Se découvrir Frères

Parfois nos proches sont tout simplement les gens avec lesquels on arrive le moins à parler…  J’ai souvent cette impression avec ma famille et depuis toujours je ressens beaucoup d’incompréhension envers mon frère.  Cet être étrange dont j’ai partagé les jeux, l’éducation, sans doute une partie des gènes, mais au final, j’ai toujours ressenti l’altérité.  Mon frère est l’Autre, celui que je ne comprend pas. J’ai mis du temps à réviser ce jugement sans doute hâtif, emporté comme une colère d’enfance.  Le mot frère, m’a toujours été étranger, j’avais l’impression de ne pas ressentir ce qu’il faudrait envers lui. D’avoir, à la place de l’élan du coeur, une simple incompréhension muée en indifférence.

Aujourd’hui après des années d’indifférence, et des kilomètres de distance, je suis revenue  vivre dans la même ville que lui, avec dans l’idée de tenter de reconnecter où du moins d’apprendre à le connaitre mieux.  Or mon frère semble comme moi souffrir de cette capacité de déconnection et de mise à distance envers les évènements  et les gens.  Je sais qu’il a longtemps souffert de mon indifférence à son égard.  Et je sens, sans un mot, à quel point il tient à moi malgré tout.   Comme moi il semble s’être blindé derrière une solide carapace qu’il n’est pas aisé de briser. On aura beau nous faire craquer au casse noix, mon frère et moi resterons des crustacés de premier choix.  On préfèrerait bouillir dans notre coquille plutôt que d’accepter de montrer nos chairs à vif à quiconque.

Par moment (mais rarement) il y a comme une faille, il accepte de me dire qui il est avec sincérité. Je découvre alors notre incroyable proximité.  Incroyable surtout pour moi qui ait toujours pensé que nous étions différents au dehors comme au dedans.  Ces moments de fulgurante révélation me bouleversent à chaque fois, je voudrais qu’il y en ait plus et en même temps la violence émotionnelle qu’ils libèrent en moi serait difficilement supportable au quotidien.  Alors on revient à nos petits mensonges, on dit que « ça va » quand ça ne vas pas, parce qu’on n’a pas vraiment appris à se parler autrement et encore moins à se faire confiance, suffisamment pour partager ce que l’on ressent.

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Je voudrais pouvoir lui dire que son amour tant rejeté me manque. Que tous les crustacés doivent muer et qu’on est pas obligés de porter ces carapaces pour nous protéger de l’autre.  Qu’il peut se confier, enlever son  armure, arrêter de jouer les durs.  Que je veux changer et  rajouter le mot Frère à mon vocabulaire, pour que lui puisse aussi avoir enfin une Soeur. Je sais que ce ne sont que des mots.  Les actes seuls comptent et nos retrouvailles prendront le temps qu’il faut. Le temps de se pardonner, de se retrouver, de se reconnaitre, toute une vie peut-être ?

 

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