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Vivre en dissonance

Dissonance & Dépendance

Je vis depuis des mois dans un monde qui a implosé et dans un corps fracturé que j’essaye de reconstruire. J’ai tenté de préserver les liens qui m’unissent à mes proches, au monde et à la société, mais je n’arrive plus à faire semblant. Je n’arrive pas à me dire que tout vas bien, ni à trouver la force de vivre dans un monde qui ne cesse de s’effondrer sous mes yeux, sous mes pieds. Je voudrais pouvoir m’abstraire de tout ça (ce que je fais la plupart du temps). Je sais que face à l’effondrement extérieur, il me faut renforcer mon monde intérieur. Travailler mon équilibre, mon ancrage, et continuer à encaisser les coups d’où qu’ils viennent.

Je suis fatiguée, mais je dois rester debout. Je suis émotive, mais je dois rester calme. Je suis rejetée, punie, humiliée (socialement parlant) mais je dois rester digne. Je suis lassée de vivre dans une réalité qu’une minorité seulement partage. Dans un narratif que si peu de gens comprennent et parviennent à penser. Je voudrais comme tout le monde sentir la châleur du groupe, de la meute, de la masse. Quand enfin un discours me semble censé et rejoint mon impression de vivre en absurdistan, je me met en colère face à l’incompréhension des autres, ou je me met à pleurer face à ma propre incapacité à saisir l’ampleur de l’illusion dans laquelle j’ai vécu.

Dans un monde éclaté, où l’ambition de la société est de briser tous nos liens, je découvre que j’ai plus d’aide, plus d’amis et une famille plus unie et respectueuse que je ne le croyais. Parce que j’ai toujours privilégié la solitude, elle ne me pèse pas. Parce que je connais la valeur des liens d’amitié, d’amour et de partage, je ne les feins pas et j’essaye toujours de les vivre avec honnêteté. Me voilà embarquée dans un long travail qui consiste à fabriquer le fil, mes liens, si ténus soient-ils, doivent être renforcés, retordus dans un mouvement de spirale, que mon amie Laure nous fera explorer au mois d’Avril. Puis de ce fil, il faudra tisser, l’étoffe, le vêtement unique qui portera mon histoire et mon identité, qui sera protecteur et beau, enveloppe et seconde peau.

(c) Sylvana Mèle

Le lien viendra de l’unisson de nos voix mêlées dans des chants chorals qui s’élèveront au dessus de nos corps, vers l’infini des étoiles. On commencera par murmurer chacun dans son coin et puis nos chants trouveront l’harmonie, la teneur de tristesse et de révolte comme un gospel, le choeur des esclaves…

Dissonance & dissidence

Alors il faut bien se résoudre à rejoindre le clan des moutons noirs. Ceux qui pensent autrement, que l’on qualifie de tous les pire sobriquets, drapé sans la bien pensance de la doxa. Penser contre est une habitude et un caractère. Ceux que je retrouve dans ce troupeau hétéroclite ont eux aussi toujours été les bizarres, ceux qui sont toujours un peu à côté, toujours en marge du groupe, incapable d’y entrer ou volontairement à contre courant. La diversité des profils, fait que nous ne pouvons pas faire groupe, nous sommes les solitaires, les associaux, les rebuts d’un monde qui fonctionne au marche ou crève. Nous sommes déjà morts socialement depuis longtemps, ce qui atténue la chute. Nous connaissons l’injustice, la manipulation, la perversion, nous l’avons déjà vécu et en sommes sortis encore vivants. Nous sommes nombreux, mais tellement unique, chacun à notre manière, tellement méfiant, tellement blessés, qu’il semble vain de tenter de créer ce Nous. Nous sommes seuls au monde.

C’est en cultivant notre identité singulière, nos univers créatifs et alternatifs que des voies nouvelles seront explorées, d’abord par une seule personne. Puis peu à peu d’autres suivront. Nous ne sommes pas la masse, nous sommes les grains de poussière qui ne veulent pas aller se cacher sous le tapis, on se multiplie, on est de plus en plus visible, de plus en plus sales et dérangeants, on risque de faire trébucher ceux dont le but est le grand ménage. Je suis fière d’appartenir à la fange, à la marge, je sais que ma place à toujours été décalée, je ne souffre pas de cette position. Je souffre de l’incompréhension et du manque d’empathie, des jugements hâtifs, des amalgames, des étiquettes.

(c) Sylvana Mèle

En dissonance, plus rien ne fait sens et le seul moyen de ne pas sombrer dans la folie c’est de se raccrocher à l’humain, de s’ancrer dans la terre et de vivre aussi droit que possible. En dissonance on est sans cesse dans le faux, mais c’est pour prêcher le vrai, on s’écartèle doucement, et parfois le temps d’un instant on retrouve le bonheur, la simplicité du partage, on oublie les clivages et les faux semblants. J’ai besoin des autres et ils me rejettent. J’ai trouvé ma place et elle est à côté, toujours décalée, jamais vraiment là où il faudrait. Je n’ai jamais été aussi vivante que dans cette mort sociale. C’est aussi ça la dissonance…

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Leçons de ténèbres

En chacun de nous se dispute l’ombre et la lumière. Si la lumière est facile à définir et à qualifier, visible, rayonnante, solaire.  La part d’ombre est plus complexe, par définition elle est cachée, elle nous échappe elle se déguise.  L’ombre, l’inconscient, les peurs, les traumas, les blessures enfouies, ce que nous cachons aux autres et à nous même, l’ombre ne cesse de grandir en cette période trouble.  Au solstice d’hiver, lors des jours les plus courts, nous sommes à l’apogée de l’ombre avec pour perspective le retour lent mais certain de la lumière dans nos vies.

C’est le moment pour moi de faire le point sur la façon dont j’ai vécu cette année (en espérant que l’état de mon être reflète aussi celui de notre société tout entière). Nous ne vivons pas en dehors du monde et par conséquent, ce qui nous affecte, ce que nous vivons à l’intérieur est bien souvent le reflet ou un écho de ce qui se passe à l’extérieur et inversement.

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J’ai vécu cette année dans un monde qui a basculé, j’ai vécu un choc avec un avant et un après.  Avant le choc, j’étais dans l’insouciance,  dans l’idée que  tout est stable et immuable, que je peux croire ce que mes yeux voient, ce que mes oreilles entendent, ce mes sens me renvoient, croire à une « réalité ».  J’étais dans l’illusion, mais je ne le savais pas.  J’étais dans le confort de l’ignorance, dans la croyance que j’avais prise sur le monde et que j’étais responsable de ce qui advient dans ma vie.  J’étais dans l’illusion de la maîtrise et de la liberté.

Le choc à pris la forme d’une infection du nerf vestibulaire, puis il s’est répété à l’automne par une fracture du poignet, le choc c’est tout ce qui m’a conduit à la dépendance, à une situation de devoir lâcher, de ne plus rien pouvoir maîtriser. Simplement vivre en me laissant porter par le courant, en acceptant les contraintes physiques, je ne peux plus être celle que j’étais avant.  Le choc  a produit la destruction du sur-moi, de cette carapace de protection devenue étriquée, enfermante et pleine de jugements moraux, d’inquiétude de plaire, de sociabilité feinte.

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Etrangement alors que j’avais l’impression d’être l’ombre de moi même, de ne pas pouvoir donner  mon plein potentiel, alors que j’étais défaillante, j’ai reçu en retour des messages très positifs.  J’ai commencé à me dire que toutes ces règles et ces protocoles que je m’imposais depuis des années, si je m’en libérais, loin de m’écrouler ou de partir en miettes, je pouvais peut-être trouver de la consistance.  Il est difficile de comprendre qu’on puisse être  plus puissant quand on est en état de faiblesse, d’ouverture, de vulnérabilité.  Mais c’est ce que j’ai vécu, l’idée que notre potentiel se révèle quand on arrête d’essayer de prouver quelque chose, ou même de bien faire. C’est une leçon d’humilité. Quelqu’un m’a dit un jour « tu ne choisis pas ce que tu transmets » et j’en suis convaincue.  J’ai laissé faire, lâché prise et j’ai reçu en retour des témoignages touchants d’affection, de reconnaissance, de soutien aussi de ceux qui ont déjà traversé ces régions arides, ces vallées de la mort, lors d’une maladie, d’un burn out, d’une dépression.

J’ai senti qu’en me dépouillant ainsi, en m’abîmant presque sous l’effet du crash, affleurait en moi des perceptions nouvelles.  Une sorte de révolution copernicienne, un voile que l’on déchire, j’ai soudain pris conscience de la part d’ombre qui m’habitait,  et j’ai essayé de l’observer sans la juger et sans me laisser envahir par la peur ambiante.  Nous avons tous en ce moment à affronter nos peurs, à confronter nos croyances à un réel toujours plus illusoire et mouvant.  J’ai aussi compris que la réalité (que je croyais être tangible et stable) pouvait se révéler mouvante.  La réalité nous est propre et dépend de nos perceptions, nous sommes tous amenés à vivre dans notre bulle de filtres qui sélectionne, trie les informations, nous présente une image parfois aussi éloignée du réel que peuvent l’être un rêve, un film ou une carte postale. Certes il nous est impossible de nous extraire de nous même pour voir le monde autrement, par contre nous pouvons changer, et faire évoluer notre perception du monde en travaillant notre point de vue, nos croyances, nos zones d’ombre.  J’ai physiquement éprouvé à quel point le réel était fabriqué par nos sens et donc potentiellement trompé par ces derniers. J’ai vécu une expérience qu’on pourrait qualifier de métaphysique.

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Au coeur de la crise, j’ai interpellé une hypothétique entité supérieure en lui demandant pourquoi elle ne me laissait pas tranquille et ce qu’elle voulait de moi, quand après avoir tout vomi, il ne me restait que de la bile à cracher.  Quand mon corps me soutenais à peine et que le moindre mouvement venait me faire tanguer, expulser le peu de thé que j’avais pu avaler.  Personne alors ne m’a répondu, j’ai été façe au silence, dans l’incompréhension la plus totale de ce qui était en train de m’arriver.  Je me sentais un jouet dans les mains d’un enfant capricieux, le destin m’envoyait des épreuves, mais plus rien ne faisait sens, j’étais dans une grande lessiveuse cosmique.  Il n’était pas temps de comprendre, il était temps de se dépouiller, de se mettre à nu, on ne renaît pas sans passer par des étapes de mort symbolique. Parfois cette mort est réelle, mais ce n’est qu’une étape de plus, un passage qu’il faut vivre pour changer d’état, pour changer d’être.  Je n’avais pas peur et en cela j’étais déjà très heureuse de pouvoir vivre et ressentir toute cette intensité.   La douleur qui m’avait tellement inquiétée jusque là s’est révélée aussi une construction de l’esprit, un signal dont on peut éteindre le volume pour continuer à fonctionner le temps qu’il faut pour survivre.  Mon corps s’est dérobé,  et c’est par lui que je vais me reconstruire.

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Car dans cette traversée des vallées obscures qui forment ma psychée, j’ai trouvé un allié précieux dans mon corps, la lumière ne s’est jamais éteinte dans mon coeur au contraire j’ai pu voir à quel point il réchauffait en moi des zones depuis longtemps endormies et gelées.  Le dégel ne se fait pas sans douleur, ni sans perte, il faut accepter de couper avec ce qui n’est plus vivant en nous.  Au sortir de l’hiver, il faut prendre le temps et préparer à l’intérieur de soi tout ce qui va exploser au printemps.  Plus on attend, moins on craint de voir geler à nouveau les précieux bourgeons et les fragiles fleurs qui leurs succéderont.  Les leçons de ténèbres, c’est accepter d’aller au plus profond de soi, confronter ce qui nous fait peur, réparer ce qui est brisé, renforcer son lien à la terre pour pouvoir à nouveau s’ouvrir au monde, éclore dans l’univers et rayonner au printemps suivant.

L’hiver n’est pas la saison de la mort, c’est la raison où la vie se retire et s’épure dans  ce qu’elle a d’essentiel, c’est un retour au fondement,  au coeur de ce qui nous anime.  Pour vivre le mouvement, il faut de la stabilité, pour percevoir la lumière il faut de l’ombre, l’équilibre de notre univers se fissure, mais nous pouvons rester ancrés, renforcer notre être par des épreuves afin de pouvoir vivre ce qui nous attend.   J’ai confiance dans la lumière, elle va revenir, car les cycles du vivant  par leur évidente simplicité et leur connexion à l’énergie globale, dépassent les manipulation des hommes.

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Nature et culture

J’ai bientôt quarante ans et dans mon chemin de vie je suis passée par plusieurs phases, plusieurs moments. Née comme tout le monde dans l’état de nature, j’ai passé toute mon enfance et ce jusqu’à mes 30 ans dans un manque de culture, avide de cette dernière, à travailler dans la culture,  puis en vivant en ville, dans le monde des médias, dans l’image, la projection. Depuis 10 ans, j’ai ouvert les yeux sur une souffrance chronique de mon corps, j’ai repris ma vie en main, c’est à dire au lieu de tenter de contrôler mon corps avec des médicaments, j’ai appris à écouter ses signaux à vivre avec mon corps et mon esprit dans une forme d’harmonie.  J’ai appris la beauté et l’énergie de la vie, j’ai appris énormément ces dernières années en travaillant avec les plantes et avec le vivant (notamment avec les bactéries).  Aujourd’hui je pense que l’humain est beau dans ce qui le relie aux animaux, aux plantes, aux éléments et aux autres humains.

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Il y a 10 ans, la nature m’inquiétait, parce que j’étais en lutte contre ma propre nature, parce que j’avais peur des ressentis et des forces qui en moi bouillonnaient sortaient par des chemins non conventionnels d’un corps que j’essayais de contrôler de toute force.  Dans des vêtements serrés, insignes sociaux, dans un contrôle de mon alimentation, dans une auto médication qui faisait que je ne sortais jamais sans une petite pharmacie sur moi. Ce contrôle extérieur, chimique, ne m’a pas été imposé, mais la société m’a proposé tous ces moyens de maîtriser mon corps, ses hormones, ses fluides, ses gaz, ses miasmes, ses effluves, il n’était pas d’expression que je ne pouvais faire taire avec l’aide de la chimie et de la pharmacopée.   Ce traitement de choc, mon corps, me le rendait au centuple, avec tout un tas de réactions, d’irritabilité, d’effets indésirables  qui se manifestaient toujours dans ma vie sociale et me donnèrent envie de me couper des autres (toute coupée de moi même que j’étais déjà). Je me suis isolée, j’ai vécu dans la souffrance, loin des autres, dans une profonde incompréhension de qui j’étais.   Mais en surface, je menais une vie plutôt amusante à travailler dans le cinéma, ce milieu culturel plutôt superficiel qui sous couvert de distraction des masses, ne fait que renforcer les idéologies dominantes par un jeu d’auto censure tout à fait fascinant dont j’ai été le témoin pendant plusieurs années…

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La reconnexion avec mon corps et ma nature profonde ne s’est pas faite du jour au lendemain, il a fallu la douceur du yoga combinée à la thérapie et surtout il m’a fallu faire le deuil de ces ambitions extérieures, l’idée même d’un travail salarié dit « normal » et d’une vie « normale » ont du être questionnées.  La nature fait peur, sa sauvagerie, sa violence parfois, son énergie sont autant d’éléments que j’avais essayé d’enfermer en moi comme étant  inférieurs.  Les besoins naturels font sans cesse l’objet d’un apprentissage à patienter, à différer, à juger honteux, voir à nier ce besoin. Depuis notre enfance on nous enseigne qu’il faut manger à l’heure prévue par d’autres (mais pas forcément quand vient la faim) qu’il faut finir son assiette, même si on n’a plus faim, qu’il faut éviter de faire du bruit comme inspirer de l’air avec sa soupe (alors que dans d’autres cultures au contraire c’est socialement demandé cf. le Japon). La liste est longue de tous ces besoins dont nous nous sommes coupés et qui sont tombés peu à peu sous les diktats de la culture (et de la bien pensance, voir même de la pensée unique).

Opale

Hier des amis sont passés et m’ont apporté un nouveau mot que je ne connaissais pas :  l’adjectif féral   qui qualifie une espèce domestique retournée à l’état sauvage  pour les animaux ou alors une espèce végétale cultivée qui croit hors de l’espace destiné à sa culture.  Je les remercie pour avoir ajouté ce mot à mon vocabulaire, car il qualifie très à propos mon ressenti actuel, celui d’avoir été cultivée et de vouloir revenir à la nature, cette idée de pousser et vivre à côté de la case attribuée me parle également.  Ce n’est pas un retour en arrière, une volonté de venir à un état de nature idéal (car pour moi la nature a toujours été plus ou moins suspecte et inquiétante), mais c’est plutôt faire le chemin vers la nature, afin de trouver sa nature, son identité et sa liberté.  La mauvaise herbe qui pousse n’importe où dans le béton et témoigne d’une force de vie étonnante est une image que j’ai toujours aimée.  C’est amusant aussi comme les plantes qui m’intéressent et avec lesquelles je travaille sont des plantes communes, plantes de friches qu’on pourrait dire invasives, en tout cas dont la résilience et l’adaptation n’est plus à prouver.   La nature pour moi n’est pas un trésor à protéger en choisissant quelles espèces ont de la valeur et quelles autres il faut négliger. La nature est une énergie protéiforme, un flux variable et inattendu qui nous transcende, nous traverse, nous crée, nous parle, nous lie et tout ce qui consiste à  séparer, à distinguer, à nommer, à emmurer est anti-naturel. Il importe ensuite à chacun d’apprécier et de définir la façon dont nous sommes reliés à ce grand Tout Naturel.  Ainsi la séparation que j’ai toujours ressentie entre nature et culture s’altère peu à peu en moi, comme une blessure qui se referme, une fracture qui se résorbe et je retrouve ainsi la force, l’énergie et l’instinct  qui me guident vers la féralité.

PS : c’est un plaisir d’ajouter à son vocabulaire de nouveaux mots qui ne sont pas issus de la novlangue actuelle.

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Résistance (quand le corps s’en mêle)

Je vis dans un village de campagne bien tranquille, où chaque année à lieu un festival pour fêter la fin des vendanges « Le pressoir ». Depuis plus de 10 ans c’est le lieu où l’on retrouve pêle-mêle tous les bois sans soif du coin,  les saisonniers espagnols et marocains qui investissent avec leurs camions et leurs chiens le lieu dédié à des  groupes de fanfares punk et autres joyeusetés bruyantes de contre culture. Ce festival est un moment de fête familial, transgénérationnel, préparé des mois à l’avance par une équipe soutenue par la mairie locale, c’est le temps fort et festif de l’année ici.

C’était ce weekend et je m’étais préparée à y participer malgré mon choix de refuser l’injection si subtilement suggérée… J’étais sûre d’y retrouver mes voisin, tous ces gens du coin que j’apprécie pour leurs engagements politiques et écologiques, mais surtout humain. Dès le vendredi soir une amie m’invite à la rejoindre pour y boire un verre après son travail, je dis oui très enthousiaste au début. Puis d’un coup je m’inquiète du paSS sanitaire, je sais qu’il sera demandé, je sais que je n’en ai pas. Je sais que je peux me faire tester à l’entrée et avoir mon passe pour les trois jours que va durer le festival (décidément tout est bien organisé). J’ai été en contact avec les organisateurs, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas le choix, que la mairie leur impose le passe tout comme la loi actuelle (cet évènement rassemble en général plusieurs millier de personnes).  Je sais qu’ils ont débattu entre eux et qu’ils se sont fendus d’un communiqué regrettant bien la situation.

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Mais rien n’y fait l’angoisse monte en moi. C’est un lieu à deux pas de chez moi d’habitude ouvert et accessible où l’on va et vient sur 3 jours. En ce vendredi soir je sens que je vais me mettre à pleurer de rage si je dois me faire violer le nez pour accéder au périmètre duement gardé. Je ne vois pas quel plaisir j’aurai à retrouver mes amis, mes voisin, ces gens que je vois souvent dans la rue, chez eux, dans nos jardins… autour d’une bière au goût amer de cigüe. Mon corps se tend de peur,  de frustration et de doutes. Vont-ils seulement percevoir mon absence si je ne viens pas, l’absence est au final une perte pour l’absent plus que pour le lieu d’attraction. Mais comment se réjouir, s’amuser, oublier tout ce qui nous est rappelé par tant de petits détails: un masque oublié dans un fourré, une tente avec un infirmière qui teste des gens avant de rentrer voir un concert de punk… Après tout l’anarchie aussi à besoin d’ordre et de contrôle !

Mon corps tremble, la tête me tourne, ma nuque se bloque, impossible de ne pas voir les symptômes d’un stress intense. J’ai tellement mal que j’ai envie d’aller me coucher direct de me terrer loin des autres. Une bête aux abois, un animal pris dans les phares au sortir du bois ne réagirait pas autrement.  C’est pas moi, c’est mon corps qui résiste de toutes ses forces, qui ne peux pas faire ce petit pas qui est demandé pour rejoindre le troupeau joyeux et festif. J’en pleure de colère chez moi parce que devant la tente et l’infirmière, j’ai peur que ça fasse scandale, j’ai peur de mes réactions épidermiques et pourtant c’est ce qu’il faudrait montrer au monde. Ce petit pas est déjà trop grand pour moi.

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Je les entends au loin, la fanfare s’approche de mon jardin, je vais me cacher pour la regarder seule, depuis chez moi. Un mur invisible nous sépare, la musique, la culture, les autres, tout ce que j’aime et dont j’ai besoin pour vivre se dérobe, me repousse au loin à l’orée du bois où comme les bêtes sauvages j’observe sans qu’on me voie. La traque ne fait que commencer, et même si aujourd’hui je fais ce pas de côté, j’essaye d’oublier, mon corps sans cesse me rappelle la contrainte qui pèse de plus en plus lourd.  Le fardeau que les autres oublient, ceux qui préfèrent ne pas trop se questionner, ceux qui  doucement dérivent loin de moi tandis que je m’accroche à une idée certes usée et déjà perdue depuis longtemps : la Liberté.

Crédit Photos : Sophie Haribo (merci!)

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Lâcher pour mieux tenir

 

Depuis quelques temps, j’ai l’impression que la vie m’envoie de nombreux signaux m’invitant à découvrir et à expérimenter la force du lâcher prise.

Cet apprentissage de l’abandon est l’un des plus important que j’ai pu faire ces dernières années.

J’ai toujours eu le souci de garder le contrôle, et j’ai vécu dans l’illusion que ma vie était maitrisée (si ce n’est maitrisable).  L’emprise que j’avais sur moi-même était une forme de prison, de soft power de la volonté sur ce qui advient ou parfois sur ce qui n’advient pas.  J’ai aimé cette illusion du contrôle depuis mes années de jeunesse où me privant peu à peu de nourriture, j’ai pu apprécier la disparition progressive de mon corps et m’enivrer des joies éphémères de l’autotrophie et du jeûne si tendance en ce moment.  J’ai vu comment mon cerveau prenait le dessus sur le corps et s’illusionnait de pouvoir tout maîtriser (les bouchées, les kilos, les angoisses).

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Lâcher prise est le plus souvent considéré comme un acte de capitulation, comme un moyen de fuir le conflit.  Les vertus innombrables de cette attitude sont peu enseignées dans notre culture.   Quand on lâche prise et qu’on se laisse aller au sentiment d’abandon à la vie, on peut aussi voir revenir vers nous ce que  nous venions de délaisser, on peut y trouver tant de force et d’énergie qu’il nous est ensuite possible de gravir des montagnes, on peut lâcher sans capituler, trouver la voie du moindre effort pour mieux lutter, on a tout à gagner quand on abandonne un combat qui nous détruit.

Cette année, j’ai dû apprendre à lâcher de nombreuses exigences, j’ai du faire avec les limites de mon corps, de mon esprit, de mes possibilités.  J’ai gagné de nouveaux sens en m’abandonnant  au vertige, j’ai trouvé plus de solidité dans le mouvement que dans l’immuabilité fêlée.  J’ai appris à plier, à courber l’échine à composer avec les contraintes.  Certaines questions ne peuvent se résoudre que dans un écroulement intérieur.  Ceux qui ont vécu un burn out, une dépression, un deuil, une maladie grave et invalidante ou chronique savent  qu’il faut accepter d’abandonner une part de soi même pour trouver à nouveau la paix, l’équilibre et la joie.  Malgré la souffrance induite par ces changements dans ma vie, j’ai décidé de renoncer à ma présence dans la société actuelle, je n’ai pas besoin de vous, ni vous de moi. Lâcher prise c’est surtout cultiver la confiance dans la vie, savoir qu’on ne tombe jamais de très haut tant qu’on a les pieds sur terre, c’est travailler ses attaches  dans la liberté de pouvoir aussi les rompre sans  tout détruire.

Depuis peu ma vie sociale est réduite à peau de chagrin, plus de ciné, ni de restaurant (mais il y a longtemps que ce n’était plus mon quotidien), plus de bibliothèque, plus de piscine, plus de concerts, je renonce à participer à tous ces loisirs, à ces rencontres, à ces évènements qui me demandent de justifier d’un statut vaccinal ou de contagiosité.  Je ne veux pas de cette suspicion généralisée, je veux la liberté et ma liberté passe par cet abandon volontaire.  Ce n’est pas la société qui m’interdit son accès (même si je sens bien que ma présence n’est plus souhaitée parmi vous) c’est moi qui choisi de changer de vie.

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Dorénavant je simplifierai encore plus mes relations, je partagerai des repas chez les uns ou les autres, cuisinés ensemble de préférence, je profiterai des miettes de cultures venant jusqu’à moi sous la forme d’ondes radio,  de concerts privés, de projections à la maison.  Je continuerai d’ouvrir ma porte à qui veut venir me rencontrer sans demander autre chose entre nous que la confiance réciproque. J’apprendrai la proximité, l’entre-aide, le soutien et l’amour inconditionnels, car ce sont les seuls mode d’être qui aient de la valeur dans nos vies. J’ai presque envie de remercier le monde de m’avoir mise sur cette voie plus vraie et juste qu’avant et qui va sans doute m’amener encore plus loin dans l’engagement que j’ai pris de préserver la Vie et mon lien aux autres, avant tout. Merci à ceux qui continuent d’apprécier mes mots, ma présence et  nos liens malgré nos différences.  J’ai fais mon choix, il consiste à lâcher  prise pour mieux me tenir droite, face à ce qui nous attend demain.

Lâcher pour résister !

 

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L’injection contradictoire

Depuis quelques années, en gros depuis que j’ai fais des études d’audiovisuel et que j’ai appris à analyser et décrypter  les images et messages dont nous abreuvent le cinéma, puis la télévision, la publicité et maintenant Internet, je suis sensible aux caractère faux, voir contraire de la plupart des messages que nous recevons.  Pourquoi les publicités pour des produits agro-industriels nous ventent le côté  « naturel » de leur produits (voir les pubs Herta), idem pour les shampoings, et je ne parle même pas des pubs innombrables de voitures qui vous vendent la liberté, la joie, et l’écologie (tout l’inverse des réjouissances liées à la possession d’une voiture).

Aujourd’hui ce sont les discours et injonctions de nos gouvernements qui recèlent des contradictions innombrables et dans lesquelles, on fini par inverser toutes les valeurs, à l’image de l’oeuvre d’Orwell 1984.   Il faut s’isoler pour « être ensemble »…   Se masquer pour  » se retrouver »… se faire vacciner même si on ne cours aucun risque (du fait de son âge) et surtout « pour protéger les autres »…  Les injonctions contradictoires créent des tensions dans nos têtes et nous amènent à ne plus pouvoir discuter de quoique ce soit, puisque les « camps » s’établissent en pour et contre irréconciliables.

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Souvenirs des luttes antérieures qui déjà clivaient et portaient leur lot de mensonges.

Vous entendez aussi dans les médias, les informations anxiogènes sur le climat, l’état de notre société qui se délite, la pauvreté et la précarité qui gagne peu à peu du terrain… Par ailleurs, on nous incite à reprendre la consommation à outrance au mépris de la planète, à diaboliser les fakes news et le complotisme  bref tout ce qui ne relève pas de la doxa (pensée majoritaire dominante) et à profiter de la hausse des prix de l’immobilier pour vendre toujours plus cher des biens qui ne permettent plus aux gens (et certainement pas aux plus modestes) de se loger.  Il faut donner aux associations alimentaires ou autres, mais ne pas critiquer les mécanismes de répartition sociale qui sont lentement mais sûrement démantelés (voir la réforme de l’assurance chômage et des retraites).

Je suis fatiguée de cette société qui marche sur la tête, de la façon dont on a réussi à faire perdre la tête à plus d’un dans cette période de grand chamboulements.  Ma bouée de sauvetage, mon îlot de bon sens et de joie en ce moment s’appelle Reinfo covid, c’est un collectif de médecins et scientifiques qui ont à coeur d’informer le public le plus complètement possible et leurs conclusions vont  parfois contre courant des injonctions gouvernementales.  Ils font un énorme travail d’éducation populaire, de partage de leurs sources et modes de calculs, ce ne sont pas juste des « complotistes » qui dénoncent, mais ce sont des gens en lutte qui résistent avec les armes de la raison, de la bienveillance et du  partage de  leur savoir et compétence.  Leurs vidéos sont régulièrement censurées, et pourtant leurs voix dissidentes sont d’une grande modération laissant toujours la porte ouverte au dialogue et à la discussion.  Il sont ma bouée de sauvetage, quand je regarde leurs lives le jeudi soir, je me dis qu’ils ont un rôle essentiel et je sais qu’ils sont suivis par un grand nombre de personnes, mais pas la majorité, car leur discours tombent dans le grand chaudron des « discours alternatifs » aujourd’hui qualifiés de complotistes où ils se mêlent à l’immense gloubi boulga du tout et n’importe quoi le plus sensationnel.  Eux ne font pas dans le sensationnalisme ni dans l’émotion, ils ont cette ligne fine de chercher à faire entendre une vérité qui dérange, ils remettent du sens dans ce que nous vivons (eh oui le covid se soigne et n’a pas besoin d’une vaccination mondiale et générale) ils font apparaitre le non sens des choix politiques actuels, ils tentent de lutter contre ces discours majoritaires relayés par les médias et les écouter fait percevoir l’écart entre les injonctions contradictoires que nous subissons et un discours de vérité  qui ne demande qu’a apaiser des tensions créées de toute parts.  Ils pratiquent la communication non violente, ils sont sur une ligne claire et sont ouvert à la discussion sans dogmatisme.

DSC00122La dernière vidéo en date se trouve sur Facebook, elle date de dimanche après-midi et c’est un modèle de modération, invitation à résister dans le respect de l’autre et la non violence.  Leur message est de plus en plus de garder l’ouverture au dialogue, malgré les vécus et ressentis qui peuvent nous séparer.  Je crois que ce message d’ouverture à l’autre est essentiel.  J’ai vécu avec certaines personnes l’incompréhension, je sais aujourd’hui que mon point de vue et mes choix ne valent pas plus que ceux d’un autre, c’est pourquoi je ne cherche pas à les imposer ni même à les diffuser, ils sont tout simplement juste pour moi.

La névrite des dernières semaines m’a appris que le point de vue est essentiel et que nous avons chacun la force de créer le monde qui nous entoure, de l’influer non pas en ralliant les autres à nos vues, mais en étant conscient de nos propres biais de perception et de la puissance de ces perceptions.

Je lis en ce moment un petit livre de Christiane Singer intitulé « Du bon usage des crises » dans ce livre à chaque page je trouve des clés et des éléments qui me parlent. Elle raconte cette anecdote d’un employé des chemins de fer qui nettoyant un wagon frigorifique s’est fait enfermer dedans un vendredi soir et convaincu qu’il allait passer le weekend dans le froid, il en est mort. Cependant quand on l’a trouvé le lundi matin, on a aussi découvert que le frigo n’était pas allumé et que l’homme était mort de se croire en train de geler dans ce wagon.

Je cite la conclusion de Christiane Singer « Nous vivons et nous mourons de nos images, pas de la réalité.  La réalité ne peut rien contre nous.  La réalité n’a pas de pouvoir contre nous.  C’est la représentation que nous en avons qui nous tue ou qui nous fais vivre. Imaginez le contraire, imaginez un employé des chemins de fer enfermé dans un wagon frigorifique branché mais qui survivrai en visualisant le soleil tout un week-end. C’est aussi possible.  Bien sûr que c’est possible et c’est ce que nous avons à faire dans cette société, où nous mourons de froid, où nos coeurs meurent de froid.  Le pouvoir de l’aspiration du négatif est quelquechose d’extraordinaire.  C’est un puissant aspirateur.  Et pourtant la même force est à notre disposition dans la ferveur.  »  Le livre date de 1997… remplacez « pouvoir du négatif » par « peur » et « ferveur » par  « résistance », nous y voilà !

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Les goûts et les couleurs

Dimanche dernier je me suis levée avec une sensation de malaise, tout tournait autour de moi (ce qui arrive parfois le matin), mais la sensation est restée plus longtemps que d’habitude.  Les murs et tous les objets se déplaçaient, à l’intérieur de moi aussi ça tanguait et puis j’avais le mal de mer, la nausée, bref une matinée pas facile, comme ça arrive parfois.  La veille ne j’avais pas bu, si ça avait été le cas, j’aurai pensé être encore sous l’emprise de l’alcool, je ne consomme pas de psychotropes, mais définitivement il y avait de la fumée dans l’air et plein de difficultés pour faire le moindre mouvement.  J’ai décidé d’y aller lentement.  Au fil de la journée, le malaise s’est calmé peu à peu et j’ai pu presque revenir à la normale lors d’une petite ballade, le plein air m’a fait du bien, j’ai pensé que je m’étais empoisonnée peut être en cirant mon escalier ou je ne sais pas, mais bref tout ça allait passer.

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Essaouira, Maroc

Le lendemain et tous les jours suivants, le vertige est revenu, de plus en plus fort avec chaque matin son lot de nausées, son vomi de vide (j’étais incapable de manger) et puis c’était un peu plus difficile chaque jour de tenir debout, de marcher sans avoir l’impression de tomber à chaque pas, sans me tenir aux meubles…  Bref au bout de 3 jours  je vais consulter.  Ca prend un peu de temps de trouver le nom de ma condition, une fois éliminés l’AVC, le vertige positionnel bénin, le vertige de Ménière…. me voilà affublée d’une Névrite Vestibulaire, ou pour le dire plus simplement d’une inflammation d’un seul côté du nerf de l’oreille interne responsable de l’équilibre. Ca ne fait pas vraiment mal, ça fait juste tomber sans fin du même côté, l’impression de tanguer, d’être sur un bateau par gros temps et puis l’envie de vomir, parce que le corps supporte assez mal cet état.

Au bout d’une semaine de vertiges, un peu dénutrie, je me suis dit que c’était bien de savoir le nom de mon affection, mais comment ça se soigne ? Eh bien ça se rétabli tout seul, en recréant des nouvelles connections dans le cerveau, afin de permettre au nerf du côté lésé de retrouver un peu de perception et surtout afin d’accorder l’information en provenance des deux oreilles,  l’une ayant un signal très forte et l’autre très faible, c’est ce problème de désaccord du signal  qui crée les vertiges et les mouvements oculaires qui tentent de raccrocher peu à peu les informations et de stabiliser la vision. J’ai attendu 7 jours pour voir les premiers signes d’amélioration.  J’ai encore de nombreux vertiges, mais ils diminuent, sont moins intenses et puis j’apprends aussi à les provoquer afin de me rétablir, je dois amener mon cerveau à accepter ces nouvelles sensations…

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Alicante, Espagne

Le plus étrange ce sont les perceptions associées à ce nouvel état.  Non seulement j’ai chaviré pendant une semaine, mais j’ai aussi d’autres symptômes plutôt étonnants qui sont principalement une nouvelle acuité sensorielle. Le premier sens qui s’est  manifesté, c’est l’odorat, il y avait plein d’odeurs qui me gênaient, des odeurs habituelles (comme celle de mon chien ou des cuves d’indigo) des odeurs de passage, bref  je me suis trouvée très sensible aux odeurs.  Puis quand j’ai pu manger à nouveau, c’est le goût qui s’est manifesté.  Tout les aliments ont un goût beaucoup plus prononcé.  Je ne supporte plus le sel alors que j’adorais ça avant.  Tout est trop salé.  J’aimais mélanger les goûts et beaucoup d’ingrédients dans un même plat et je sens que  mon plus grand plaisir est de manger l’aliment dans sa simplicité, sans goût rajouté ou exhausteur.  J’ai  redécouvert le goût des fruits frais… des herbes…et je ne veux plus rien manger de transformé.  C’est bizarre, car je ne sais plus ce que j’aime, j’ai encore parfois les réflexes d’avant et ce qui me faisait plaisir ne me plait plus.  J’ai envie de crudité, de simplicité et de goûter la variété dans chaque aliment, comme le goût de chacune des pommes de terre cuites à la vapeur qui est légèrement différent de l’une à l’autre, sans accompagnement. J’attends avec impatience de manger ma première barquette de fraises, c’est ce qui me fait le plus envie en ce moment, les fruits de saison. Manger en pleine conscience, c’était un truc que je voulais expérimenter, c’est chose faite depuis peu chaque aliment me comble ou me déçois, j’ai envie de tout expérimenter à nouveau.

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Kaifu, Japon

La lumière aussi me perturbe encore plus qu’avant, même si je n’ai pas encore remarqué de nouvelle perception des couleurs,  ça viendra peut-être tout comme le toucher qui doit lui aussi avoir été impacté. Le son est aussi plus fort et plus intensément émotionnel (déjà que je pleurai au moindre violon) je me suis surprise à pleurer ou à danser plusieurs fois dans la semaine…

Je redécouvre tout ce qui m’entoure, comme une nouvelle naissance, comme après un accident.  Je me délecte des sensations, des présences amies à qui je peux dire que j’allais mal, mais que ça va mieux.  Je pense que cet épisode, au delà des changement physiologiques, va me pousser sur mon chemin, me guider vers d’autres cieux, comme quand on perd le cap dans la tempête et qu’on découvre soudain une terre inconnue, nouvelle, jamais explorée.   J’ai cette sensation de repartir en voyage à l’intérieur de mes perceptions, de réapprendre tout depuis le début.  Nos capacités de transformation sont infinies et chaque maladie est aussi l’occasion d’apprendre, de redécouvrir à quel point la  perfection de notre corps et son adéquation avec l’environnement est essentielle.  Nos souffrances du quotidien, nos problèmes, nos joies même prennent une autre dimension quand c’est la pleine santé nous fait le cadeau de pouvoir vivre simplement, apprécier chaque instant, créer des liens plus forts avec les autres, tout ce qui nous rapproche m’émeut de plus en plus.  Je ressens en moi comme une blessure qui se referme, une coupure qui cicatrise et une nouvelle circulation d’énergie dans ma vie.  Après avoir été secouée, après avoir perdu l’équilibre et mes repères, je me retrouve, prête à faire face aux tempêtes à venir.

Black Beach

Black beach, Oita, Japon

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Joies de la collapsologie

Depuis un an, j’ai plus que jamais suivi mon instinct afin de garder le cap.  Dans la tourmente d’un monde qui change, dans l’angoisse générale de ne pas pouvoir se projeter, tiraillés entre l’envie de revenir au confort d’avant et le désir de voir advenir (enfin) autre chose, aussi terrifiante que soit cette nouvelle ère, j’ai lu beaucoup et j’ai ouvert les yeux sur les effets de l’anthropocène.  Je pensais que l’accélération de la vie autour et sa dématérialisation était un effet collatéral de mon propre vieillissement et des nouvelles technologies toujours plus présentes dans nos vies.  Je croyais qu’il fallait envisager le pire à venir, comme un avenir sombre qui allait sans doute nous engloutir.

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Je découvre, avec autant d’effroi que de joie, que les jeux sont faits, que le point de bascule est déjà loin derrière nous, que les signaux d’alertes qui nous parviennent sont largement ignorés par nos dirigeants, et par la plupart d’entre nous qui voient leur vie se poursuivre malgré tout.  Business as usual ! On ne change rien et quand il faudra faire le bilan on verra bien ce qui arrivera.  Mais la destruction de nos eco-systèmes est en cours, tout comme les évènements récents nous masquent ce qui se joue en profondeur dans un écran de fumée, j’ai parfois l’impression de lever un coin du voile et derrière la vie n’a plus du tout le même sens.

En effet si on considère que finalement la destruction du monde tel que nous le connaissons est en cours, que ce qui advient n’a rien de temporaire et qu’aucun retour en arrière ne nous ramènera de l’autre côté, dans le monde d’avant, celui de l’illusion, des formes rassurantes dans le fond de la caverne de Platon.  J’ai l’impression d’avoir par inadvertance traversé le miroir, où comme Alice tombée dans le trou à la poursuite du lapin blanc, j’ai basculé dans un monde de fous. La prise de conscience est la première étape et pour cela un livre m’a beaucoup aidé, c’est « comment tout peut basculer ».  Il m’a aidé a me rendre compte de la folie qui était déjà là, en germe dans notre monde avant même la crise actuelle.

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En effet née en 1983, je suis enfant de la crise et j’ai grandi dans cet état unique de la société qui se répète à intervalles réguliers.  Ce n’est pas une crise, ce sont des crises, multiples, des chocs de nature différente, mais au final qui mènent à chaque fois à des choix politiques plus abérants sous couvert du discours paradoxal du « plus jamais ça ». J’écoute la radio, d’évite de trop me laisser prendre dans l’actualité en continu proposée par le petit écran, par contre parfois j’allume la TV pour regarder comment notre société à changée.  Un exemple, l’autre soir, j’ai eu envie de voir ce que canal+ proposait en access prime time (c’est à dire avant 20H).  En général c’était le temps de leurs émissions d’info-tainment, dans les années 90 la grande époque de Nulle part ailleurs et puis ensuite les différentes versions du Grand journal dans les années 2000.  Aujourd’hui l’émission s’appelle « l’info du vrai » (un titre déjà très appuyé qui souligne en creux qu’il y aurait de fausses infos ?) et elle se revendique plus info que entertainment…. en même temps actuellement plus aucun film ne sort dans les salles, plus aucun spectacle n’est monté, il reste bien les auteurs à inviter, mais globalement, la culture fait triste figure.  J’ai peu écouté les discours sur le fond, mais je me suis arrêtée sur la forme, les couleurs du plateau et des tenues des chroniqueurs étaient toutes dans les tons de bleu / blanc / rouge et à l’image souvent des policiers, des drapeaux, et d’autres signes d’un pouvoir fort, martial et nationaliste… J’ai été assez sidérée par ce que j’ai vu.  Je m’attendais à un peu de folie et de légèreté, une miss météo pleine de bons mots, ou même un peu de musique que sais-je.  La culture  a laissé la place à la politique et les images parlent encore plus que les mots.

Alors j’ai vu ce qui nous attend : un état policier qui contrôle, surveille, promeut la délation, infantilise les citoyens devenus de passifs consommateurs confinés et biberonnés aux réseaux sociaux, alimenté via deliveroo, éduqués à distance par visioconférence. Piquouzés, sous perfusion d’émotions frelatées et sommés de ne plus rien désirer d’autre que la consommation d’essentiels papiers WC, là où les livres pourraient nous sauver, ils se retrouvent un temps interdits à la vente.

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J’entends la colère, la souffrance et j’entends surtout la peur.  Mais quand je rencontre des gens en vrai, un espace de confiance se crée entre nous, un espace unique qui nous permet d’entrer en contact et qui nous aide à rester vivant.  Je sais que ces moments sont les plus précieux de  ma vie actuelle, je sens que les rencontres ne sont pas fortuites, que les gens qui viennent jusqu’à moi ne sont pas là sans raison dans ma vie et de même pour chacun d’eux, notre rencontre peut amorcer un tournant, un choix, une direction, voir une énergie nouvelle.  Tout cela ne peut pas se faire à distance, en tout cas pour moi ce n’est pas la même qualité de relation que l’on peut développer  à travers un écran et dans la réalité.  J’ai besoin d’être en présentiel, j’ai besoin des autres à proximité, pas trop près car j’ai toujours été un peu gênée par une trop grande proximité physique, mais dans une proximité qui me permet de sentir leur énergie, de percevoir les mouvements infimes de leurs corps, de me relier un tant soi peu à l’humain en chacun de nous.

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Ce lien, cette qualité d’échanges et de relation, c’est ce qui nous permet de sentir que nous sommes tous interconnectés, que nous dépendons les uns des autres, c’est en préservant ces liens aux autres que nous saurons rester humain et surmonter la crise actuelle.  Tout ce qui nous coupe des autres, nous coupe de nous même, je  l’ai vécu, expérimenté et ressenti  pendant des années. Aujourd’hui dans un mouvement de reconquête de moi même, je sais que mon lien aux autres est essentiel et je ferai tout pour le préserver.  La société m’enjoint à garder mes distances et c’est pour moi impossible. C’est pourquoi j’ai fais le choix de la désobéissance, je ne peux pas faire autrement, j’ai besoin des autres et réciproquement. Notre interdépendance et nos échanges nous protègent plus qu’ils ne nous mettent en danger, j’en suis convaincue et je  défendrai autant que possible ces choix que je ressens comme justes par rapport aux règles qui nous sont imposées et dans lesquelles je perçois que la protection mise en place n’a plus rien à voir avec se protéger d’un virus, mais plutôt protéger  l’état et les institutions de ce qui pourrait advenir si les gens se rassemblent, parlent, créent, inventent entre eux d’autres moyens de faire société, de se relier les uns aux autres.  Nous n’avons pas le choix, nous sommes tous liés les uns aux autres, mais aussi avec notre environnement, notre planète, notre éco-système.

briséeLes séparations, la dichotomie, toutes ces sensations de coupure et de rupture, je les ai tellement vécues en moi et envers le monde, que je ne supporte plus l’idée qu’elles me soient imposées à nouveau.

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Le temps de ne plus aimer

 

Il y a cinq ans j’écrivais un article intitulé le temps d’aimer.  L’eau à coulé sous les ponts, l’amour s’en est allé et je me dois d’écrire la fin de l’histoire aussi triste et sordide soit-elle.  J’ai appris beaucoup de ce nouvel amour,  mais je fais surtout le constat  que j’ai un profond besoin d’être seule.

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Je savais qu’aimer expose à la douleur, à la perte, à diverses souffrances, jeux de pouvoirs et d’ego. Aimer expose aussi au bonheur de se croire un temps protégé à l’abri de la misère affective et sexuelle.  Mais l’amour n’est pas ce carcan figé  de la monogamie exclusive à l’usage d’un seul être, l’amour vivant est loin de l’idéal judéo chrétien de la famille nucléaire et du couple avec enfants.  Aujourd’hui pour moi tous ces codes appris sont un asservissement à l’autre et à la société.

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L’amour dépasse de loin ces cases pré-établies. L’amour est une force, une énergie pure qui peut  aussi bien venir nourrir une relation monogame, ou venir porter secours au prochain, il peut être tourné vers les autres ou vers soi et donner ainsi la force et la confiance qui nous permet ensuite de rayonner pour les autres.  En me délestant d’un amour sclérosé, je regagne ce qu’il y a de vivant en moi. L’amour est une relation, une co-construction dans laquelle tout doit être questionné. A vouloir créer l’enveloppe parfaite pour cet amour, LA maison, nous avons perdu de vue ce qu’il y avait de vivant dans notre relation.

Il m’est difficile d’évoquer sans affect cette histoire au passé, mais je sais que la fin de l’amour c’est du temps retrouvé pour moi, de l’énergie à venir pour les autres, et l’idée d’un passage vers l’inconnu, vers la découverte, vers la vie.  Se défaire de ce qui nous pèse, s’alléger de quelque croyances, y perdre des plumes… Me voilà nue a nouveau, libre et sans attache, plus forte et indépendante.

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J’ai appris la grande leçon du lâcher prise, l’idée qu’il faut accepter de perdre ce qui nous semble essentiel, savoir se dépouiller de tout pour retrouver la confiance dans l’avenir.  Tout comme il faut se départir de ses à-priori pour vraiment découvrir l’autre.  Se découvrir soi même nécessite aussi d’abandonner la lutte et d’accepter ce qui vient, ce qui parle à travers nos émotions, ce qui palpite sous notre peau blafarde.

J’ai passé près d’un mois à cligner de l’oeil de manière nerveuse, la paupière tétanisant, signe de fatigue nerveuse, d’épuisement moral, mais aussi  l’idée que mon oeil droit  trahissait quelque part ce dont j’avais le plus besoin : changer de point de vue et de perspective, arrêter de m’aveugler sur la situation, ouvrir enfin les yeux sur ma souffrance

Photos prises sur les toits de la base sous marine à Bordeaux, un symbole de résilience.  Comment de  la destruction,  renait la vie, les plantes endémiques avec un petit air de fin du monde…

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Résister

J’ai toujours eu l’impression d’un léger voile entre moi et le monde, d’une sorte d’incompréhension.  Depuis quelque temps déjà je me suis mise à la marge, j’ai ralenti, je me suis décalée, loin du monde, mais malgré tout en prise avec ce dernier, comme chacun d’entre nous.

Depuis le mois de Mars et l’étrange sensation de rupture  que j’ai ressenti quand j’étais loin de la France et que les évènements se sont enchaînés, me voici passée dans une réalité parallèle. Mais ne sommes nous pas tous entrés de force dans cette nouvelle réalité ?

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Je ne sais pas ce qui est vrai ou faux des messages scientifiques, des querelles et des croyances sur ce virus sa dangerosité, sa létalité… J’avoue que je ne sais rien de tout ça. Mais je ressens profondément un état de peur et de sidération qui nous pousse collectivement à accepter ce que nous n’aurions jamais accepté avant :

la limitation de nos libertés individuelles et collectives

 

Je vois la peur de l’autre et la haine nous séparer sans fin.  Par mon attitude décalée, je me suis mise en rupture avec la société tout entière.  Je perçois que le monde marche sur la tête et que les injonctions de l’état, les demandes de protection et de sécurité ne sont pas liées qu’à ce virus aéroporté.  Je n’ai pas peur du virus, mais je ressens la peur de l’autre, la peur et le jugement.

Il ne nous reste que peu d’espace pour être humain ces derniers temps, le sourire même (l’arme fatale) nous a été retiré.  Nous voilà tous bâillonnés, acceptant plus ou moins notre état, certains convaincus d’aider les autres et la société, d’autres simplement pris dans la marche des obligations légales.

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De mon côté je ressens une forte résistance depuis le début.  Cette notion m’est venue très vite et je crois pouvoir mieux imaginer ce que pouvait être la « résistance » de l’époque de la seconde guerre mondiale.  Ce n’est pas l’héroïsme ou la morale droite qu’on nous a tant vanté, ce ne sont pas des « justes »,  ce sont  juste des gens qui ne pouvaient pas faire autrement. Ce sont des familles qui se sont déchirées, des amitiés qui se sont brisées, parce que ceux qui étaient « antisociaux », ceux qui étaient « des terroristes », que l’on dénonçait comme tels, ne pouvaient pas faire d’autre choix.

Ce qui est juste en ces temps incertains,
c’est ce que l’on ressent comme juste.

 

Il faut  s’armer de courage  pour aller contre la loi, contre les masses, contre la morale, contre la société tout entière. Il faut garder dans le secret de notre coeur  nos croyances et  nos convictions intactes.  Des croyances sur l’humanité qui se perdent parfois dans les méandres de l’histoire.  Aujourd’hui je sens que l’humanité de tout un chacun vacille et tangue.  Je vois des murs de la haine (sur Facebook), des déferlements d’injures, des exagérations des dénonciations. Je vois que chacun aime à surveiller son voisin, à donner des petits conseils amicaux, à dénoncer tout simplement ceux qui ne vont pas dans le sens de la norme. L’impression d’être partout comme à l’abattoir dans des rails qui nous guident vers la mort de l’humain.  Suivre les flèches, le sens de la marche, ne pas réfléchir et ne pas se rebeller.  Les regards apeurés, c’est tout ce qu’il nous reste pour communiquer.  La voie est tracée  il ne faut surtout pas s’en éloigner.

Je n’ai jamais été dans ce sens là ! L’anticonformisme et cette distance au monde me préservent aujourd’hui de la folie collective.  Je tente de trouver le réconfort auprès de ceux qui partagent mes idées, mais nombreux sont ceux qui partagent le constat sans tirer les mêmes conclusions.  Les antis-,  les réacs, les extrêmes… Je ne veux pas de vos cases, de vos jugements, de vos conseils, je veux simplement vous dire que ma résistance servira au delà de ma personne, comme exemple, comme espace de liberté, comme espace ouvert à l’autre, sans peur ni haine.   La haine et la peur sont partout, s’infiltrant sous le masque et les regards suspicieux de chacun de nous. Il faut cultiver la lumière en nous, même si cette dernière doit parfois s’éclipser pour pouvoir renaître.

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Comment résister ?  c’est toute la question.  Aujourd’hui ce sont les mots, demain je l’espère aussi les actes.  Il faudra bien suivre sa voie, la mienne a pris un chemin de traverse et ne trouve plus sa place dans la société actuelle. Décalée je suis, et décalée je resterai…