi, la peur est montée.  Ce sont-ils approchés physiquement ? je ne m’en souviens pas.  Je sais juste qu’au lieu d’aller téléphoner dans la cabine seule au milieu du parking avec ces trois assoiffés sur mes talons, j’ai opté pour la boulangerie la plus proche dans laquelle je me suis réfugiée et où j’ai demandé si je pouvais appeler mes parents d’ici car je ne me sentais pas en sécurité dehors.  La boulangère a vite compris et m’a laissé téléphoner et puis j’ai attendu dans la douce odeur du pain chaud que l’on vienne me chercher.  Dehors j’ai laissé les loups hurler.  Peu de temps après cette agression avortée, j’ai coupé mes cheveux très court pour ne plus jamais être reconnue par ces individus que j’avais senti menaçant et prêts à tout. Mais ce type d’agresseurs sont des charognards opportunistes, ils n’agresseront que si ils savent la proie déjà à terre et abîmée. Ce ne sont pas des grands fauves, à peine quelques chacals.

On en revient à mon incapacité de dire #Metoo et pourtant je sens confusément que MOI AUSSI.

Si on remonte encore plus loin dans mes souvenirs, il y a la question du consentement.  En effet petite fille j’ai très vite refusé de faire la bise aux adultes, ils sentaient tous mauvais et je n’aimais pas qu’ils s’approchent de moi.  J’ai toujours eu des sensations d’oppression quand quelqu’un me touche, il y a toujours eut cette alarme qui se déclenche quand on rentre dans mon cercle de protection intime à savoir quand on touche ma peau. Hypersensibilité ou mémoire traumatique refoulée, qu’importe pour moi le débat sur la question du consentement s’est révélé très fructueux.  Car enfin on évoquait l’idée qu’un enfant qui ne veut pas approcher physiquement les adultes ne doit pas être forcé  à le faire pour « être polis ». Car si être polis revient à ressentir de la gêne,  et à vivre cette politesse comme une violence, pourquoi l’imposer à un enfant. Il me semble que la question du consentement et du respect de l’intimité des autres se joue beaucoup dans l’enfance et donc dans l’éducation.  Là encore je n’ai pas été abusée par des adultes, j’ai juste du parfois subir des contacts de barbes, de peaux et d’odeurs buccales qui ne me plaisaient pas.  Mais je sens que quelque chose de plus profond se joue là et réduire ces maigres souvenirs de malaise à un « c’est pas si grave » est un moyen de faire perdurer ces situations.

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Par la suite dans mes relations avec des garçon, je me suis aussi retrouvée assez facilement dans des relations abusives.  Là encore pas des abus graves, personne ne m’a battue, ou violée, enfin on m’a parfois un peu forcée la main et pas seulement la main.  Mais c’est récemment que je m’en suis rendue compte quand enfin j’ai trouvé un homme qui tenait au consentement sexuel, c’est là que j’ai découvert qu’on ne m’avait jamais demandé mon avis avant. J’ai alors eu honte d’avoir accepté de me laisser abuser.  J’ai eu honte aussi d’avoir aimé et intégré cette inégalité comme étant une relation normale. Car c’est de ça dont il est question dans la libération de la parole actuelle, c’est de se rendre compte qu’on a toutes intégré l’inacceptable et joué le jeu. Il faut en parler encore et encore, parce que c’est ainsi qu’on éduque les petites filles, à faire plaisir à sourire à ne pas broncher ni se défendre.

Adulte on préfère minimiser, on l’a toutes fait pour nous et puis quand vient le tour des autres, on voit bien ce qui se passe, et on a beau prévenir la victime qu’elle est en train de dépasser les limites de l’acceptable, bien souvent, dans une relation toxique elle s’avère consentante et même passionnément amoureuse de son bourreau. Comment alors dénigrer l’objet d’un amour aussi fort ? La prise de conscience est d’autant plus violente que vient s’ajouter un sentiment de culpabilité  énorme (comment j’ai pu laisser quelqu’un me faire ça ?). Le fond de ce mouvement, n’est pas de dénoncer les abuseurs, ce n’est pas une chasse au porc, c’est un moyen de mettre en garde chaque femme contre les petits abus qui deviennent parfois d’immenses violences.

DSC00145J’ai grandit dans la peur, celle que ma mère m’a transmise pour moi. Je n’ai pas compris comment ma mère qui se disait féministe pouvait faire ainsi deux poids deux mesures dans l’éducation de sa fille et de son fils.  J’ai intégré que j’étais une victime très tôt et je pense que toutes ces sensations de familiarité face aux récits de viols et de violence, cette dissociation que j’ai pu avoir avec moi même et avec mon corps pendant des années,  ne viennent pas de nulle part.  Je pense qu’il y a dans mon histoire quelque part, pas forcément dans ma mémoire consciente, mais peut-être dans un vécu plus ancien, des abus qui m’ont rendue telle que je suis. Je pense que ça fait partie de ce qui se transmet par le non-dit. Je pense aussi que ça fait partie de ce que je voudrais éviter de transmettre…

C’est le constat terrible : on transmet la culture du viol de mère en fille…  Par la peur, par le non-dit, par les mots de protection et de déni qu’on utilise et qui infusent malgré-moi tout cet article, par la voix muette de nos ancêtres qui nous traverse encore et encore.

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La vie n’est pas une comédie musicale

J’ai traîné les pieds avant d’aller voir LE FILM, celui dont tout le monde parle depuis des semaines, celui qui à failli gagner l’oscar du meilleur film et puis finalement non… Bref j’ai fini par découvrir mi-amusée, mi ennuyée le film LA LA LAND de  Damien Chazelle.

large LALALANDCe film m’a fait l’effet l’effet de montagnes russes, passant tour à tour de l’agacement à l’ennui face aux scènes de comédie musicale plus virtuoses dans leur réalisation que charmantes. A un moment je me suis dit que ce film n’allait être qu’une bluette de plus, l’histoire d’une romance qui commence mal et qui sonne faux. Tout comme l’agressif klaxon du personnage masculin  qui donne le ton de la première rencontre entre les deux personnages et devient ensuite le rappel  violent de l’urgence à  réussir qui anime les deux personnages. Deux losers aussi magnifiques qu’ambitieux se consolent l’un l’autre, s’ouvrent l’un à l’autre, s’encouragent à poursuivre leurs rêves, jusqu’à ce que l’un d’eux cède à la compromission  (et gagne ainsi une gloire bien dérisoire) tandis que l’autre voit son rêve s’écrouler face à la dure réalité.

Personne n’attend les artistes et le chemin vers la réalisation d’une oeuvre passe par une persévérance sans limites, une capacité à encaisser les flops, le désintérêt du monde pour notre univers intérieur si singulier.

Sur ce principe de réalité vient se casser le ciment du couple, la relation idéale, la petite bulle d’amour qu’ils partageaient. Ces deux êtres s’aiment et se soutiennent, jusqu’à ce que le succès de l’un (loin de son ambition première) et l’échec de l’autre sape la confiance mutuelle de l’un dans l’autre.  C’est là que le film devient intéressant, quand les deux doivent faire face à leur rêves brisés et qu’une remise en question s’impose.  Cette scène ou Mia évoque sa tante qui a sauté dans la Seine, ce moment d’émotion sincère ou l’actrice après nous avoir joué et mimé tous les sentiments, se révèle dans ce qu’elle a de plus fort : sa fragilité.

Voilà en quoi LA LA LAND parvient à tordre le cou à son propre style, à montrer la faille sans défaillir, et voilà en quoi le film m’a saisie. Cette comédie musicale n’est que le paravent qui masque une histoire autrement plus sombre. La fin en pied de nez (qui m’a rappelé  un certain moment de Mommy) témoigne de l’idée qui sous-tend ce film :

La réalisation des rêves se paye au prix du désenchantement.

Après ça tout est dit et il faut se colletiner la montagne d’effets pop acidulés que Damien Chazelle nous fait traverser pour en arriver à cette vérité crue, intransigeante, dérangeante et pourtant si salutaire. C’est ce qui sauve le film d’un ennui certain, d’un happy-end trop attendu, c’est l’idée terriblement mélancolique que notre vie dans toute sa gloire n’est faite que de nos ratages. C’est ce qui est beau au final, c’est ce qui m’a parlé en tout cas. La musique et les couleurs vives cèdent peu à peu la place au gris, au bleu qui évoque l’univers de Kind of Blue de Miles Davis.  Le bleu, la couleur que je travaille sans cesse, la couleur d’un sentiment à la fois sombre, profond et lumineux, celui d’exister, de rêver et souvent de rater sa vie.