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Joies de la collapsologie

Depuis un an, j’ai plus que jamais suivi mon instinct afin de garder le cap.  Dans la tourmente d’un monde qui change, dans l’angoisse générale de ne pas pouvoir se projeter, tiraillés entre l’envie de revenir au confort d’avant et le désir de voir advenir (enfin) autre chose, aussi terrifiante que soit cette nouvelle ère, j’ai lu beaucoup et j’ai ouvert les yeux sur les effets de l’anthropocène.  Je pensais que l’accélération de la vie autour et sa dématérialisation était un effet collatéral de mon propre vieillissement et des nouvelles technologies toujours plus présentes dans nos vies.  Je croyais qu’il fallait envisager le pire à venir, comme un avenir sombre qui allait sans doute nous engloutir.

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Je découvre, avec autant d’effroi que de joie, que les jeux sont faits, que le point de bascule est déjà loin derrière nous, que les signaux d’alertes qui nous parviennent sont largement ignorés par nos dirigeants, et par la plupart d’entre nous qui voient leur vie se poursuivre malgré tout.  Business as usual ! On ne change rien et quand il faudra faire le bilan on verra bien ce qui arrivera.  Mais la destruction de nos eco-systèmes est en cours, tout comme les évènements récents nous masquent ce qui se joue en profondeur dans un écran de fumée, j’ai parfois l’impression de lever un coin du voile et derrière la vie n’a plus du tout le même sens.

En effet si on considère que finalement la destruction du monde tel que nous le connaissons est en cours, que ce qui advient n’a rien de temporaire et qu’aucun retour en arrière ne nous ramènera de l’autre côté, dans le monde d’avant, celui de l’illusion, des formes rassurantes dans le fond de la caverne de Platon.  J’ai l’impression d’avoir par inadvertance traversé le miroir, où comme Alice tombée dans le trou à la poursuite du lapin blanc, j’ai basculé dans un monde de fous. La prise de conscience est la première étape et pour cela un livre m’a beaucoup aidé, c’est « comment tout peut basculer ».  Il m’a aidé a me rendre compte de la folie qui était déjà là, en germe dans notre monde avant même la crise actuelle.

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En effet née en 1983, je suis enfant de la crise et j’ai grandi dans cet état unique de la société qui se répète à intervalles réguliers.  Ce n’est pas une crise, ce sont des crises, multiples, des chocs de nature différente, mais au final qui mènent à chaque fois à des choix politiques plus abérants sous couvert du discours paradoxal du « plus jamais ça ». J’écoute la radio, d’évite de trop me laisser prendre dans l’actualité en continu proposée par le petit écran, par contre parfois j’allume la TV pour regarder comment notre société à changée.  Un exemple, l’autre soir, j’ai eu envie de voir ce que canal+ proposait en access prime time (c’est à dire avant 20H).  En général c’était le temps de leurs émissions d’info-tainment, dans les années 90 la grande époque de Nulle part ailleurs et puis ensuite les différentes versions du Grand journal dans les années 2000.  Aujourd’hui l’émission s’appelle « l’info du vrai » (un titre déjà très appuyé qui souligne en creux qu’il y aurait de fausses infos ?) et elle se revendique plus info que entertainment…. en même temps actuellement plus aucun film ne sort dans les salles, plus aucun spectacle n’est monté, il reste bien les auteurs à inviter, mais globalement, la culture fait triste figure.  J’ai peu écouté les discours sur le fond, mais je me suis arrêtée sur la forme, les couleurs du plateau et des tenues des chroniqueurs étaient toutes dans les tons de bleu / blanc / rouge et à l’image souvent des policiers, des drapeaux, et d’autres signes d’un pouvoir fort, martial et nationaliste… J’ai été assez sidérée par ce que j’ai vu.  Je m’attendais à un peu de folie et de légèreté, une miss météo pleine de bons mots, ou même un peu de musique que sais-je.  La culture  a laissé la place à la politique et les images parlent encore plus que les mots.

Alors j’ai vu ce qui nous attend : un état policier qui contrôle, surveille, promeut la délation, infantilise les citoyens devenus de passifs consommateurs confinés et biberonnés aux réseaux sociaux, alimenté via deliveroo, éduqués à distance par visioconférence. Piquouzés, sous perfusion d’émotions frelatées et sommés de ne plus rien désirer d’autre que la consommation d’essentiels papiers WC, là où les livres pourraient nous sauver, ils se retrouvent un temps interdits à la vente.

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J’entends la colère, la souffrance et j’entends surtout la peur.  Mais quand je rencontre des gens en vrai, un espace de confiance se crée entre nous, un espace unique qui nous permet d’entrer en contact et qui nous aide à rester vivant.  Je sais que ces moments sont les plus précieux de  ma vie actuelle, je sens que les rencontres ne sont pas fortuites, que les gens qui viennent jusqu’à moi ne sont pas là sans raison dans ma vie et de même pour chacun d’eux, notre rencontre peut amorcer un tournant, un choix, une direction, voir une énergie nouvelle.  Tout cela ne peut pas se faire à distance, en tout cas pour moi ce n’est pas la même qualité de relation que l’on peut développer  à travers un écran et dans la réalité.  J’ai besoin d’être en présentiel, j’ai besoin des autres à proximité, pas trop près car j’ai toujours été un peu gênée par une trop grande proximité physique, mais dans une proximité qui me permet de sentir leur énergie, de percevoir les mouvements infimes de leurs corps, de me relier un tant soi peu à l’humain en chacun de nous.

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Ce lien, cette qualité d’échanges et de relation, c’est ce qui nous permet de sentir que nous sommes tous interconnectés, que nous dépendons les uns des autres, c’est en préservant ces liens aux autres que nous saurons rester humain et surmonter la crise actuelle.  Tout ce qui nous coupe des autres, nous coupe de nous même, je  l’ai vécu, expérimenté et ressenti  pendant des années. Aujourd’hui dans un mouvement de reconquête de moi même, je sais que mon lien aux autres est essentiel et je ferai tout pour le préserver.  La société m’enjoint à garder mes distances et c’est pour moi impossible. C’est pourquoi j’ai fais le choix de la désobéissance, je ne peux pas faire autrement, j’ai besoin des autres et réciproquement. Notre interdépendance et nos échanges nous protègent plus qu’ils ne nous mettent en danger, j’en suis convaincue et je  défendrai autant que possible ces choix que je ressens comme justes par rapport aux règles qui nous sont imposées et dans lesquelles je perçois que la protection mise en place n’a plus rien à voir avec se protéger d’un virus, mais plutôt protéger  l’état et les institutions de ce qui pourrait advenir si les gens se rassemblent, parlent, créent, inventent entre eux d’autres moyens de faire société, de se relier les uns aux autres.  Nous n’avons pas le choix, nous sommes tous liés les uns aux autres, mais aussi avec notre environnement, notre planète, notre éco-système.

briséeLes séparations, la dichotomie, toutes ces sensations de coupure et de rupture, je les ai tellement vécues en moi et envers le monde, que je ne supporte plus l’idée qu’elles me soient imposées à nouveau.

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Résister

Départ du Maroc le 17 Mars 2020, quand tout à basculé dans la peur.

J’ai toujours eu l’impression d’un léger voile entre moi et le monde, d’une sorte d’incompréhension.  Depuis quelque temps déjà je me suis mise à la marge, j’ai ralenti, je me suis décalée, loin du monde, mais malgré tout en prise avec ce dernier, comme chacun d’entre nous.

Depuis le mois de Mars et l’étrange sensation de rupture  que j’ai ressenti quand j’étais loin de la France et que les évènements se sont enchaînés, me voici passée dans une réalité parallèle. Mais ne sommes nous pas tous entrés de force dans cette nouvelle réalité ?

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Je ne sais pas ce qui est vrai ou faux des messages scientifiques, des querelles et des croyances sur ce virus sa dangerosité, sa létalité… J’avoue que je ne sais rien de tout ça. Mais je ressens profondément un état de peur et de sidération qui nous pousse collectivement à accepter ce que nous n’aurions jamais accepté avant :

la limitation de nos libertés individuelles et collectives

 

Je vois la peur de l’autre et la haine nous séparer sans fin.  Par mon attitude décalée, je me suis mise en rupture avec la société tout entière.  Je perçois que le monde marche sur la tête et que les injonctions de l’état, les demandes de protection et de sécurité ne sont pas liées qu’à ce virus aéroporté.  Je n’ai pas peur du virus, mais je ressens la peur de l’autre, la peur et le jugement.

Il ne nous reste que peu d’espace pour être humain ces derniers temps, le sourire même (l’arme fatale) nous a été retiré.  Nous voilà tous bâillonnés, acceptant plus ou moins notre état, certains convaincus d’aider les autres et la société, d’autres simplement pris dans la marche des obligations légales.

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De mon côté je ressens une forte résistance depuis le début.  Cette notion m’est venue très vite et je crois pouvoir mieux imaginer ce que pouvait être la « résistance » de l’époque de la seconde guerre mondiale.  Ce n’est pas l’héroïsme ou la morale droite qu’on nous a tant vanté, ce ne sont pas des « justes »,  ce sont  juste des gens qui ne pouvaient pas faire autrement. Ce sont des familles qui se sont déchirées, des amitiés qui se sont brisées, parce que ceux qui étaient « antisociaux », ceux qui étaient « des terroristes », que l’on dénonçait comme tels, ne pouvaient pas faire d’autre choix.

Ce qui est juste en ces temps incertains,
c’est ce que l’on ressent comme juste.

 

Il faut  s’armer de courage  pour aller contre la loi, contre les masses, contre la morale, contre la société tout entière. Il faut garder dans le secret de notre coeur  nos croyances et  nos convictions intactes.  Des croyances sur l’humanité qui se perdent parfois dans les méandres de l’histoire.  Aujourd’hui je sens que l’humanité de tout un chacun vacille et tangue.  Je vois des murs de la haine (sur Facebook), des déferlements d’injures, des exagérations des dénonciations. Je vois que chacun aime à surveiller son voisin, à donner des petits conseils amicaux, à dénoncer tout simplement ceux qui ne vont pas dans le sens de la norme. L’impression d’être partout comme à l’abattoir dans des rails qui nous guident vers la mort de l’humain.  Suivre les flèches, le sens de la marche, ne pas réfléchir et ne pas se rebeller.  Les regards apeurés, c’est tout ce qu’il nous reste pour communiquer.  La voie est tracée  il ne faut surtout pas s’en éloigner.

Je n’ai jamais été dans ce sens là ! L’anticonformisme et cette distance au monde me préservent aujourd’hui de la folie collective.  Je tente de trouver le réconfort auprès de ceux qui partagent mes idées, mais nombreux sont ceux qui partagent le constat sans tirer les mêmes conclusions.  Les antis-,  les réacs, les extrêmes… Je ne veux pas de vos cases, de vos jugements, de vos conseils, je veux simplement vous dire que ma résistance servira au delà de ma personne, comme exemple, comme espace de liberté, comme espace ouvert à l’autre, sans peur ni haine.   La haine et la peur sont partout, s’infiltrant sous le masque et les regards suspicieux de chacun de nous. Il faut cultiver la lumière en nous, même si cette dernière doit parfois s’éclipser pour pouvoir renaître.

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Comment résister ?  c’est toute la question.  Aujourd’hui ce sont les mots, demain je l’espère aussi les actes.  Il faudra bien suivre sa voie, la mienne a pris un chemin de traverse et ne trouve plus sa place dans la société actuelle. Décalée je suis, et décalée je resterai…

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Le monde d’après n’existe pas

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Il n’y a pas de « monde d’après », comme cette expression est galvaudée !  Le monde n’a pas changé de nature, vous même n’avez sans doute pas beaucoup changé, et au final on nous fait croire qu’on a collectivement survécu à une menace planétaire pour mieux nous en libérer dans la joie et l’allégresse.  Pendant toute cette période, j’ai été particulièrement choquée par la communication et le storytelling d’une efficacité redoutable.  On nous a d’abord bien fait peur (et nombreux sont ceux qui sont encore englués dans cette peur), puis on nous a fait doucement accepter l’aliénation, la folie collective et tout ça pour le bien commun afin de penser aux autres.  Enfin on nous offre la liberté retrouvée, mais cet ersatz de liberté n’en est pas vraiment une.

J’ai pris beaucoup de distance avec ces évènements et quoi que chacun en pense à titre individuel, il est important de voir ce qui se passe actuellement, avec un regard qui porte au delà des apparences. Avoir une distance critique avec l’actualité, me semble être essentiel.

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En premier lieu relire (ou découvrir pour la première fois) le livre de Naomi Klein, « la stratégie du choc » sous titre « la montée d’un capitalisme du désastre ».  Attention ce  livre est une grille de lecture imparable de notre société actuelle et même si il date de 2013 et s’appuie donc sur des exemples aujourd’hui un peu ancien, il est d’une actualité criante.

Le choc a eut lieu et pendant que tout le monde avait les yeux rivés sur des chiffres et des courbes qui ne cessaient de monter, nous avons tous collectivement accepté et intégré à nos vies  l’inacceptable : devoir justifier de ses sorties et de ses déplacement, rester enfermé chez soi et puis le pire de tout : volontairement éviter les contacts avec les autres.  Nous voilà chacun dans sa bulle, la peur et les yeux rivés aux écrans, prêts pour le lavage de cerveau.  Les inégalités se sont renforcées, la peur de l’autre s’est renforcée, la misère affective aussi.

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Aujourd’hui c’est la phase 2 et sous couvert de réouverture,  on se rend compte que la crise économique est là, plus insidieuse et présente que jamais.  L’économie, ce n’est pas vraiment ce que je voudrais sauver ou défendre, mais ça fait des années qu’on nous apprend qu’il n’est pas de système  possible en dehors de celui-ci.  Il parait même qu’on l’a choisi (mais personne ne sait plus vraiment à quel moment).  Nombreux sont ceux qui voudraient sortir de ce système, mais il sait se nourrir des révoltes et des crises.  Il suffit de voir l’adaptation de la communication publicitaire, et son goût pour nous vendre  « le monde d’après » comme si un changement significatif avait eut lieu.  Rien n’a changé et nous continuons à dégringoler dans une course folle de consommation,  dans l’urgence de l’instantanéité.

Il y a bien longtemps que j’ai choisi de tout ralentir dans ma vie,  le temps long permet de réaliser soi même beaucoup de choses, avec une certaine satisfaction liée à l’autosuffisance.  J’ai aussi choisi de me rapprocher de la nature et de vivre à un rythme qui est décalé du monde tel qu’il va.  Je ne reviendrai pas en arrière, et ces dernières semaines n’ont pour ainsi dire rien changé à ma vie habituelle. Je m’adapte aux autres, à leurs craintes, à leurs doutes, je les constate, je ne les juge pas, mais je perçois chez chacun de nous que les limites du supportable sont atteintes.  J’avais déjà fait un pas de côté, je me sens maintenant sérieusement à contre courant. Résister aux courants de pensées dominants, proposer autre chose et voir si ça fait  sens et si ça prend.  Encore une fois rien n’a changé, je n’ai pas changé et vous non plus.  Mais on nous fait croire que tout a changé afin de détruire un peu plus ce qui fait de nous une société, ce qui nous relie et nous tient ensemble, voilà bien le type de discours produit actuellement.  L’obéissance à la règle nous limite. La haine et la jalousie nous limitent.

La peur nous limite.

DSC00150Le port du masque est un symptôme qui m’interpelle depuis  le début.  Ces masques qui ont tant manqué aux soignants quand ils en avaient besoin, que l’on a jugés inutiles, que l’on a déprécié (surtout ceux de fabrication artisanale) donc impossible à normer ou à évaluer.  Aujourd’hui ils deviennent la norme, la demande du plus grand nombre, mais est-ce vraiment une protection ou plutôt un moyen de faire taire la population ? De montrer dans l’espace public qu’on répond aux injonctions et à la demande du politique ?   Vous souvenez-vous ces chiffres qu’on nous assénais tous les jours lorsqu’ils montaient et qu’il fallait aplatir la courbe.  aujourd’hui la courbe redescend très près du plancher et tout le monde se protège d’un ennemi qui n’est déjà plus présent.  Les chiffres sont disponibles sur le site Infos coronavirus. Ces cartes interactives sont très bien faites, il suffit de les lire : je vis en Aquitaine, l’une des régions les moins touchées de France en valeur absolue.  Mais ce qui est intéressant ce sont les courbes. En Gironde, on peut voir le nombre de nouveaux cas détectés grâce aux tests effectués, dans l’onglet « suivi des tests ».  Si vous additionnez tous les positifs du mois de Mai (car les chiffres ne sont mis à jour que jusqu’au 25 Mai) ça fait 9 cas nouveaux pour toute la gironde (1,62 Million de personnes) ! Au plus fort de la crise le 30 Mars, on dénombrait 28 cas nouveaux dans une seule journée.  En île de France où le nombre de cas est bien supérieur, les chiffres des nouveaux cas témoignent aussi d’une baisse vertigineuse.

Le masque n’est une véritable protection que si vous cotoyez des personnes infectées, sinon avec toutes les autres, il est plutôt le signe que nous acceptons collectivement de vivre dans la peur de l’autre. Le masque est un signe visible de la présence du virus qui n’est déjà plus là.  Mais il permet aussi de soutenir que c’est grâce à lui que le virus ne circule plus. La réalité c’est que la menace est aujourd’hui d’une autre nature.  Il est probable que dans les mois et semaines à venir, comme c’est le cas depuis quelques semaines déjà, des lois liberticides soient passées sous couvert de l’état d’urgence sanitaire. Il est important de pouvoir sentir quand on est abusé et de savoir résister aux injonctions qui nous semblent indues.  Je crains pour notre avenir en tant que société.  Je perçois la peur et l’injonction à être vigilant et à respecter les « gestes barrières » et les « distances de sécurité »  comme un glissement lent et progressif vers une société de la peur de l’autre, une société de l’isolement de chacun à distance. Vous avez remarqué qu’il faut, depuis cette crise, marcher du bon côté des lignes tracées au sol, dans le sens et la direction qu’on nous indique et parfois même se retrouver enfermer dans une case.

Quelle angoisse cette case !

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Je fais  parti de ceux qui, en général, ont besoin de distance avec autrui, et c’est avec une certaine joie que j’ai abandonné les bises et autres accolades qui me semblaient souvent superficielles et parfois désagréables.  Mais le monde d’après, c’est à nous de le faire advenir et je ne me vois pas vivre dans un monde où les mots ne peuvent plus sortir clairement de ma bouche, ou j’étouffe de rage sous la châleur moite d’un masque à miasmes.  Je ne veux pas vivre dans ce monde du tout jetable, de l’immédiat et de la mémoire courte.  J’invite chacun à penser ce qu’il veut de la situation, mais à penser par soi-même, à se poser des questions.  Pourquoi en Gironde pour 9 cas détectés qui sont bien entendu assignés chez eux, il faudrait faire  vivre toute la population masquée?  Précautions certes, mais dans le sens aussi de prendre avec précaution les demandes parfois farfelues de nos dirigeants. Le monde d’après commence au moment où l’on décide d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe sous la surface et d’accepter ce qu’on ressent.  Que celui qui n’a pas eut de symptômes ces derniers temps m’explique comment ça gratte, ça chatouille, ça bloque  la respiration, ça étouffe, ça inquiète, ça angoisse, ça ne me semble pas juste.

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Le chaos et après ? Nous voulons de l’ordre, nous voulons la sécurité, nous voulons l’opulence du tout tout de suite.  Ce qu’il va nous falloir c’est apprendre.  Apprendre à faire par soi-même, apprendre la résilience et le dénuement heureux.  Il faudra sans doute ré-apprendre les gestes du quotidien qui nous sont vraiment essentiels.  Les mains dans la terre, semer, planter, pour se nourrir.  Mais aussi profiter de l’abondance que nous offre la nature parfois.  Il faudra utiliser ce qu’on a, produire moins et réparer plus.  Notre planète est déjà munie de tout ce qu’il nous faut, si nous vivons à notre juste place, nous n’avons besoin de rien de superflu, rien de plus que l’essentiel.  Le monde d’après ne m’inquiète pas, tout comme le virus ne m’a pas non plus fait peur, il s’agit d’accepter et de continuer à vivre comme avant mais avec les yeux ouverts. Rester vigilant aux glissements d’une société tout entière vers la peur, la haine, le rejet et le chacun pour soi. Rester ancré, les mains dans la terre, c’est ce qui nous relie et nous protège le mieux que la folie actuelle.

PLANTEZ DES GRAINES !

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8 mars… cherchez l’homme

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En ce seul jour de l’année qui n’est pas phalocentré, qui commémore les petites et grandes victoires pour l’égalité des sexes (pour mémoire ma grand-mère paternelle n’a eu de compte bancaire à son nom qu’à la mort de son mari). Je souhaiterai avoir une pensée pour les hommes, pas tous les hommes, mais ceux qui luttent aux côtés de leur compagne ou de leurs amies afin de faire valoir leurs droits.  Une pensée pour les hommes qui font l’effort de comprendre et respecter ce qui fait  nos différences.  Une pensée pour les hommes qui ne se sentent pas menacés par les femmes, qui aiment leur force, leur courage, leur détermination.  Une pensée pour les hommes qui ne  fuient pas pendant les règles qui ne cherchent pas que la jeunesse, mais aussi la sagesse.  Une pensée pour les hommes qui s’effacent un peu pour nous laisser la place, non par galanterie crasse mais par modestie naturelle.

Pourquoi les adjectifs : sensibles, délicat, méticuleux, doux, polis, sage, gentils, discret,  coquet, précieux, prudent et même féminin seraient dévalorisant pour les hommes alors qu’ils sont le plus souvent considérés comme des qualités pour les femmes.

A l’inverse les qualificatifs : fort, sauvage, courageux,  intrépide, intransigeant, à poigne, brutal, énergique, sans limite,  forte tête, et même viril sont réservés aux hommes dans leur acceptation positive, si l’on qualifie une femme ainsi c’est dévalorisant.

Bref le lexique ne nous aide pas, les mots que l’on entend depuis l’enfance non plus « arrête de pleurer comme une fille » dit-on aux petit garçons tandis qu’on reprochera aux filles leur souillure et les vêtements déchirés d’avoir joué dans les bois.

_DSC8282Pourquoi la journée de la femme ne serait-elle pas plutôt la journée des qualités féminine qui peuvent tout aussi bien s’appliquer aux hommes sans les dégrader ni les affaiblir dans leur masculinité ? J’aime les hommes sensibles, ceux qui savent montrer et exprimer leurs sentiments, j’aime qu’ils soient dans l’incertitude et qu’une présence autre les rassure, j’aime penser que je suis un chevalier et les voir comme des princesses en détresse, parfois les rôles s’inversent.  J’aime jouer au jeu du féminin et du masculin, mais sans en être prisonnière, sans me sentir enfermée dans le corset trop serré.  J’aime cuisiner et m’occuper de la maison, mais si on me dit que c’est mon rôle, je peux vite ruer, car ce n’est pas le cas.  J’apprécie de vivre avec un homme qui est prêt à partager les tâches ménagères, mais aussi les travaux… Il n’est pas facile aux hommes de trouver leur place en ce monde, et pour nous les femmes si nous voulons le pouvoir il est a portée de main aujourd’hui, mais il est surtout inaccessible dans nos têtes, dans nos représentations et les limites que nous nous mettons.

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ITOU

Vous les avez remarquez ces hastags qui fleurissent depuis quelques mois,  #Metoo, #balancetonporc  etc… Si vous ne les avez pas vus c’est que vous êtes passés à côté d’un mouvement de fond, d’un tsunami de libération de la parole des femmes et c’est sans doute que vous croyez que le sujet ne vous concerne pas, où qu’il ne vous touche pas.  C’est tellement plus facile de détourner le regard, d’arguer la pudeur et  l’intimité, c’est aussi souvent par honte qu’on a du mal à se reconnaître dans les récits d’abus, qu’on les ait subis, vus mais pas dénoncés ou perpétrés, la honte nous colle à la peau.

Girl street artLe mouvement  #Metoo m’a touchée et fascinée.  J’ai lu tous les témoignages que j’ai pu, avec une sensation de familiarité vague, j’avais eu la même impression lors de la découverte du Tumblr Je connait un violeur. Il y a eu ce blog puis la BD sur les crocodiles, une amie a même eut l’honneur d’avoir sa propre expérience de viol illustrée dans ce bouquin. Ces histoires de viol, quand tu es une fille tu en entends plein, beaucoup sont horribles, terribles et tu grandis avec cette peur, tu te construis avec ça.  La révélation de ce mouvement de libération de la parole, c’est que ce ne sont pas quelques femmes, ni même une majorité de femmes qui peuvent témoigner d’agressions sexuelles, c’est TOUTES les FEMMES !

Et donc moi aussi… Oui mais moi c’est pas pareil, j’ai pas de souvenirs précis à raconter, j’ai pas d’histoire édifiante qui ont vraiment mal tourné.

Je n’ai pas été violée.

Et pourtant j’ai été agressée plusieurs fois, juste parce que j’étais une fille, que j’avais de longs cheveux, que j’étais jeune, peu importe en cherchant des justifications à cette expérience, je rentre déjà dans la culture du viol.

J’ai le souvenir de ce soir de Novembre où en sortant à 18H du cinéma je crois que j’étais allée voir Carla’s Song de Ken Loach j’avais à peine 15 ans, (après ce film et sa violence, c’est difficile de comparer cette petite agression que j’ai subie), mais j’ai eu très peur.  J’attendais que mes parents viennent me chercher, en fait je devais les appeler d’une cabine de téléphone non loin du ciné, sur le parking (Oui tout ceci était bien avant les portables) et là juste en sortant, il y avait trois garçons je crois qui ont commencé à me suivre, à me parler du genre « t’es mignonne on peut t’accompagner » et j’ai senti l’oppression qui pesait sur moi, la peur est montée.  Ce sont-ils approchés physiquement ? je ne m’en souviens pas.  Je sais juste qu’au lieu d’aller téléphoner dans la cabine seule au milieu du parking avec ces trois assoiffés sur mes talons, j’ai opté pour la boulangerie la plus proche dans laquelle je me suis réfugiée et où j’ai demandé si je pouvais appeler mes parents d’ici car je ne me sentais pas en sécurité dehors.  La boulangère a vite compris et m’a laissé téléphoner et puis j’ai attendu dans la douce odeur du pain chaud que l’on vienne me chercher.  Dehors j’ai laissé les loups hurler.  Peu de temps après cette agression avortée, j’ai coupé mes cheveux très court pour ne plus jamais être reconnue par ces individus que j’avais senti menaçant et prêts à tout. Mais ce type d’agresseurs sont des charognards opportunistes, ils n’agresseront que si ils savent la proie déjà à terre et abîmée. Ce ne sont pas des grands fauves, à peine quelques chacals.

On en revient à mon incapacité de dire #Metoo et pourtant je sens confusément que MOI AUSSI.

Si on remonte encore plus loin dans mes souvenirs, il y a la question du consentement.  En effet petite fille j’ai très vite refusé de faire la bise aux adultes, ils sentaient tous mauvais et je n’aimais pas qu’ils s’approchent de moi.  J’ai toujours eu des sensations d’oppression quand quelqu’un me touche, il y a toujours eut cette alarme qui se déclenche quand on rentre dans mon cercle de protection intime à savoir quand on touche ma peau. Hypersensibilité ou mémoire traumatique refoulée, qu’importe pour moi le débat sur la question du consentement s’est révélé très fructueux.  Car enfin on évoquait l’idée qu’un enfant qui ne veut pas approcher physiquement les adultes ne doit pas être forcé  à le faire pour « être polis ». Car si être polis revient à ressentir de la gêne,  et à vivre cette politesse comme une violence, pourquoi l’imposer à un enfant. Il me semble que la question du consentement et du respect de l’intimité des autres se joue beaucoup dans l’enfance et donc dans l’éducation.  Là encore je n’ai pas été abusée par des adultes, j’ai juste du parfois subir des contacts de barbes, de peaux et d’odeurs buccales qui ne me plaisaient pas.  Mais je sens que quelque chose de plus profond se joue là et réduire ces maigres souvenirs de malaise à un « c’est pas si grave » est un moyen de faire perdurer ces situations.

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Par la suite dans mes relations avec des garçon, je me suis aussi retrouvée assez facilement dans des relations abusives.  Là encore pas des abus graves, personne ne m’a battue, ou violée, enfin on m’a parfois un peu forcée la main et pas seulement la main.  Mais c’est récemment que je m’en suis rendue compte quand enfin j’ai trouvé un homme qui tenait au consentement sexuel, c’est là que j’ai découvert qu’on ne m’avait jamais demandé mon avis avant. J’ai alors eu honte d’avoir accepté de me laisser abuser.  J’ai eu honte aussi d’avoir aimé et intégré cette inégalité comme étant une relation normale. Car c’est de ça dont il est question dans la libération de la parole actuelle, c’est de se rendre compte qu’on a toutes intégré l’inacceptable et joué le jeu. Il faut en parler encore et encore, parce que c’est ainsi qu’on éduque les petites filles, à faire plaisir à sourire à ne pas broncher ni se défendre.

Adulte on préfère minimiser, on l’a toutes fait pour nous et puis quand vient le tour des autres, on voit bien ce qui se passe, et on a beau prévenir la victime qu’elle est en train de dépasser les limites de l’acceptable, bien souvent, dans une relation toxique elle s’avère consentante et même passionnément amoureuse de son bourreau. Comment alors dénigrer l’objet d’un amour aussi fort ? La prise de conscience est d’autant plus violente que vient s’ajouter un sentiment de culpabilité  énorme (comment j’ai pu laisser quelqu’un me faire ça ?). Le fond de ce mouvement, n’est pas de dénoncer les abuseurs, ce n’est pas une chasse au porc, c’est un moyen de mettre en garde chaque femme contre les petits abus qui deviennent parfois d’immenses violences.

DSC00145J’ai grandit dans la peur, celle que ma mère m’a transmise pour moi. Je n’ai pas compris comment ma mère qui se disait féministe pouvait faire ainsi deux poids deux mesures dans l’éducation de sa fille et de son fils.  J’ai intégré que j’étais une victime très tôt et je pense que toutes ces sensations de familiarité face aux récits de viols et de violence, cette dissociation que j’ai pu avoir avec moi même et avec mon corps pendant des années,  ne viennent pas de nulle part.  Je pense qu’il y a dans mon histoire quelque part, pas forcément dans ma mémoire consciente, mais peut-être dans un vécu plus ancien, des abus qui m’ont rendue telle que je suis. Je pense que ça fait partie de ce qui se transmet par le non-dit. Je pense aussi que ça fait partie de ce que je voudrais éviter de transmettre…

C’est le constat terrible : on transmet la culture du viol de mère en fille…  Par la peur, par le non-dit, par les mots de protection et de déni qu’on utilise et qui infusent malgré-moi tout cet article, par la voix muette de nos ancêtres qui nous traverse encore et encore.

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La vie n’est pas une comédie musicale

J’ai traîné les pieds avant d’aller voir LE FILM, celui dont tout le monde parle depuis des semaines, celui qui à failli gagner l’oscar du meilleur film et puis finalement non… Bref j’ai fini par découvrir mi-amusée, mi ennuyée le film LA LA LAND de  Damien Chazelle.

large LALALANDCe film m’a fait l’effet l’effet de montagnes russes, passant tour à tour de l’agacement à l’ennui face aux scènes de comédie musicale plus virtuoses dans leur réalisation que charmantes. A un moment je me suis dit que ce film n’allait être qu’une bluette de plus, l’histoire d’une romance qui commence mal et qui sonne faux. Tout comme l’agressif klaxon du personnage masculin  qui donne le ton de la première rencontre entre les deux personnages et devient ensuite le rappel  violent de l’urgence à  réussir qui anime les deux personnages. Deux losers aussi magnifiques qu’ambitieux se consolent l’un l’autre, s’ouvrent l’un à l’autre, s’encouragent à poursuivre leurs rêves, jusqu’à ce que l’un d’eux cède à la compromission  (et gagne ainsi une gloire bien dérisoire) tandis que l’autre voit son rêve s’écrouler face à la dure réalité.

Personne n’attend les artistes et le chemin vers la réalisation d’une oeuvre passe par une persévérance sans limites, une capacité à encaisser les flops, le désintérêt du monde pour notre univers intérieur si singulier.

Sur ce principe de réalité vient se casser le ciment du couple, la relation idéale, la petite bulle d’amour qu’ils partageaient. Ces deux êtres s’aiment et se soutiennent, jusqu’à ce que le succès de l’un (loin de son ambition première) et l’échec de l’autre sape la confiance mutuelle de l’un dans l’autre.  C’est là que le film devient intéressant, quand les deux doivent faire face à leur rêves brisés et qu’une remise en question s’impose.  Cette scène ou Mia évoque sa tante qui a sauté dans la Seine, ce moment d’émotion sincère ou l’actrice après nous avoir joué et mimé tous les sentiments, se révèle dans ce qu’elle a de plus fort : sa fragilité.

Voilà en quoi LA LA LAND parvient à tordre le cou à son propre style, à montrer la faille sans défaillir, et voilà en quoi le film m’a saisie. Cette comédie musicale n’est que le paravent qui masque une histoire autrement plus sombre. La fin en pied de nez (qui m’a rappelé  un certain moment de Mommy) témoigne de l’idée qui sous-tend ce film :

La réalisation des rêves se paye au prix du désenchantement.

Après ça tout est dit et il faut se colletiner la montagne d’effets pop acidulés que Damien Chazelle nous fait traverser pour en arriver à cette vérité crue, intransigeante, dérangeante et pourtant si salutaire. C’est ce qui sauve le film d’un ennui certain, d’un happy-end trop attendu, c’est l’idée terriblement mélancolique que notre vie dans toute sa gloire n’est faite que de nos ratages. C’est ce qui est beau au final, c’est ce qui m’a parlé en tout cas. La musique et les couleurs vives cèdent peu à peu la place au gris, au bleu qui évoque l’univers de Kind of Blue de Miles Davis.  Le bleu, la couleur que je travaille sans cesse, la couleur d’un sentiment à la fois sombre, profond et lumineux, celui d’exister, de rêver et souvent de rater sa vie.

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Outrenoir

J’ai longtemps cherché le bon ton pour évoquer les sujets d’actualité et ces derniers jours m’ont fait encore plus hésiter.  Plonger dans l’émotion n’est pas chose aisée pour moi. Hurler avec les loups (ou suivre les modes et codes) me pose également problème. L’uniformisation des photos de profils est une forme de soutien comme une autre, mais j’ai bien du mal à me reconnaître dans ces trois couleurs primaires que sont le bleu, le blanc et le rouge ainsi que  dans les paroles d’un hymne guerrier et sanguinaire.  Pourtant j’aime le fromage, le vin, je suis arrogante et je râle sur tout, en cela je suis bien française.  J’ai lu, ici   et là aussi des textes qui m’ont touchée que j’aurais aimé écrire. Chacun écrit avec sa propre sensibilité et ces amies qui ont trouvé leurs mots, m’ont donné le courage de chercher les miens.

Aujourd’hui en plein milieu de ces trois jours de deuil national, j’ai choisi ma couleur, mais comme d’habitude, pas d’aplat ou d’uni, car c’est la complexité qui m’intéresse dans les couleurs comme ailleurs.

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L’Outrenoir de Pierre Soulages, c’est la puissance du noir, celui dans lequel on peut se noyer, s’oublier et se cacher un temps.  Ce noir porte en lui la lumière, il rayonne, il vibre, il vit.  Le noir n’est pas un absolu, ce n’est pas l’absence de couleurs, c’est la concentration extrême de pigments jusqu’à annuler toute perception de la couleur.  Ce qu’il reste c’est la lumière qui joue et affleure, qui révèle la complexité, les circonvolutions. La lumière c’est encore ce que l’on voit le mieux dans le noir.

Je crois à la lumière en chacun d’entre nous. Je crois que nous avons tous en partage un peu de cette lumière qui nous réchauffe et nous transcende.  Parfois on se laisse obscurcir. Gagner par l’ombre de la haine, de la violence, celle de la peur surtout.  Je crois que plus on tamise sa propre lumière, plus on a du mal à voir et à apprécier celle des autres. Je ne crois pas qu’il existe des personnes fondamentalement mauvaises, mais je vois l’obscurantisme un peu partout éteindre les feux de joie et tout ce qui fait la vie, à commencer par les femmes. La lumière des femmes est particulière et elle a toujours un peu effrayé ceux qui les approchent.  Je ne prône pas l’absolution pour tous, mais je me méfie du feu de la vengeance de la force de la haine, implosive, qui commence par nier l’autre comme source de lumière.

Paris a longtemps été ma ville de coeur et je sais sa violence, c’est aussi pour ça que je l’ai quittée. Mais aujourd’hui je voudrais y être et me réchauffer dans ces instants singuliers, en suspension après le choc et avant l’effondrement.  Car je ne doute pas un instant que les choses vont mal tourner, c’est perceptible, l’avenir sera noir.  Je le souhaite Outrenoir, celui qui révèle la lumière. L’espoir et l’amour sont des flammes inextinguibles.

 

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Le temps d’aimer

Tout ce qui prend du temps, toutes ces activités qui nous demandent de nous investir, d’y consacrer nos jours, nos nuits, d’en perdre le sommeil et puis qui ne nous rapportent rien d’autre au final que la satisfaction de vivre ces moments pleinement, tout ceci m’attire.

Je  sens confusément que j’atteins mon but quand je perds mon temps.

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Pourtant je m’en veux, la voix de la bonne conscience, celle de la société, celle des parents et des autres, me crie que je ferai mieux de me trouver un vrai travail, de rentrer dans le moule, de faire comme eux, ceux qui vendent leur temps contre de l’argent.  Mais j’ai besoin de temps, de tout mon temps, pour vivre, pour penser, pour chercher, pour aimer.  Rien ne m’est plus précieux que le temps et je connais le moyen de le suspendre (si ce n’est de l’arrêter). Je sais que je peux le ralentir à l’envie, et passer un temps infini à faire ce que j’aime. Rien n’est plus illusoire que le temps.  Quand comme moi on aime projeter, le temps est notre ennemi et toujours on anticipe sur ce qui doit advenir.  Mais aujourd’hui, je veux le temps d’une respiration plus profonde, suspendre la course de ma conscience et laisser mon coeur s’emplir de joie.  La joie de faire une activité ludique, intéressante, la joie de voir ton regard s’allumer, la joie de partager un fruit mûr, un verre de vin, un thé chaud et aromatique. Tous ces instant que l’on partage sont de petits moments suspendus, petit accrocs d’éternité.

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Aujourd’hui j’ai pris conscience que le lâcher prise sur lequel je travaille activement est intimement lié au temps.  Et je note aussi que mes résistances sont souvent liées au temps.  Je me met la pression pour faire des choses, pour parvenir à un résultat vite. Beaucoup trop vite pour pouvoir  bien faire et atteindre le niveau d’exigence qui est le mien.  Résultat, la plupart du temps, je ne fais rien, disons rien de productif. Mais écrire, teindre, aimer, sont des processus longs dont la maîtrise nécessite le travail de toute une vie.  L’apprentissage, la recherche, le temps perdu de Proust, c’est aussi savoir trouver le temps suspendu, celui du plaisir, de la joie et du bonheur.  Pourquoi ce temps suspendu n’est qu’une parenthèse dans nos vies, alors qu’il devrait en être l’essence même ?

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Voilà des jours que je me morfond, pleine d’envie et incapable de commencer  une seule chose à la fois. Je papillonne une bonne partie de la journée et la nuit je m’en veux, je cours au ralenti dans des rêves sans fin. Ais-je l’obligation de produire quoi que ce soit ?  Ne puis-je pas simplement jouer et trouver du plaisir dans le processus ?  Jouer toute ma vie ? Ne jamais me prendre au sérieux ? Qui me l’interdit ?  Je ne veux plus accepter les codes d’une société marchande, désaxée, perdue qui confond désir et besoin. Aimer est de loin l’acte le plus rebelle et antisocial qui soit, car on n’a besoin de rien, il suffit d’avoir du temps et l’infini à l’intérieur de soi à partager.

Images du toit de la base sous marine de Bordeaux où la végétation lentement a repris ses droits, nourrie par les puits de lumière laissés par les obus de la seconde guerre mondiale. Un lieu hors du temps, très photogénique, dont les lignes droites, brisées par endroit par des éclats de violence sont aujourd’hui empruntes d’un mystère et d’une vie propre.

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A poils

Depuis plusieurs mois ça bouillonne en moi.  Dans les prochaines semaines, je vous raconterai le processus lent et parfois difficile qui m’a ramenée vers l’écriture.  Je veux partager cette expérience depuis longtemps, mais ce qui m’en empêchait semble être du même ordre que ce qui me retient encore aujourd’hui d’écrire : la peur.

Dans un rêve que j’ai fais récemment, certaines personnes me mettaient en garde contre la vie d’artiste avec cette phrase : attention, les artistes finissent tous à poils !

Me mettre à nu, me montrer à vous dans mon état de nature, quelle entreprise, quelle impudeur. Les artistes quelle engeance !  D’où ma peur, ma honte et ce furieux désir de me cacher, de me fondre dans la masse, ces dernières années, j’ai soigneusement nié ma personnalité, renié mes désirs, jusqu’à ne plus rien ressentir.  Si je dois passer par cette étape dénudée, c’est pour sentir à nouveau le froid piquant du vent sur ma peau, les gouttes de pluie, de sueur, d’urine ruisseler le long de mes membres.  Il faudra aussi que je retrouve le frisson, non pas celui qui précède la nausée et les vomissement, mais plutôt celui qui annonce le rire ou l’effroi.

tumblr_m4q6cupu4c1qc6n3ro1_500Ces derniers temps, j’ai cadenassé mes émotions jusqu’à ne plus rien ressentir, jusqu’à toucher le vide.  J’essayais de répondre à la demande de normalité, j’essayais de faire comme eux, comme vous peut-être, de vivre à distance de ces aléas et de ces troubles.  Trop violents pour moi ?  Non c’est simplement la peur qui  me paralysais, figée dans l’image parfaite d’une poupée au teint cireux et aux yeux creux.

A voir
A poils, c’est aussi le très beau film Naked de Mike Leigh.  Auteur réalisateur anglais dont je reparlerai certainement dans ces pages tant certains de ses films m’ont bouleversée. A voir également de Mike Leigh le superbe film Another Year.

Les années passent, mon visage se marque, mais presque sans changer, le temps glisse sur moi, normal je ne vis pas.  Je passe à côté, je me protège derrière les hauts murs, et comme la rose du petit Prince sous sa cloche et bien abritée derrière son paravent parfois je me languit du monde extérieur qui est si terrifiant. Les fleurs sont si contradictoires !