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Chrysalide

J’ai toujours comparé mon lieu de vie à un cocon. C’est cette enveloppe douce qui me protège du monde extérieur, c’est le lieu idéal pour se reposer du monde. Ma maison est mon cocon, mon atelier aussi, tout est tourné vers l’intérieur, mon monde s’y déploie en petit dans les murs qui me protègent.

L’hiver dernier m’est venu la notion de Chrysalide, ce lieu de la transformation voué à s’ouvrir pour laisser sortir le papillon. Certains cocons le restent à jamais… Des centaines de milliers de larves de bombyx sont élevés chaque année, pour ne jamais sortir de leur joli cocon. Le confort du cocon c’est aussi la mort.

La chysalide, c’est accepter de se séparer d’une protection pour renaître sous une autre forme. C’est quitter un abri, délaisser le connu, le repli sur soi… trouver la force de percer la coquille qui nous enserre pour se déployer dans le monde. Un papillon quand il est dans sa chrysalide est appelé nymphe. La Nymphe ne se nourrit pas, elle est en stase, si l’on cherche des images, c’est aussi bien la nymphe du papillon que cette jeune personne diaphane issue des eaux.

Jean-Jacques Henner (15 mars 1829 – 23 juil. 1905)
Nymphe endormie

Je ressens une transformation qui se fait en moi. Une envie de me dépouiller de ce qui me pèse, de m’alléger de cette coquille qui m’enserre. Me voilà prête à m’envoler. Bientôt. Mais la transformation est un temps de crise.

Crise de foi

Il y a des moments où je perds pied, où je perds la foi. Je ne sais plus vraiment si je suis sur le bon chemin, je trouve la transformation douloureuse, oppressante, je me cogne dans cette maison immobile. La vie est terne, grisé, comme étouffée. Je doute de revoir un jour la lumière du jour, je somnole, je peste, je crie et je pleure. Ces passages sont des épreuves sur le chemin, de crises en crises pour peu à peu ouvrir les yeux et voir le monde autrement. Entre temps ça tangue et tout se déforme en moi. Mes émotions viennent me chavirer sans raisons, d’un moment à l’autre je ne suis plus la même.

Il y a la solitude inhérente à la transformation. Personne ne peut aider un papillon à naître, il doit trouver seul la force de se transformer puis de sortir au jour. Le soir, je regarde les lumières du couchant, elles sont flamboyantes, elles m’apportent un message d’espoir. Les couleurs du monde peuvent revenir à la faveur d’un coucher ou d’un lever de soleil. J’absorbe cette énergie de la vie, cette beauté qui m’est donnée, j’essaye de l’ingérer comme je peux.

Parfois les mots des autres viennent nous tirer de là, nous offrir quelques pas de côtés. En ce moment c’est Claire Studer qui m’inspire avec ses mots simples et qui m’accompagne en douceur sur le chemin vers l’abandon du cocon de soie pour se retrouver et traverser les transformations.


Photo de Julie Esteban
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Le coeur ardent

C’est un chêne vert. Un chêne qui met des centaines d’années à pousser pour atteindre cette taille là. Un tronc si large qu’on n’en fait pas le tour deux les bras écartés. Ce chêne est caché dans le jardin secret, d’un bâtiment à l’abandon, une ancienne école ou caserne, un bâtiment austère et inquiétant. En entrant dans le jardin je sens comme une mise en garde : attention aux rencontres dans ce lieu qui abrite le peuple des marginaux, la frange invisible de la société, je m’inquiète un peu. Le chemin est escarpé, les yeux vides du bâtiment m’observent, je suis avec ma chienne et j’ai confiance en elle. Il faut traverser le jardin et s’aventurer un peu plus loin dans ce qui ressemble à une forêt encerclée d’une immense enceinte de pierre. Une forêt protégée par des murs.

Quand je le vois, sa stature m’impressionne. Il est immense, son tronc large et ses branches principales s’ouvent à hauteur de mes yeux. Il pousse dans une pente, droit et fier. Tout près de lui, a été installée une grande pierre ronde comme une meule, la table ronde qui attend ses chevaliers. Il porte son âge sur ses branches, l’écorce et rude au toucher, il a su traverser les âges, les tempêtes, les années, il vit sa vie d’arbre immortel (comme le sont tous les arbres !) Au milieu des branches principales se trouve une grande faille en son centre, comme une immense plaie dont je ne vois pas le fond et qui l’ouvre en deux. Cet arbre séculaire est ouvert, il s’offre à la vue et sa présence me touche. Je décide de m’assoir un instant à ses côtés sur la grande pierre plate.

Le soleil d’hiver vient alors frapper de ses derniers rayons oblique le coeur de l’arbre, l’éclairant d’une lumière dorée, chaude et douce. Je regarde à nouveau cette plaie offerte, son ouverture est pleine de lumière. Au fond quelque chose brille comme de l’or, une part plus claire reflète la lumière et me renvoie à la magie de cet instant. Pendant quelques minutes, le temps d’un coucher de soleil, cet arbre m’a montré son coeur. Il m’a laissé voir la lumière qu’il porte. Il m’a donné confiance dans la notion d’ouverture, il m’a transmis sa force et sa fragilité dans un même moment.

Quelques temps plus tard, je ressens à nouveau que le seul moyen d’ouvrir son coeur, consiste à accepter de montrer sa blessure, la faille qui nous ouvre en deux et autour de laquelle notre personnalité s’est construite. Cette blessure originelle, on fait tout pour éviter de l’approcher, pour ne pas la montrer. J’ai à nouveau ressenti cette ouverture du coeur. J’ai vu la beauté des êtres qui s’offrent ainsi ouverts et vulnérables, j’ai vu la lumière qui émane de leur béance. Dans l’un de ces moments si particulier où il m’a été donné de toucher et ressentir la fragilité et la lumière en même temps, j’ai entendu en moi le nom d’une ville. D’abord je n’y ai pas prêté attention et puis ce nom est revenu sonner à mes oreilles, et je me suis dit que c’était étrange de penser à cette ville-ci précisément à ce moment. C’est une ville qui m’est inconnue et dont personne ne m’a jamais parlé, j’ai donc cherché le lien entre ce nom de ville et l’ouverture du coeur.

Cette ville s’appelle Paray le Monial. En son sein se trouve la chapelle de la visitation dans laquelle Marie-Marguerite Alacoque reçu la vision de Jésus et de son coeur « brûlant d’amour » pour les hommes.

Le coeur sacré, cet espace de lumière accessible en chacun de nous, cet espace d’ouverture à l’autre et à soi qui nécessite de s’ouvrir en deux, de fendre l’armure pour montrer ce qui est le plus fragile et le plus secret en nous. C’est à partir de notre blessure intérieure, de notre faille, que la lumière filtre tout autour de nous. C’est dans la fragilité que se trouve notre plus grande force. Ce que je cache pour me protéger. Ce qui me fait souffrir et me fait honte, ce qui me met à nu, c’est ce qui rayonne le plus fortement et qui permet l’accès au monde spirituel, à l’amour inconditionnel.

J’ai été bouleversée par ma rencontre avec ce vieux chêne et puis interpellée par la référence au coeur de Jésus. L’image d’un Coeur Sacré, blessé, qui serait le point d’entrée vers le monde spirituel, la clé qui ouvre le coeur des autres, me parle et m’émeut profondément. Le dernier livre que j’ai lu et vraiment aimé s’appelait « le coeur cousu« et il comporte aussi une dimension spirituelle forte. Dans ce livre, une femme recoud le coeur et l’âme d’hommes déchirés, en lambeaux et elle même se perd à force de réparer l’égo, l’âme et puis le corps de ceux qu’elle aime.

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L’éveil

L’expérience transformative que j’ai vécue depuis bientôt 2 ans, mais qui en réalité a été à l’oeuvre pendant toute ma vie, avec plus ou moins de puissance m’a soufflé son nom : l’Eveil. Nommer ce que l’on vit n’est pas simple, j’ai d’abord cru traverser un effondrement, puis une dépression et enfin ce mot qui vient avec la force et l’énergie retrouvée. Ce mot est le bon, car il évoque à la fois la spiritualité, mais aussi une nouvelle manière de voir le monde, d’entrer en relation avec les autres, de vivre tout simplement.

J’ai compris que la traversée entamée il y a 2 ans est loin de toucher à sa fin, mais son sens, m’apparait de plus en plus clairement et la direction prise est celle d’une réparation intérieure, émotionnelle, corporelle et mentale. Tout mon être a vécu une renaissance et bien qu’étant restée la même, je me sens différente, plus affirmée, plus ancrée, plus complète et en capacité de mieux vivre ce qui m’attend. Ce n’est pas simple de mettre des mots sur l’expérience que j’ai vécue et que je vis encore. Mais j’ai tellement envie de partager ce vécu, de le dire, d’en parler avec d’autres qui sont sur ce chemin à différentes étapes. Certains l’ont déjà parcouru, d’autres comme moi viennent de passer un cap, et d’autres encore sont restés dans le fond de la caverne à croire que le théâtre d’ombre de leur vie est la réalité. Pour tous ceux là, il faudra bien un jour les accueillir, les accompagner dans ces traversées incertaines sur les mers déchaînées de nos expériences psychiques. Que vous soyez en pleine tempête où bien arrivés sur un rivage plus calme, tenez bons, mais surtout …

Lâchez prise !

Mon parcours d’éveil s’est fait dans un ordre un peu saugrenu. En général on vit et on engrange des expériences auxquelles ont vient donner du sens. Ces compréhensions successives et la primauté de l’expérience sur le sens sont le chemin habituel, d’un parcours d’Eveil, un chemin de l’extérieur vers l’intérieur, vers les profondeurs de la conscience. J’ai suivi un chemin différent, j’ai commencé par intégrer le sens, le savoir théorique a précédé tout savoir pratique ou d’expérience. J’avais peur de plonger dans la vie, j’avais peur de souffrir, j’avais même peur de me découvrir. J’ai lu tant de livres qui m’ont ouvert les yeux, qui m’ont guidé, qui m’ont enseignés… je continue de lire et d’y trouver matière à réflexion et à compréhension du monde et de moi même. J’ai compris les structures, les mécanismes, les schémas avant d’en faire la moindre expérience. J’ai cru pouvoir m’épargner la souffrance de vivre ainsi, tirer simplement les conclusions sans jamais pratiquer.

L’EVEIL n’est pas mental, c’est une renaissance complète à la fois physique, émotionnelle, sensorielle, intellectuelle, vitale. L’éveil ne peut advenir sans l’expérience de la douleur et de la perte, sans une rencontre avec l’ombre, l’inconscient, la mort (réelle ou symbolique). La traversée du voile ne peut se faire sans une destruction, une perte, un effondrement de ce que l’on croit être, de cette image de nous à laquelle on s’agrippe comme un radeau dans la tempête, à cette illusion de force et de maîtrise qu’on nomme l’EGO. J’ai du passer par le corps, par le physique, car mon mental aussi savant qu’il pouvait l’être était complètement bloqué. C’est donc l’effraction du corps, des sensations, l’ouverture en deux qu’à provoqué la névrite vestibulaire et puis ensuite la fracture du poignet. Je me suis faite ouvrir comme une huître, fracturée mais pas détruite, afin de découvrir qu’à l’intérieur le mollusque que je pensais fragile, avait des muscles d’une puissance inattendue. Accepter de montrer sa fragilité, de la mettre en avant même, de l’exposer à soi et aux autres, dire sa peur et ses souffrances, mettre des mots sur l’expérience de vivre pour guider les autres dans les méandres de leurs parcours.

Nous ne sommes pas 
ce que nous croyons être. 

Je est un autre, et me voilà libérée, sautant de joie à l’idée de n’avoir plus rien en commun avec ce Moi pesant, exigeant, parfois dictatorial. La légèreté ressentie après cette découverte, l’expérience de la joie est tout simplement le signe que je suis bien sur le chemin d’une nouvelle façon de percevoir la vie. Trouver enfin une forme de paix et d’équilibre qui n’est pas figé, mais à reconstruire sans cesse dans un dialogue infini avec soi même. L’éveil n’est pas un aboutissement, c’est un nouveau chemin qui s’ouvre à nous. Tout comme la mort n’est pas une fin en soi, elle est un passage vers un autre état d’être, vers un parcours qui continue car notre expérience touche à l’infini ! J’ai fêté mes quarante ans en début d’année, j’ai eu la sensation d’un basculement dans une nouvelle étape de ma vie, un avenir plus riche, dans lequel l’expérience de vivre ne m’effraie plus, mais va me permettre d’apprendre, de ressentir, de me (re)construire avec l’idée qu’il existe des dimensions multiples de notre être et de notre réalité. La certitude que rien ne nous limite autant que nos croyances, notre égo et nos peurs. L’envie de partager avec d’autres ce chemin d’apprentissage, ces nouvelles sensations, cette force qui nous anime tous.

Photo Marie Wasser

Merci a Stephan Schillinger de s’être trouvé là, au bon moment pour moi « Par un curieux hasard » car ses mots m’ont aidé à comprendre ce que je ressentais confusément. Un grand Merci à Aurélie A. de me l’avoir fait découvrir. Merci à tous ceux qui m’accompagnent dans ce parcours d’éveil : Charles, Aude, Laure, Emmanuelle et tous les autres… Merci aux rencontres étonnantes vécues depuis plus d’un an, aux synchonicités et aux couchers et levers de soleils qui continuent de me bouleverser. Merci aux plantes et à leur enseignement.

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Chute libre !

Ces derniers temps j’ai la sensation que l’effondrement est proche, qu’on va bientôt toucher le sol et imploser avec tout le système. L’angoisse est présente partout, je n’aurai jamais imaginé me poser autant de questions concernant ma capacité à me chauffer l’hiver prochain. Mes finances et moyens ont diminués de moitié cette année. Le maître mot c’est l’adaptation, parvenir à s’en sortir en limitant au maximum les dépenses, en vivant de récupe alimentaire, en trouvant l’abondance dans le troc ou le don et contre-don. Par ailleurs j’ai une immense confiance dans ce qui peut advenir, la peur ambiante ne me gagnera pas, car j’ai confiance et aussi parce que j’ai fais le souhait de vivre l’abondance. Dans ma vie c’est toujours quand j’ai pris des décisions radicales et qui m’ont laissée démunie que quelque chose s’est présenté (comme par magie) pour m’aider et me soutenir. Des sauts dans le vide j’en ai faits, avec toujours l’idée que certains filets de sécurité étaient là. La première sécurité, c’est d’avoir confiance dans la vie, de croire en sa capacité à se sortir de toutes les situations. Nous avons tous en nous des ressources insoupçonnées.

Je regarde beaucoup de documentaires afin de comprendre le fonctionnement du système monétaire et boursier… Autant dire que de ce côté là ça fait un moment que c’est la Bérézina. Déjà au début du Covid en Mars 2020, j’avais été frappée en faisant des recherches par un crack boursier dont personne n’avais jamais parlé. Pourtant il a bien eu lieu. Depuis l’économie survit sous perfusion de l’impression de (fausse) monnaie par les banques centrales, afin d’endiguer la crise, de creuser la dette et de maintenir à flots le système le temps d’un dernier tour de cartes, le temps de ruiner la banque, de siphoner tous les fonds possibles et de plumer les gentils gogos que nous sommes tous à donner de l’argent à l’état afin d’alimenter sans fin le monstre et dont la plupart des systèmes de répartitions et redistribution sont en train ou ont déjà été démantelés. L’effondrement bancaire est proche, il a déjà commencé, mais il fonctionne au ralenti afin de maximiser les profits de ceux qui ont encore les moyens de jouer avec l’argent des autres.

Nous sommes rarement au bon niveau pour apprécier ce qui se passe dans le monde. Le nez dans l’actualité, c’est la catastrophe assurée (et ce depuis de nombreuses années), mais nous avons aussi la chance de vivre dans un monde inversé par rapport à cette vision consumériste. Ce monde c’est celui de la nature et de l’abondance qu’elle nous procure. Dans ce système, rien de manque et dès qu’on se place sur le plan des émotions, de l’affection, des relations, du lien, on se rend compte de tout ce que nous avons. J’ai longtemps mis ces hasards heureux et synchronicités sur le compte de la chance, mais il y a plus que ça. Mes désirs profonds ont toujours été comblés, mes rêves se sont réalisés, et j’ai la chance de vivre libre dans un monde ou chacun se sent enchaîné. Mais la liberté est à trouver à l’intérieur de soi, on ne peut pas attendre qu’elle nous soit octroyée par une puissance extérieure (l’Etat ou autre).

Comme j’ai perdu tous mes droits sociaux à un moment ces deux dernières années, je sais que tout ce que je possède, les quelques économies, ma maison et d’autres bien matériels me seront a un moment enlevés par ce système. Mais avant de devoir lui donner quoique ce soit, d’autres auront perdu beaucoup plus et sans doute la crise sociale éclatera alors. Il n’y a qu’à voir la panique actuelle dans les stations services, la violence qui commence à rejaillir car les gens sont en souffrance et portent une pression grandissante, personne ne peut s’en sortir, c’est une question de temps avant de se voir déposséder de tout ce que l’on a de matériel. J’ai réfléchi très sérieusement à tout ça l’année dernière, j’ai eu le temps d’imaginer ce qu’il reste quand on nous prend tout, il reste la foi, la force intérieure, la liberté morale de choisir la vie, la lutte, la résistance plutôt que d’accepter le pacte diabolique qui nous sera forcément proposé à un moment. Après le chaos, nous allons tous être prêts à accepter le moindre mal, la proposition de main tendue, et cette main sera celle d’un plus grand asservissement encore, c’est certain.

Et si nous profitions de ces crises multiples en cours et à venir pour nous recentrer et nous reconnecter à notre essence divine, au mystère qui entoure le vivant et à notre dimension spirituelle ? C’est la proposition qui nous est offerte par la vie, quand nous serons dépouillés de toutes les questions matérielles, de tous ce qui constitue le décor ou le narratif, il nous restera ce qui fait l’essence profonde de nos vies, qui ne peut nous être volé. Nous allons être amenés vers un dépouillement qui nous permettra de voir qui nous sommes vraiment, quel est notre force profonde. Certains ne trouveront pas cette force en eux, et c’est sans doute qu’ils n’ont pas conscience du lien étroit qui nous unit les uns aux autres et au monde. Pour certain la peur va gagner, le matériel perdu sera comme une perte d’eux même. Regardez cette vidéo d’Eckart Tolle sur l’ego afin de comprendre de quoi je parle. A lire aussi ce petit livre de Christiane Singer Du bon usage des crises, une belle ressource.

Pour moi c’est la possibilité d’un renouveau, d’un changement profond auquel j’aspire depuis toujours. Je me suis toujours sentie inadaptée à ce monde là, j’ai vécu en marge et j’ai trouvé ma voie, mais ce monde et ce qu’il me propose comme modèle ne me convient pas. J’aspire à plus grand, à plus beau, à faire éclater l’énergie qui est au coeur de nos vies et que l’on maintien sous cloche. J’ai appris à voir et à apprécier au delà des apparences le contact des autres êtres. J’ai appris à manifester ma joie, ma confiance et à m’ancrer dans la terre afin de ne pas rester dans l’ether. J’en apprend chaque jour un peu plus sur cet univers dont on parle peu et qui est pourtant là partout, cet univers de l’énergie. Cette énergie dont on croit qu’on va cruellement manquer prochainement, car on la limite à la combustion de matières fossiles, cette énergie est en chacun de nous. La chaleur est en nous et on sait comment l’activer, il suffit d’avoir fait du sport, d’avoir collé sa peau contre celle d’un autre humain, d’avoir même parfois à distance senti la source qui se manifeste sous des formes aussi diverses qu’une source d’eau chaude, une pierre qui a été laissée au soleil longtemps, et beaucoup d’autres exemples. Après avoir lu et tenté de comprendre notre système financier et la folie de notre monde actuel, je vais me plonger dans les écrits de Philippe Guillemant, allez aussi voir ses vidéos, ce physicien est une perle de sagesse et il m’a ouvert des perspectives incroyables, concernant la création de notre réalité qui nous incombe à chacun. Et si notre futur existait déjà quelque part dans l’univers des possibles quantiques et qu’il cherchait à nous contacter, nous guider, nous appeler via la crise collective que nous vivons et la somme de nos crises individuelles ? Une idée saugrenue ? Pas tant que ça …

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Quand la folie devient la norme, splendeur et misère du monde d’après.

J’ai vécu ses deux dernières années comme tout le monde à tenter de raccrocher les wagons, toujours un temps de retard, sidérée par la brutalité de l’anormalité érigée en nouveau monde. J’ai tenté de penser rationnellement ce qui n’avait aucun fondement rationnel, tenté de comprendre, de rester mesurée, de ne pas sombrer dans la folie ambiante. J’ai surtout eu besoin de rester à distance et pour ça la névrite m’a été salutaire. Aujourd’hui alors que pour beaucoup de personnes tout reprend sa place et que le cours de la vie de chacun se poursuit, j’ai une pensée pour ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir vivre dans cette nouvelle normalité.

Ceux qu’on a brutalement éjecté de leur travail un 15 Septembre fatidique sans que leur sort n’ait fait l’objet d’aucun débat, ni d’aucune controverse. Ceux qui ont choisi de s’abstraire du jeu social, d’abandonner leur statut, leur confort matériel et leur idéal même parfois pour rester droit, pour se regarder dans la glace sans honte ni compromission. Ruinés, avilis, traités d’irresponsables et des mois plus tard toujours abandonnés à distance d’une société qui préfère se passer de leur voix discordantes.

« Le cri » d’Edouard Munch

Il y a cette infirmière que j’ai rencontrée, elle travaillait dans un service d’oncologie, auprès d’enfants atteint de cancer. Elle sa limite a été dépassée quand elle a vu des parents ne plus avoir le droit d’accompagner leur enfant pour les examens, les opérations, les soins de suite, des parents interdit de tenir la main de leur enfant atteint de cancer, elle m’a dit « j’ai pas supporté de voir ça, je suis partie, je ne pouvais pas cautionner ça ». Elle avait souvent les larmes aux yeux quand elle parlait de son travail, c’était cet hiver, elle n’avait pas encore intégré l’idée que peut-être elle n’y retournerai pas.

Il y a ce jeune pompier qui a vu certains de ses collègues tomber, il a vu ceux qui ne peuvent plus faire de sport ou s’entraîner, à bout de souffle, le coeur malmené, bref il a préféré abandonner cet uniforme qui était sa fierté, qui lui donnait un charme et surtout un but dans la vie : être au service des autres ! Aujourd’hui il contemple les flammes, partout la forêt part en fumée et les copains au souffle court qui sont sur place, ils auraient sans doute besoin de lui, mais plus personne ne l’appelle pour les interventions. Il a fait le choix de prendre le large, de se couper de sa vie sociale, de ses amis, des sorties, des cafés, à 20 ans c’est pourtant tellement important, mais il préfère la distance. Courir dans les bois, tenter d’oublier que sont rêve lui échappe, c’est ça aussi grandir.

Il y a cette psychologue scolaire, qui peinait déjà à couvrir le secteur immense qu’on lui avait attribué, qui trouvait que les moyens n’étaient pas à la hauteur des discours dans le domaine de la santé des jeunes, qui a vu les ados s’éteindre, d’étioler, se défenestrer, puis pour ceux qui restent se ranger sans broncher derrière leur masque pour cacher leur souffrance et leurs boutons. Avec ces masques, c’est comme si on avait muselé les gosses, elle le sent, elle voudrait leur dire de l’ouvrir, qu’il faut se battre et que la lutte et la confrontation parfois sont légitimes quand les lois sont injustes. Mais ce qu’elle a fait c’est partir, disparaitre, éteindre sa pauvre voix dissidente, pour laisser le champ libre. Personne ne l’a remplacée, ils n’en trouvent plus des psy. Alors les élèves sont restés seuls avec leur malaise, parfois elle s’en veut de les avoir abandonnés, parfois elle préfère ne pas être là pour les inciter à rejoindre le bus de vaccination garé devant la porte du lycée.

Ces gens ne sont pas qu’une poignée, ils sont des milliers, ils ont fait un choix difficile et ils sont aujourd’hui en suspend, quelquepart dans les limbes du non droit du travail. Qui pour se rappeler qu’ils vivent de rien depuis de longs mois ? Qui pour les aider à dépasser le sentiment de rejet, d’humiliation et de perte. Partout Ils manquent à la société. Leur présence manque, leur professionnalisme manque, leur voix manquent dans l’espace pour qu’on puisse enfin respirer un peu d’air frais.

Il y a un film, sur le sujet des soignants suspendus, il est en visionnage gratuit, et pour ma part j’ai fais un don, car depuis le 15 Septembre dernier, un cri immense pousse en moi, un cri de rage et d’injustice, un cri silencieux et sourd qui dit : « personne d’autre ne voit cette folie ?! »

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Vivre en dissonance

Dissonance & Dépendance

Je vis depuis des mois dans un monde qui a implosé et dans un corps fracturé que j’essaye de reconstruire. J’ai tenté de préserver les liens qui m’unissent à mes proches, au monde et à la société, mais je n’arrive plus à faire semblant. Je n’arrive pas à me dire que tout vas bien, ni à trouver la force de vivre dans un monde qui ne cesse de s’effondrer sous mes yeux, sous mes pieds. Je voudrais pouvoir m’abstraire de tout ça (ce que je fais la plupart du temps). Je sais que face à l’effondrement extérieur, il me faut renforcer mon monde intérieur. Travailler mon équilibre, mon ancrage, et continuer à encaisser les coups d’où qu’ils viennent.

Je suis fatiguée, mais je dois rester debout. Je suis émotive, mais je dois rester calme. Je suis rejetée, punie, humiliée (socialement parlant) mais je dois rester digne. Je suis lassée de vivre dans une réalité qu’une minorité seulement partage. Dans un narratif que si peu de gens comprennent et parviennent à penser. Je voudrais comme tout le monde sentir la châleur du groupe, de la meute, de la masse. Quand enfin un discours me semble censé et rejoint mon impression de vivre en absurdistan, je me met en colère face à l’incompréhension des autres, ou je me met à pleurer face à ma propre incapacité à saisir l’ampleur de l’illusion dans laquelle j’ai vécu.

Dans un monde éclaté, où l’ambition de la société est de briser tous nos liens, je découvre que j’ai plus d’aide, plus d’amis et une famille plus unie et respectueuse que je ne le croyais. Parce que j’ai toujours privilégié la solitude, elle ne me pèse pas. Parce que je connais la valeur des liens d’amitié, d’amour et de partage, je ne les feins pas et j’essaye toujours de les vivre avec honnêteté. Me voilà embarquée dans un long travail qui consiste à fabriquer le fil, mes liens, si ténus soient-ils, doivent être renforcés, retordus dans un mouvement de spirale, que mon amie Laure nous fera explorer au mois d’Avril. Puis de ce fil, il faudra tisser, l’étoffe, le vêtement unique qui portera mon histoire et mon identité, qui sera protecteur et beau, enveloppe et seconde peau.

(c) Sylvana Mèle

Le lien viendra de l’unisson de nos voix mêlées dans des chants chorals qui s’élèveront au dessus de nos corps, vers l’infini des étoiles. On commencera par murmurer chacun dans son coin et puis nos chants trouveront l’harmonie, la teneur de tristesse et de révolte comme un gospel, le choeur des esclaves…

Dissonance & dissidence

Alors il faut bien se résoudre à rejoindre le clan des moutons noirs. Ceux qui pensent autrement, que l’on qualifie de tous les pire sobriquets, drapé sans la bien pensance de la doxa. Penser contre est une habitude et un caractère. Ceux que je retrouve dans ce troupeau hétéroclite ont eux aussi toujours été les bizarres, ceux qui sont toujours un peu à côté, toujours en marge du groupe, incapable d’y entrer ou volontairement à contre courant. La diversité des profils, fait que nous ne pouvons pas faire groupe, nous sommes les solitaires, les associaux, les rebuts d’un monde qui fonctionne au marche ou crève. Nous sommes déjà morts socialement depuis longtemps, ce qui atténue la chute. Nous connaissons l’injustice, la manipulation, la perversion, nous l’avons déjà vécu et en sommes sortis encore vivants. Nous sommes nombreux, mais tellement unique, chacun à notre manière, tellement méfiant, tellement blessés, qu’il semble vain de tenter de créer ce Nous. Nous sommes seuls au monde.

C’est en cultivant notre identité singulière, nos univers créatifs et alternatifs que des voies nouvelles seront explorées, d’abord par une seule personne. Puis peu à peu d’autres suivront. Nous ne sommes pas la masse, nous sommes les grains de poussière qui ne veulent pas aller se cacher sous le tapis, on se multiplie, on est de plus en plus visible, de plus en plus sales et dérangeants, on risque de faire trébucher ceux dont le but est le grand ménage. Je suis fière d’appartenir à la fange, à la marge, je sais que ma place à toujours été décalée, je ne souffre pas de cette position. Je souffre de l’incompréhension et du manque d’empathie, des jugements hâtifs, des amalgames, des étiquettes.

(c) Sylvana Mèle

En dissonance, plus rien ne fait sens et le seul moyen de ne pas sombrer dans la folie c’est de se raccrocher à l’humain, de s’ancrer dans la terre et de vivre aussi droit que possible. En dissonance on est sans cesse dans le faux, mais c’est pour prêcher le vrai, on s’écartèle doucement, et parfois le temps d’un instant on retrouve le bonheur, la simplicité du partage, on oublie les clivages et les faux semblants. J’ai besoin des autres et ils me rejettent. J’ai trouvé ma place et elle est à côté, toujours décalée, jamais vraiment là où il faudrait. Je n’ai jamais été aussi vivante que dans cette mort sociale. C’est aussi ça la dissonance…

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Leçons de ténèbres

En chacun de nous se dispute l’ombre et la lumière. Si la lumière est facile à définir et à qualifier, visible, rayonnante, solaire.  La part d’ombre est plus complexe, par définition elle est cachée, elle nous échappe elle se déguise.  L’ombre, l’inconscient, les peurs, les traumas, les blessures enfouies, ce que nous cachons aux autres et à nous même, l’ombre ne cesse de grandir en cette période trouble.  Au solstice d’hiver, lors des jours les plus courts, nous sommes à l’apogée de l’ombre avec pour perspective le retour lent mais certain de la lumière dans nos vies.

C’est le moment pour moi de faire le point sur la façon dont j’ai vécu cette année (en espérant que l’état de mon être reflète aussi celui de notre société tout entière). Nous ne vivons pas en dehors du monde et par conséquent, ce qui nous affecte, ce que nous vivons à l’intérieur est bien souvent le reflet ou un écho de ce qui se passe à l’extérieur et inversement.

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J’ai vécu cette année dans un monde qui a basculé, j’ai vécu un choc avec un avant et un après.  Avant le choc, j’étais dans l’insouciance,  dans l’idée que  tout est stable et immuable, que je peux croire ce que mes yeux voient, ce que mes oreilles entendent, ce mes sens me renvoient, croire à une « réalité ».  J’étais dans l’illusion, mais je ne le savais pas.  J’étais dans le confort de l’ignorance, dans la croyance que j’avais prise sur le monde et que j’étais responsable de ce qui advient dans ma vie.  J’étais dans l’illusion de la maîtrise et de la liberté.

Le choc à pris la forme d’une infection du nerf vestibulaire, puis il s’est répété à l’automne par une fracture du poignet, le choc c’est tout ce qui m’a conduit à la dépendance, à une situation de devoir lâcher, de ne plus rien pouvoir maîtriser. Simplement vivre en me laissant porter par le courant, en acceptant les contraintes physiques, je ne peux plus être celle que j’étais avant.  Le choc  a produit la destruction du sur-moi, de cette carapace de protection devenue étriquée, enfermante et pleine de jugements moraux, d’inquiétude de plaire, de sociabilité feinte.

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Etrangement alors que j’avais l’impression d’être l’ombre de moi même, de ne pas pouvoir donner  mon plein potentiel, alors que j’étais défaillante, j’ai reçu en retour des messages très positifs.  J’ai commencé à me dire que toutes ces règles et ces protocoles que je m’imposais depuis des années, si je m’en libérais, loin de m’écrouler ou de partir en miettes, je pouvais peut-être trouver de la consistance.  Il est difficile de comprendre qu’on puisse être  plus puissant quand on est en état de faiblesse, d’ouverture, de vulnérabilité.  Mais c’est ce que j’ai vécu, l’idée que notre potentiel se révèle quand on arrête d’essayer de prouver quelque chose, ou même de bien faire. C’est une leçon d’humilité. Quelqu’un m’a dit un jour « tu ne choisis pas ce que tu transmets » et j’en suis convaincue.  J’ai laissé faire, lâché prise et j’ai reçu en retour des témoignages touchants d’affection, de reconnaissance, de soutien aussi de ceux qui ont déjà traversé ces régions arides, ces vallées de la mort, lors d’une maladie, d’un burn out, d’une dépression.

J’ai senti qu’en me dépouillant ainsi, en m’abîmant presque sous l’effet du crash, affleurait en moi des perceptions nouvelles.  Une sorte de révolution copernicienne, un voile que l’on déchire, j’ai soudain pris conscience de la part d’ombre qui m’habitait,  et j’ai essayé de l’observer sans la juger et sans me laisser envahir par la peur ambiante.  Nous avons tous en ce moment à affronter nos peurs, à confronter nos croyances à un réel toujours plus illusoire et mouvant.  J’ai aussi compris que la réalité (que je croyais être tangible et stable) pouvait se révéler mouvante.  La réalité nous est propre et dépend de nos perceptions, nous sommes tous amenés à vivre dans notre bulle de filtres qui sélectionne, trie les informations, nous présente une image parfois aussi éloignée du réel que peuvent l’être un rêve, un film ou une carte postale. Certes il nous est impossible de nous extraire de nous même pour voir le monde autrement, par contre nous pouvons changer, et faire évoluer notre perception du monde en travaillant notre point de vue, nos croyances, nos zones d’ombre.  J’ai physiquement éprouvé à quel point le réel était fabriqué par nos sens et donc potentiellement trompé par ces derniers. J’ai vécu une expérience qu’on pourrait qualifier de métaphysique.

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Au coeur de la crise, j’ai interpellé une hypothétique entité supérieure en lui demandant pourquoi elle ne me laissait pas tranquille et ce qu’elle voulait de moi, quand après avoir tout vomi, il ne me restait que de la bile à cracher.  Quand mon corps me soutenais à peine et que le moindre mouvement venait me faire tanguer, expulser le peu de thé que j’avais pu avaler.  Personne alors ne m’a répondu, j’ai été façe au silence, dans l’incompréhension la plus totale de ce qui était en train de m’arriver.  Je me sentais un jouet dans les mains d’un enfant capricieux, le destin m’envoyait des épreuves, mais plus rien ne faisait sens, j’étais dans une grande lessiveuse cosmique.  Il n’était pas temps de comprendre, il était temps de se dépouiller, de se mettre à nu, on ne renaît pas sans passer par des étapes de mort symbolique. Parfois cette mort est réelle, mais ce n’est qu’une étape de plus, un passage qu’il faut vivre pour changer d’état, pour changer d’être.  Je n’avais pas peur et en cela j’étais déjà très heureuse de pouvoir vivre et ressentir toute cette intensité.   La douleur qui m’avait tellement inquiétée jusque là s’est révélée aussi une construction de l’esprit, un signal dont on peut éteindre le volume pour continuer à fonctionner le temps qu’il faut pour survivre.  Mon corps s’est dérobé,  et c’est par lui que je vais me reconstruire.

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Car dans cette traversée des vallées obscures qui forment ma psychée, j’ai trouvé un allié précieux dans mon corps, la lumière ne s’est jamais éteinte dans mon coeur au contraire j’ai pu voir à quel point il réchauffait en moi des zones depuis longtemps endormies et gelées.  Le dégel ne se fait pas sans douleur, ni sans perte, il faut accepter de couper avec ce qui n’est plus vivant en nous.  Au sortir de l’hiver, il faut prendre le temps et préparer à l’intérieur de soi tout ce qui va exploser au printemps.  Plus on attend, moins on craint de voir geler à nouveau les précieux bourgeons et les fragiles fleurs qui leurs succéderont.  Les leçons de ténèbres, c’est accepter d’aller au plus profond de soi, confronter ce qui nous fait peur, réparer ce qui est brisé, renforcer son lien à la terre pour pouvoir à nouveau s’ouvrir au monde, éclore dans l’univers et rayonner au printemps suivant.

L’hiver n’est pas la saison de la mort, c’est la raison où la vie se retire et s’épure dans  ce qu’elle a d’essentiel, c’est un retour au fondement,  au coeur de ce qui nous anime.  Pour vivre le mouvement, il faut de la stabilité, pour percevoir la lumière il faut de l’ombre, l’équilibre de notre univers se fissure, mais nous pouvons rester ancrés, renforcer notre être par des épreuves afin de pouvoir vivre ce qui nous attend.   J’ai confiance dans la lumière, elle va revenir, car les cycles du vivant  par leur évidente simplicité et leur connexion à l’énergie globale, dépassent les manipulation des hommes.

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Nature et culture

J’ai bientôt quarante ans et dans mon chemin de vie je suis passée par plusieurs phases, plusieurs moments. Née comme tout le monde dans l’état de nature, j’ai passé toute mon enfance et ce jusqu’à mes 30 ans dans un manque de culture, avide de cette dernière, à travailler dans la culture,  puis en vivant en ville, dans le monde des médias, dans l’image, la projection. Depuis 10 ans, j’ai ouvert les yeux sur une souffrance chronique de mon corps, j’ai repris ma vie en main, c’est à dire au lieu de tenter de contrôler mon corps avec des médicaments, j’ai appris à écouter ses signaux à vivre avec mon corps et mon esprit dans une forme d’harmonie.  J’ai appris la beauté et l’énergie de la vie, j’ai appris énormément ces dernières années en travaillant avec les plantes et avec le vivant (notamment avec les bactéries).  Aujourd’hui je pense que l’humain est beau dans ce qui le relie aux animaux, aux plantes, aux éléments et aux autres humains.

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Il y a 10 ans, la nature m’inquiétait, parce que j’étais en lutte contre ma propre nature, parce que j’avais peur des ressentis et des forces qui en moi bouillonnaient sortaient par des chemins non conventionnels d’un corps que j’essayais de contrôler de toute force.  Dans des vêtements serrés, insignes sociaux, dans un contrôle de mon alimentation, dans une auto médication qui faisait que je ne sortais jamais sans une petite pharmacie sur moi. Ce contrôle extérieur, chimique, ne m’a pas été imposé, mais la société m’a proposé tous ces moyens de maîtriser mon corps, ses hormones, ses fluides, ses gaz, ses miasmes, ses effluves, il n’était pas d’expression que je ne pouvais faire taire avec l’aide de la chimie et de la pharmacopée.   Ce traitement de choc, mon corps, me le rendait au centuple, avec tout un tas de réactions, d’irritabilité, d’effets indésirables  qui se manifestaient toujours dans ma vie sociale et me donnèrent envie de me couper des autres (toute coupée de moi même que j’étais déjà). Je me suis isolée, j’ai vécu dans la souffrance, loin des autres, dans une profonde incompréhension de qui j’étais.   Mais en surface, je menais une vie plutôt amusante à travailler dans le cinéma, ce milieu culturel plutôt superficiel qui sous couvert de distraction des masses, ne fait que renforcer les idéologies dominantes par un jeu d’auto censure tout à fait fascinant dont j’ai été le témoin pendant plusieurs années…

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La reconnexion avec mon corps et ma nature profonde ne s’est pas faite du jour au lendemain, il a fallu la douceur du yoga combinée à la thérapie et surtout il m’a fallu faire le deuil de ces ambitions extérieures, l’idée même d’un travail salarié dit « normal » et d’une vie « normale » ont du être questionnées.  La nature fait peur, sa sauvagerie, sa violence parfois, son énergie sont autant d’éléments que j’avais essayé d’enfermer en moi comme étant  inférieurs.  Les besoins naturels font sans cesse l’objet d’un apprentissage à patienter, à différer, à juger honteux, voir à nier ce besoin. Depuis notre enfance on nous enseigne qu’il faut manger à l’heure prévue par d’autres (mais pas forcément quand vient la faim) qu’il faut finir son assiette, même si on n’a plus faim, qu’il faut éviter de faire du bruit comme inspirer de l’air avec sa soupe (alors que dans d’autres cultures au contraire c’est socialement demandé cf. le Japon). La liste est longue de tous ces besoins dont nous nous sommes coupés et qui sont tombés peu à peu sous les diktats de la culture (et de la bien pensance, voir même de la pensée unique).

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Hier des amis sont passés et m’ont apporté un nouveau mot que je ne connaissais pas :  l’adjectif féral   qui qualifie une espèce domestique retournée à l’état sauvage  pour les animaux ou alors une espèce végétale cultivée qui croit hors de l’espace destiné à sa culture.  Je les remercie pour avoir ajouté ce mot à mon vocabulaire, car il qualifie très à propos mon ressenti actuel, celui d’avoir été cultivée et de vouloir revenir à la nature, cette idée de pousser et vivre à côté de la case attribuée me parle également.  Ce n’est pas un retour en arrière, une volonté de venir à un état de nature idéal (car pour moi la nature a toujours été plus ou moins suspecte et inquiétante), mais c’est plutôt faire le chemin vers la nature, afin de trouver sa nature, son identité et sa liberté.  La mauvaise herbe qui pousse n’importe où dans le béton et témoigne d’une force de vie étonnante est une image que j’ai toujours aimée.  C’est amusant aussi comme les plantes qui m’intéressent et avec lesquelles je travaille sont des plantes communes, plantes de friches qu’on pourrait dire invasives, en tout cas dont la résilience et l’adaptation n’est plus à prouver.   La nature pour moi n’est pas un trésor à protéger en choisissant quelles espèces ont de la valeur et quelles autres il faut négliger. La nature est une énergie protéiforme, un flux variable et inattendu qui nous transcende, nous traverse, nous crée, nous parle, nous lie et tout ce qui consiste à  séparer, à distinguer, à nommer, à emmurer est anti-naturel. Il importe ensuite à chacun d’apprécier et de définir la façon dont nous sommes reliés à ce grand Tout Naturel.  Ainsi la séparation que j’ai toujours ressentie entre nature et culture s’altère peu à peu en moi, comme une blessure qui se referme, une fracture qui se résorbe et je retrouve ainsi la force, l’énergie et l’instinct  qui me guident vers la féralité.

PS : c’est un plaisir d’ajouter à son vocabulaire de nouveaux mots qui ne sont pas issus de la novlangue actuelle.

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Résistance (quand le corps s’en mêle)

Je vis dans un village de campagne bien tranquille, où chaque année à lieu un festival pour fêter la fin des vendanges « Le pressoir ». Depuis plus de 10 ans c’est le lieu où l’on retrouve pêle-mêle tous les bois sans soif du coin,  les saisonniers espagnols et marocains qui investissent avec leurs camions et leurs chiens le lieu dédié à des  groupes de fanfares punk et autres joyeusetés bruyantes de contre culture. Ce festival est un moment de fête familial, transgénérationnel, préparé des mois à l’avance par une équipe soutenue par la mairie locale, c’est le temps fort et festif de l’année ici.

C’était ce weekend et je m’étais préparée à y participer malgré mon choix de refuser l’injection si subtilement suggérée… J’étais sûre d’y retrouver mes voisin, tous ces gens du coin que j’apprécie pour leurs engagements politiques et écologiques, mais surtout humain. Dès le vendredi soir une amie m’invite à la rejoindre pour y boire un verre après son travail, je dis oui très enthousiaste au début. Puis d’un coup je m’inquiète du paSS sanitaire, je sais qu’il sera demandé, je sais que je n’en ai pas. Je sais que je peux me faire tester à l’entrée et avoir mon passe pour les trois jours que va durer le festival (décidément tout est bien organisé). J’ai été en contact avec les organisateurs, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas le choix, que la mairie leur impose le passe tout comme la loi actuelle (cet évènement rassemble en général plusieurs millier de personnes).  Je sais qu’ils ont débattu entre eux et qu’ils se sont fendus d’un communiqué regrettant bien la situation.

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Mais rien n’y fait l’angoisse monte en moi. C’est un lieu à deux pas de chez moi d’habitude ouvert et accessible où l’on va et vient sur 3 jours. En ce vendredi soir je sens que je vais me mettre à pleurer de rage si je dois me faire violer le nez pour accéder au périmètre duement gardé. Je ne vois pas quel plaisir j’aurai à retrouver mes amis, mes voisin, ces gens que je vois souvent dans la rue, chez eux, dans nos jardins… autour d’une bière au goût amer de cigüe. Mon corps se tend de peur,  de frustration et de doutes. Vont-ils seulement percevoir mon absence si je ne viens pas, l’absence est au final une perte pour l’absent plus que pour le lieu d’attraction. Mais comment se réjouir, s’amuser, oublier tout ce qui nous est rappelé par tant de petits détails: un masque oublié dans un fourré, une tente avec un infirmière qui teste des gens avant de rentrer voir un concert de punk… Après tout l’anarchie aussi à besoin d’ordre et de contrôle !

Mon corps tremble, la tête me tourne, ma nuque se bloque, impossible de ne pas voir les symptômes d’un stress intense. J’ai tellement mal que j’ai envie d’aller me coucher direct de me terrer loin des autres. Une bête aux abois, un animal pris dans les phares au sortir du bois ne réagirait pas autrement.  C’est pas moi, c’est mon corps qui résiste de toutes ses forces, qui ne peux pas faire ce petit pas qui est demandé pour rejoindre le troupeau joyeux et festif. J’en pleure de colère chez moi parce que devant la tente et l’infirmière, j’ai peur que ça fasse scandale, j’ai peur de mes réactions épidermiques et pourtant c’est ce qu’il faudrait montrer au monde. Ce petit pas est déjà trop grand pour moi.

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Je les entends au loin, la fanfare s’approche de mon jardin, je vais me cacher pour la regarder seule, depuis chez moi. Un mur invisible nous sépare, la musique, la culture, les autres, tout ce que j’aime et dont j’ai besoin pour vivre se dérobe, me repousse au loin à l’orée du bois où comme les bêtes sauvages j’observe sans qu’on me voie. La traque ne fait que commencer, et même si aujourd’hui je fais ce pas de côté, j’essaye d’oublier, mon corps sans cesse me rappelle la contrainte qui pèse de plus en plus lourd.  Le fardeau que les autres oublient, ceux qui préfèrent ne pas trop se questionner, ceux qui  doucement dérivent loin de moi tandis que je m’accroche à une idée certes usée et déjà perdue depuis longtemps : la Liberté.

Crédit Photos : Sophie Haribo (merci!)

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Lâcher pour mieux tenir

 

Depuis quelques temps, j’ai l’impression que la vie m’envoie de nombreux signaux m’invitant à découvrir et à expérimenter la force du lâcher prise.

Cet apprentissage de l’abandon est l’un des plus important que j’ai pu faire ces dernières années.

J’ai toujours eu le souci de garder le contrôle, et j’ai vécu dans l’illusion que ma vie était maitrisée (si ce n’est maitrisable).  L’emprise que j’avais sur moi-même était une forme de prison, de soft power de la volonté sur ce qui advient ou parfois sur ce qui n’advient pas.  J’ai aimé cette illusion du contrôle depuis mes années de jeunesse où me privant peu à peu de nourriture, j’ai pu apprécier la disparition progressive de mon corps et m’enivrer des joies éphémères de l’autotrophie et du jeûne si tendance en ce moment.  J’ai vu comment mon cerveau prenait le dessus sur le corps et s’illusionnait de pouvoir tout maîtriser (les bouchées, les kilos, les angoisses).

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Lâcher prise est le plus souvent considéré comme un acte de capitulation, comme un moyen de fuir le conflit.  Les vertus innombrables de cette attitude sont peu enseignées dans notre culture.   Quand on lâche prise et qu’on se laisse aller au sentiment d’abandon à la vie, on peut aussi voir revenir vers nous ce que  nous venions de délaisser, on peut y trouver tant de force et d’énergie qu’il nous est ensuite possible de gravir des montagnes, on peut lâcher sans capituler, trouver la voie du moindre effort pour mieux lutter, on a tout à gagner quand on abandonne un combat qui nous détruit.

Cette année, j’ai dû apprendre à lâcher de nombreuses exigences, j’ai du faire avec les limites de mon corps, de mon esprit, de mes possibilités.  J’ai gagné de nouveaux sens en m’abandonnant  au vertige, j’ai trouvé plus de solidité dans le mouvement que dans l’immuabilité fêlée.  J’ai appris à plier, à courber l’échine à composer avec les contraintes.  Certaines questions ne peuvent se résoudre que dans un écroulement intérieur.  Ceux qui ont vécu un burn out, une dépression, un deuil, une maladie grave et invalidante ou chronique savent  qu’il faut accepter d’abandonner une part de soi même pour trouver à nouveau la paix, l’équilibre et la joie.  Malgré la souffrance induite par ces changements dans ma vie, j’ai décidé de renoncer à ma présence dans la société actuelle, je n’ai pas besoin de vous, ni vous de moi. Lâcher prise c’est surtout cultiver la confiance dans la vie, savoir qu’on ne tombe jamais de très haut tant qu’on a les pieds sur terre, c’est travailler ses attaches  dans la liberté de pouvoir aussi les rompre sans  tout détruire.

Depuis peu ma vie sociale est réduite à peau de chagrin, plus de ciné, ni de restaurant (mais il y a longtemps que ce n’était plus mon quotidien), plus de bibliothèque, plus de piscine, plus de concerts, je renonce à participer à tous ces loisirs, à ces rencontres, à ces évènements qui me demandent de justifier d’un statut vaccinal ou de contagiosité.  Je ne veux pas de cette suspicion généralisée, je veux la liberté et ma liberté passe par cet abandon volontaire.  Ce n’est pas la société qui m’interdit son accès (même si je sens bien que ma présence n’est plus souhaitée parmi vous) c’est moi qui choisi de changer de vie.

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Dorénavant je simplifierai encore plus mes relations, je partagerai des repas chez les uns ou les autres, cuisinés ensemble de préférence, je profiterai des miettes de cultures venant jusqu’à moi sous la forme d’ondes radio,  de concerts privés, de projections à la maison.  Je continuerai d’ouvrir ma porte à qui veut venir me rencontrer sans demander autre chose entre nous que la confiance réciproque. J’apprendrai la proximité, l’entre-aide, le soutien et l’amour inconditionnels, car ce sont les seuls mode d’être qui aient de la valeur dans nos vies. J’ai presque envie de remercier le monde de m’avoir mise sur cette voie plus vraie et juste qu’avant et qui va sans doute m’amener encore plus loin dans l’engagement que j’ai pris de préserver la Vie et mon lien aux autres, avant tout. Merci à ceux qui continuent d’apprécier mes mots, ma présence et  nos liens malgré nos différences.  J’ai fais mon choix, il consiste à lâcher  prise pour mieux me tenir droite, face à ce qui nous attend demain.

Lâcher pour résister !