Il y a plus d’un mois que je n’ai pas publié et c’est sans aucune culpabilité que je reviens témoigner de ces temps incertains, transitoires, et des avancées en crabe de ma quête personnelle. Je rappelle que je n’ai rien promis ni à vous ni à moi concernant la fréquence de publication sur ce blog qui se veut avant tout le récit de ma libération.
Ce chemin passe par beaucoup de questionnements et de doutes, par une volonté de compréhension de moi-même qui ne semble jamais assouvie. J’ai aussi découvert qu’il y avait sous la surface, sous ma peau, dans mon corps de nombreux points de blocage. Ceux là ne peuvent pas s’émouvoir à la lecture d’un livre, ni même de la compréhension d’un nouveau concept. Me voilà donc partie dans une introspection sensitive à tenter de retrouver ce qui a longtemps été nié.
Retrouver le plaisir simple de se faire porter par l’eau douce et chaude de la mer, le corps ouvert en étoile, les yeux fermés, pendant de longues minutes, parcourir des kilomètres au rythme du roulis des vagues et se retrouver projetée sur le sable chaud. Le corps alourdi soudain par la pesanteur et puis repris par la mer dans un mouvement d’accueil et de rejet sans fin.
Illustrations Pina Baush « café Müller » ainsi que le film « Pina » de Wim Wenders et « rêves dansants » à voir absolument.
Baudelaire disait qu’il faut « guérir le corps par l’âme et l’âme par le corps », cette dichotomie qui m’a toujours obsédée ne résonne plus pareil à mes oreilles. L’autre phrase qui m’a accompagnée toutes ces années, c’est la citation de Descartes que se répétait ma prof de philo pendant les longues semaines de coma qu’elle a traversé. Tous les os de son corps avaient été brisés dans un accident et les médecins refusaient de parier sur sa survie. Elle s’accrochait à cette phrase : « l’âme n’est pas logée dans le corps comme un pilote en son navire ». J’ai tenté en vain de séparer l’esprit du corps en me méprenant sur le sens de ces phrases. Je voyais deux entités séparées, le corps n’était qu’une machine, certes sophistiquée, mais qu’il fallait contraindre à la puissance de la pensée. Si j’en suis venue à croire cela, c’est sans doute parce qu’enfant, j’ai tous simplement décidé de délaisser mon corps, de l’affamer, lui intimant l’ordre de se faire tout petit, de prendre le moins de place possible. J’ai rentré mes épaules vers l’intérieur, courbé la tête, coupé mes cheveux et vérifié que rien ne dépasse. Rien de tangible qui pourrait m’apparenter à ces corps adultes, adipeux et charnus exultants d’humeurs. Je voulais disparaitre, devenir ectoplasme pour n’être plus que des mots.
Le Yoga a été un premier pas vers ma réincorporation. J’aime cette pratique douce de l’attention tournée vers l’intérieur. Cette manière de bouger, de ressentir les vibrations énergétiques. Au début ce ne sont que des picotements et le bien être ne dure pas. Mais en regagnant du terrain sur l’ankylosement de mon corps, c’est aussi une nouvelle porte qui s’est ouverte dans mon cerveau. Ce travail ne se fait pas sans résistance et d’ailleurs je trouve curieux de résister autant au changement et à moi même. Cette posture de résistance (en d’autre temps si glorieuse) m’a usée, épuisée et depuis peu j’abandonne la lutte. Je laisse faire la pesanteur, je me laisse traverser par des émotions longtemps refoulées, j’accepte même ma peur et ma douleur. Je reviens à ce qui m’est essentiel, mon identité, non pas celle que j’ai construit socialement et dont l’ironie mordante masquait un profond malaise, mais mon identité en tant qu’être. Je découvre des niveaux de conscience subtils, différents qui me permettent de m’exprimer librement. Peu à peu je recolle les morceaux entre mon âme et mon corps pour me construire en tant qu’ ÊTRE.
La fluidité dans l’écriture ne viendra pas d’une contrainte de l’esprit, mais bien d’une disposition du corps à laisser libre cours à la pensée, à ne pas l’entraver de ses douleurs et au contraire à la nourrir de ses émotions et sensations. L’intensité de certains moments que je vis est indescriptible. Comme la première fois que je me suis retrouvée sous une pluie drue avec mes cheveux courts, j’avais 15 ans, l’eau ruisselait sur mon crâne et je n’avais jamais ressenti cela avant (bien protégée par une tignasse longue) j’ai découvert ces petites chatouilles des gouttes d’eaux qui s’écoulent le long de mon occiput. Comme une soupe de nouilles froide qui vous tomberait sur la tête. J’ai ressenti ça un soir, après avoir passé une journée étonnante d’expression et de partage… Une journée où j’avais repoussé mes peurs et connu des sensations nouvelles. Je riais, seule, sous la pluie et me suis alors sentie libre d’exister pour moi, pour ces sensations si précieuses que j’avais recueillies. En libérant mon corps, mon esprit s’aiguise et c’est une foule de souvenirs enfouis, doux amers, qui me remontent dans la gorge, ils se libèrent dans un sanglot, un frisson où un sourire.























