Dans le vif du sujet

Il y a des mois que je me prépare à renouer avec l’écriture et cette idée me réjouit à peu près autant qu’elle me terrifie. J’ai du me faire aider par un coach (et un ami), Denis Tison. Après les premiers blocages levés, je me suis dit, ça va rouler, je vais enfin revenir à l’écriture aussi naturellement que ça l’a toujours été pour moi.  En réalité, les années à juger le travail des autres et à engranger du savoir théorique sur la dramaturgie m’ont fait perdre ce lien simple et intime à moi-même et à l’évocation des sentiments et des émotions. J’ai perdu en lyrisme ce que j’ai gagné en structure. Je cherche à construire, à édifier, à verrouiller tout ce que je peux par des lectures, du savoir, une confirmation que je fais bien ce qu’on attend de moi. Là encore j’obéis aux règles ! La transgression restant pour moi un très long chemin à parcourir, vers un peu plus de liberté. Quelque part je ne me fais pas confiance, je ne me laisse pas la liberté nécessaire  pour créer. J’ai peur de ce qui pourrait en sortir, peur de ne pas avoir assez de matière et d’énergie brute au fond de moi pour écrire cette histoire.  Ce roman sur l’histoire de mon arrière grand-mère, qui me tient tant à coeur et qui m’apporte depuis des mois beaucoup de force, d’envie et d’énergie, vais-je réussir le mener à bien ? En réalité, je devrait plutôt travailler sur le mener à mal, le malmener *, car je sens que c’est en sortant des attendus (ceux des autres, et les miens) que j’arriverai à lui donner son sens. Le travail d’écriture n’est pas à un paradoxe près et c’est ce qui me plait tant dans ce labyrinthe de Pan*.

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Le sens de cette histoire que je croyais porter au fond de moi, qui me semblait clair, une évidence absolue.  Ce sens m’a échappé toute la semaine.

*** Première semaine ***

J’ai prévu cet été un mois d’écriture sur ce projet. J’ai travaillé toute la semaine sous la contrainte, dans la souffrance et le doute.  J’ai construit avec patience et méthode.  J’ai déconstruit ce qui n’était pas en place.  Mais cet exercice s’est fait dans la lutte, j’ai beaucoup dormi, j’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup fuit.  Face à mon tableau en liège et à mes petites cartes, j’ai peiné à mettre en place les moments clé de l’histoire, certains ont naturellement trouvé le place, surtout au début, mais la fin de l’histoire, elle m’échappe toujours.  Curieusement, la fin je la connais, c’est la fin réelle de la vie d’Alice, elle s’est fait tuer.  Mais pourquoi ? Donner un sens à cette mort par la fiction est presque impossible.  Cette mort n’a aucun sens ! La réalité sur laquelle je me base est aberrante.  Comment donc la réorganiser, s’en libérer pour que la fin brutale de la vie d’Alice prenne enfin du sens ? Et quel sens ?  Je marche sur des oeufs, je ne veux pas me tromper, et j’avoue n’avoir pas encore trouvé.  C’est une fin fermée et une fin ouverte en même temps, pour l’instant c’est très flou.

La méthode du tableau et des cartes proposés par Blake Snyder dans son livre « Save the cat », m’a vraiment séduit dans la mesure où le travail semble être pré-mâché. Mais cette méthode exige une rigueur et une clarté de vue qui me font encore défaut sur ce projet.   J’avais établi un planning de travail pour la semaine et ce planning a quelque peu dérapé. Un après-midi passé à la plage m’a rappelé la nécessité de prendre de la distance, de la détente comme moyen de résoudre les problèmes. J’ai aussi compris qu’il me fallait limiter mes exigences, accepter que je n’écrirais pas un chef d’oeuvre du premier coup et en un mois (même un mois de travail acharné).  Néanmoins,  j’ai commencé à construire, les trois quarts de l’histoire, ce tableau me servira de guide dans l’étape suivante. Même si j’ai bien conscience de son incomplétude, libre à moi de le reprendre régulièrement au cours du travail.  Je sens confusément, que passer à la phase d’écriture proprement dite s’impose. Est-on jamais assez prêt pour cela ?

DSC03005J’ai l’impression de réapprendre à faire du vélo (Dieu sait -et mes parents aussi- à quel point cet apprentissage a été douloureux pour moi). En effet la théorie ne suffit pas à trouver l’équilibre.  Il ne suffit pas de penser sans fin : pied droit, pied gauche, pied droit, pied gauche, de tenir le guidon en regardant où on va. Moi j’ai lutté longtemps, incapable de gérer tous ces paramètres en même temps, parce que pour que ça roule, il faut surtout ne pas y penser, trouver la sensation d’équilibre et faire confiance aux automatismes du corps. Me voilà donc à nouveau sur mon vélo à 5 ans sur le parking désert d’un hypermarché Mammouth près de Nancy, je dois oublier les échecs passés, la peur de tomber, de ma faire mal, je dois y arriver, car mes parents me regardent hilares face à mon aptitude à foncer droit dans les chariots isolés qui parsèment le parking (à l’époque, les chariots n’étaient pas payant et pas aussi bien rangés). Je tente de me concentrer autant que je peux, pour ne pas me planter à nouveau, je souffle lentement, papa me pousse et puis c’est à moi « pied droit, pied gauche, ne pas y penser… hop »

  • Je lis d’ailleurs en ce moment un livre théorique salutaire (très ironique et anglo-saxon) How not to write a novel  de Howard Mittlemark & Sandra Newman
  • Les philosophes stoïciens identifiaient ce dieu avec l’Univers ou du moins avec la nature intelligente, féconde et créatrice.

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  1. Pingback: Renoncer à la lutte | Caroline Cochet

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