Je me rend compte que depuis l’année dernière j’ai véçu l’équivalent d’un très long solstice, un long passage de l’ombre à la lumière dont je mesure à présent le chemin parcouru. J’ai traversé la brume, sans autre fil d’Ariane que ma certitude dans le fait que la lumière se trouve toujours là, même occultée par des goutelettes d’eau en suspension. J’ai navigué vers les confins de mes croyances, j’ai ressenti une force qui m’a portée, soutenue, guidée, cette force n’est venue qu’à l’issue d’un longue lutte contre moi-même. Je crois que pour éprouver la foi, il faut aussi la perdre parfois et voir à quel point notre univers en est affecté. J’ai traversé ces derniers mois des écrans de fumés, des murs de brouillard, une vallée de larmes et je me suis cognée dans autant de portes fermées que mes doutes et ma volonté parvenaient à ériger sur mon chemin. Cette étape de la perte de repères sensibles, l’impression d’entrer dans un monde ou tout est gris, peut s’appeler une dépression. C’est surtout l’idée que l’on doit s’en sortir seul par sa volonté qui m’a vraiment fait toucher le fond. Chaque geste posé pour aller mieux n’apportait rien de concret, je me sentais prise dans un marécage, un sable mouvant qui allait m’engloutir surtout si je tentais de me débattre et de m’en sortir.
J’ai donc attendu, accepté, lâché prise autant que possible en observant les petits signes que l’univers m’envoyait. C’était ici une main tendue, une invitation à me reposer, un accompagnement thérapeutique, un repas… J’ai compris que m’inquiéter pour l’avenir ne servait à rien si je n’étais pas capable de prendre la mesure des dons que je recevais au présent. C’était aussi parfois d’accepter que le rythme ne soit pas celui que je souhaitais, j’ai eu l’impression de vivre au ralenti, dans une temps étiré, lent et cotoneux. Je voulais que ça aille plus vite, sortir au plus vite du tunnel, voir le bout de l’écriture de mon livre… Je voulais comme toujours m’épargner le chemin pour arriver au résultat sans avoir fait l’expérience de la vie.
Il m’a fallu accepter tout cet inconfort et trouver dans mes contraintes, dans ma vie quotidienne le chemin vers moi-même. Accepter de me voir, accepter de m’aimer, accepter qui je suis, j’ai vécu toute cette introspection à l’extérieur dans un lieu qui est devenu mon miroir, mon lieu ressource, mon terrain de jeux et d’exploration : un lieu de nature où j’ai cheminé chaque jour. Ce lieu bien sûr me renvoie mon image, c’est à dire la lutte entre la nature sauvage qui a repris ses droits et l’humain tout puissant (qui a décidé d’y installer des panneaux photovoltaïques). J’observe cette lutte et en moi les bulldozer de la conscience rationnelle qui voudraient tout défricher et tracer de larges chemins balisés se font retenir et bientôt chasser par la joie sauvage qui sillonne à son gré le terrain, la joie opportuniste qui fait de chaque sortie une fête, une découverte, une aventure nouvelle et une occasion d’apprendre. J’ai repoussé mes peurs dans ce lieu, j’ai appris à faire confiance, jusqu’à me mettre à nue pour entrer dans les eaux vivifiantes des lacs, jusqu’à boire et manger ce que j’y trouvais au quotidien ( de la menthe sauvage au millepertuis, des mûres aux baies de genièvre, des écrevisses aux poissons et aux restes de gibier) ce lieu s’est révélé particulièrement nourricier pour mon âme et mon corps amaigris. J’ai trouvé le sacré dans le contact quotidien avec la nature, j’ai trouvé la force, la beauté, l’incarnation de mes luttes intérieures, dans cet espace qui est pour devenu un sanctuaire. J’ai aussi eu besoin de remercier pour tous ces enseignements, pour ces dons, pour ces épreuves qui se transformaient en leçons de vie. J’ai été plusieurs fois prier et me ressourcer dans une petite chapelle « Notre dame de Tous espoirs », la bien nommée. Surprise de me retrouver dans ce lieu, me sentant confortable et accueillie.
Pendant ce temps j’ai écris un livre, c’était une expérience importante pour moi, car c’était le premier. Ce livre est un passage entre mes années d’exploration et d’apprentissage dans le domaine de la teinture naturelle, et une pratique plus consciente, orientée vers la création artistique. J’ai eu besoin de ce temps de pause, ce temps où tout à été mis en suspend, où j’ai questionné chacun de mes choix, pour évaluer leur validité actuelle. Ce livre m’a demandé beaucoup de travail, et notamment de travailler sur ma posture. Qui suis-je pour écrire ? Qu’est-ce que je souhaite partager avec le monde ? Comment le communiquer au mieux quand une bonne partie de mon expérience est singulièrement ineffable et que l’entier des transformations dont je parle se passent sous la surface à l’abri du regard ? Ma foi renouvelée par ce long passage loin de la lumière, me montre que beaucoup de choses échappent à notre regard et à la lumière de notre conscience. L’univers et les énergies qui le traversent dépassent assez largement nos sens, il faut s’en remettre à d’autres canaux que sont l’intuition, la foi (ou la confiance) et surtout le sensible (sous lequel je recoupe tout ce que sont les synchronicités, la créativité, les indications physiques de manifestations énergétiques)…
J’ai compris qu’il n’est plus possible pour moi d’opposer les différents univers dans lesquels j’évolue. Que le monde tangible, matériel, manifesté, se relie par mille et un liens au monde immatériel, de l’énergie, de la foi, de la spiritualité, des symboles. J’ai arrêté de tout séparer pour tisser ensemble ce qui doit l’être, le fil de la vie filé par les Parques entre naissance et mort.
Merci, merci pour ta profondeur, ta sensibilité, tes zones d’ombre que tu as traversées et qui ne nous donnent pas l’espoir simple eg beat mais la certitude de la lumière.
Je suis honorée de te connaître Caroline