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Présence

Ce weekend, j’ai participé à un stage de danse organisé par Claude Magne et la Compagnie Robinson sur le thème « présence et mouvement ».  La danse est entrée dans ma vie il y a quelques mois seulement, mais cette pratique me nourrit et ne cesse de questionner mon écriture. Loin de l’exigence de performance et de souplesse du  ballet classique et des pointes qui ont m’ont définitivement brouillée avec la couleur rose et fait croire pendant des années que ce n’est pas pour moi, me revoilà campée sur mes deux pieds, avec mon corps tout raide, toujours un peu trop grand et un peu trop maigre. La danse c’est cette expérience du corps qui se meut, qui s’émeut et loin de l’agitation de la gymnastique, c’est un temps de retour à soi pour se perdre et se retrouver.

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Au cours de ces deux jours, j’ai éprouvé des sensations nouvelles  à commencer par celle de serrer dans mes bras une quinzaine de personnes que je ne connaissais pas. Une expérience inenvisageable sans angoisses il y a quelques mois en arrière. Une manière d’entrer en relation avec les corps des autres à priori.  Les deux axes principaux de recherche étaient « la complétude plutôt que la perfection » et « la présence plutôt que la production ». Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la conversation avec l’autre et l’ouverture à l’inattendu. Des termes qui peuvent sembler vagues, génériques, mais qui sont volontairement dénués d’affect pour que chacun puisse s’en emparer et le retranscrire dans sa démarche. Je me suis beaucoup jugée, mais de la part de tous les autres je n’ai ressenti que bienveillance et accueil.  Alors j’ai décidé d’accrocher mon ego au vestiaire et de laisser voir ce qui palpite doucement en moi.  Le samedi soir lors d’une longue impro, je me suis sentie envahie par l’émotion, l’impression de danser en portant sur mes épaules le poids de cette histoire passée, celle d‘Alice.  J’ai revécu sa lutte, sa douleur du moins ce que j’en sais. J’ai dansé pour elle, avec elle, en portant ses maux en étendard de mon malaise.

2ee3aa176d313379d27f993bcf93e53bLe second jour c’est un exercice fascinant d’altérité et de jeu de miroirs qui m’a permis de me confondre et de me voir dans le corps de quelqu’un d’autre.  De cette pratique, Claude a souligné qu’elle était un moyen d’allier technique et lâcher prise, intériorité et extériorité en passant par la médiation de l’autre, par la rencontre.

Ce stage m’a ouvert à moi-même, il m’a redonné l’envie d’improviser au piano et avec les mots.  Il m’a conforté dans l’idée que la technique d’écriture est maintenant suffisamment ancrée en moi pour que je puisse l’oublier un temps.  Elle ne va pas disparaitre, au contraire, c’est dans la pratique et dans un certain relâchement que je vais retrouver cette joie de la maitrise technique.

« Le mouvement n’est pas affaire de spécialiste mais de toute personne qui s’appuie sur sa présence incarnée, sensible, relationnelle, pour dire son « être au monde ». Démarche de découverte et de partage, loin de toute exhibition ou provocation. L’approche doit être douce et respectueuse afin que s’ouvrent les canaux de l’expression. » Claude Magne

Et puis il y a cette présence de l’absence que je commence à accepter, à mieux percevoir et à entendre monter en moi.  La présence de l’absence, c’est un terme employé par Jean-Claude Ameisen dans son émission sur les traces du passé qui m’a tellement parlé que je l’écoute et la réécoute en podcast depuis cet été.  A chaque nouvelle écoute je découvre d’autres informations, une richesse d’évocation qui m’avait échappée les fois précédente tant cette émission foisonne de mots qui me sont destinés.  Et à chaque fois l’émotion me saisit à la fin, les larmes coulent, sans que je comprenne bien pourquoi, la mécanique est claire et pourtant il y a ce surgissement d’un coup qui m’emporte.  Accepter ce qui parle en moi, cet autre qui m’effraye parfois, ce déséquilibre qui me rend difforme et que je cache, mais qui est au fond ma force et mon identité.  Je vais laisser faire le temps, laisser passer les jours, mais je sais que cette pratique m’a marquée dans ma chair, laissé le souvenir le plus profond, celui du corps libéré.

A lire aussi le formidable discours de Patrick Modiano sur son travail de romancier récompensé par le Prix Nobel : « Mais c’est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l’oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l’océan. »  Ecoutez ces mots qu’il laisse en suspend dans l’air, et dans lesquels passent la mémoire de tous ceux qu’il a écrit dans ses livres et des autres encore oubliés. Traversez ce discours fleuve, écoutez la voix douce et fragile d’un grand écrivain qui a écrit ce discours comme il écrit ses livres, dans le brouillard d’une route de montagne verglacée.

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Publiée

J‘avais évoqué précédemment une petite victoire sur la procrastination et mon syndrôme d’exigence élevée qui m’empêche toujours d’écrire, l’envoi d’un petit texte sans enjeu à la revue Chemin Faisant.  Eh bien c’est fait, la revue est sortie et mon texte figure en bonne place dans ces feuillets ivoire.

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Samedi soir, je me suis rendue à la fête de lancement du dernier nouveau numéro de Chemin Faisant autour du thème « Menu de nuit ». Dans le bric à brac des ateliers partagés de la Chiffone Rit, j’ai pu apprécier à nouveau l’univers éclectique et magique des créateurs de cette revue.

Chemin Faisant c’est une histoire de transmission entre parents et enfants, c’est ce qui m’a plut dans ce projet.  Une transmission de l’art, de la liberté et d’une utopie des mots libérés de tout carcans qui s’entrechoquent aux photos aux dessins, aux installations éphémères, aux sons plutôt hypnotisant du groupe C’est Bien Ben.  Avec un dessin réalisé pendant le concert.

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Ce qui m’a le plus touchée lors de cette soirée, ce sont les quelques retours sur mon texte « Mes nuits par le menu ». En effet en discutant avec l’équipe, j’ai été très surprise de leur enthousiasme et eux-mêmes se sont dit surpris de la liberté de ton du texte que j’ai envoyé.  En effet ce menu de nuit, m’a inspiré un texte à la fois culinaire et cul, les deux vocables me semblant toujours s’interpénétrer.

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Quand j’ai écrit ce texte, je l’ai d’abord beaucoup pensé, retourné, mis en bouche et les mots sont venus d’un coup, simplement dans la joie d’écrire libre.  Puis je l’ai lu, relu, corrigé, légèrement amendé.  J’ai commencé à le juger, commun, pas aussi bon que je l’aurais souhaité.  Je me suis dit que c’était tellement peu original qu’il serait sans doute recalé, pour sa médiocrité.  Pourtant certaines phrases me semblaient satisfaisantes et pour elles, j’ai fais le choix de l’envoyer, vite avant de le regretter.  Quelques semaines plus tard, un mail m’informait qu’il serait publié, j’en ai été touchée, rassurée et presque surprise.

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Là encore mon démon intérieur, l’Exigeant Paravent (E.P) tentais de scier en douce la branche de l’arbre sur laquelle je grimpais. Son travail de sape m’a poussé à ne plus relire le texte, le laissant abandonné dans un coin.   Samedi soir, quand j’ai reçu ces compliments venant de gens que je ne connaissais pas et qui n’avaient d’autre motivation que de me dire ce qu’ils en avaient pensé, j’ai décidé de le relire.  Finalement, la musique des mots m’a reprise, et je suis heureuse de cette première publication.  Un petit extrait ci-dessous.

Au menu de mes nuits, il y a en guise d’amuse-bouche des coquelicots fardés, lardés de barde grasse et de barbe mangés. A la langue de veaux débitée en tronçons, je préfère l’escargot au beurre d’ail.  Gastéropode que l’on tire de sa coquille à l’aide d’un petit pic dont les pointes fourchues viennent me chatouiller la plante des pieds.

Mes derniers textes publiés l’ont été dans le journal du collège il y a presque 20 ans, ensuite j’ai écrit dans plusieurs blogs, et  j’ai créé un magazine de tricot en ligne. Je passe mon temps à écrire et pourtant, qui me lit ? J’écris pour juger les autres, C’est mon travail… Comment dans ces conditions me libérer ce de juge si exigeant ? Sans doute en écoutant vos retours.  Si ce premier texte vous intéresse, je vous invite à découvrir la revue Chemin Faisant en vente à Bordeaux à la Machine à Lire (tous les points de vente).  Merci à toute l’équipe pour leur confiance et leurs encouragements, je serai au RDV du prochain numéro « Douze ». Bonne lecture à tous et n’hésitez pas à me dire ici ce que vous en avez pensé.

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Toutes les photos de cet article sont de Solweig Cheron, merci pour ce prêt.

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Changer

Je me suis souvent sentie pleine de paradoxes, ne sachant pas entre une posture et une autre laquelle était vraiment moi et laquelle était une simple réaction. Un jour j’ai dit sur un autre de mes blogs que j’étais versatile.  Je sais que ce qualificatif a des connotations négatives, mais c’est ce que j’ai trouvé de plus juste pour qualifier les fluctuations de mon esprit.  Je change souvent, sans toujours bien savoir qui je suis. Ces derniers temps, j’ai beaucoup travaillé sur le sujet de mon identité, recherchant mes racines dans des histoires anciennes et questionnant également l’image que j’ai de moi-même, la confrontant à celles que me renvoient les yeux des autres comme autant de miroirs déformants. Peu à peu, j’ai changé. Changer prend du temps, mais c’est toujours plus rapide que le temps que l’on passe à ne pas vouloir changer, à tenter de sauver les apparences pour les autres et surtout pour soi. Attention quand je parle ici de changer, ce n’est pas changer pour devenir autre, pour être mieux qu’avant, c’est changer pour devenir soi. Pour être plus en contact avec ce que nous sommes vraiment, notre Être, notre essence. La force du changement, c’est que bien qu’il ait lieu sur un plan psychologique, on en ressent également les bénéfices sur le plan physique.

Les 4 étapes fondamentaleClose-up_web-7_440s du changement (tirées de ma propre expérience). Je tire ici les conclusions des dernières semaines et des derniers mois passés à changer. Le changement est un processus, il continue de faire son oeuvre, mais j’ai à présent une vision plus claire de l’ensemble des étapes et je vous les livre ici, sous forme de considérations générales.  J’insiste sur les sensations physiques décrites à la fin de chaque étape qui ne sont pas toujours les mêmes selon les personnes.

Le chemin du changement est semé d’embuches, de la prise de conscience d’un malaise ou d’un manque à la réalisation que l’on a finalement résolu son problème, il faut s’armer de patience.

 1 La prise de conscience est un premier pas.

Close-up_web-15_440Parfois lente, parfois brutale, elle est souvent retardée par la peur, l’idée qu’en confrontant son problème, on va encore l’aggraver.  En effet après la prise de conscience la spirale de la lutte et ses douleurs arrivent. On ressent souvent de la colère et de la rancoeur qui redoublent la douleur d’être soudain confronté à soi-même et à ses problèmes.  Toutes ces choses que l’on voudrait toujours oublier mais qui sont bel et bien là présentes et à la vue de tous. Vivre sans prise de conscience revient à danser  sur un plancher à trous. On recherche la joie et la légèreté en essayant d’oublier l’angoisse de se tordre les chevilles à chaque instant. Certains dansent, aussi vite qu’il le peuvent, et pensent par le mouvement perpétuel pouvoir oublier les trous du sol sur lequel ils évoluent en funambules.  J’ai choisi de rester dans un coin de la pièce et d’observer froidement  les écueils et renonçant à la danse. Les anglais ont cette expression que j’aime bien pour évoquer le non-dit ils disent « an elephant in the room »  ce truc absolument énorme,  que tout le monde voit, autour duquel on tourne, mais dont on ne veut pas parler et que l’on feint d’ignorer. Quand le non dit est verbalisé, quand la prise de conscience a lieu et qu’un premier pas vers le changement est effectué, à  ce moment on ressent un certain soulagement.  C’est un soupir d’apaisement qui vient en premier, parfois aussi une grande fatigue ou un état de confusion si la prise de conscience à été brutale.

2 La seconde étape du changement c’est  la lutte ou la résistance.

Close-up_web-17_440C’est le moment le plus douloureux, le plus pénible, c’est celui qui fait rebrousser chemin, souvent on oscille entre prise de conscience et résistance.  On se demande pourquoi la prise de conscience ne fait pas miraculeusement advenir le changement tant attendu.  On a tellement été habité à voir ces moments de  « break through », c’est à dire de révélation, où soudain dans la prise de conscience un changement s’opère instantanément.  La prise de conscience réoriente l’esprit, mais pas les actions ni les habitudes qui sont le plus difficile à changer. En réalité de nombreuses personnes  sont tout à fait conscientes de leur problèmes.  Ce qui leur échappe (et c’était mon cas) ce sont leur mécanismes de défense, leur mode de lutte qui s’activent dès qu’ils tentent de changer.  Ces mécanismes s’activent à notre insu pour  perpétuer des schémas mentaux (le plus souvent protecteurs et défensifs) issus de l’enfance. On a alors l’impression de lutter contre soi-même, de se perdre, de s’écrouler.  La lutte peut prendre la forme d’une certaine violence, d’une grande colère, elle peut aussi se muer en dépression, elle fait toujours souffrir. Quand on veut y échapper  elle prend aussi la forme d’une fuite dans les drogues ou l’alcool.  Le moment de lutte est celui où on se replie, les épaules rentrées vers l’intérieur, la tête basse, on se protège, on est sur la défensive, elle se caractérise par une tension générale du corps, des maux divers et beaucoup de douleur.

3 La troisième étape c’est l’acceptation.

Close-up_web-41_440Cette étape est cruciale et reste la plus mystérieuse, la moins étudiée et décrite. L’acceptation d’un état de fait bancal, l’acceptation de son propre malaise. Cette étape d’acceptation est essentielle, c’est aussi l’étape qu’on appelle « lâcher prise ».  J’en ai déjà parlé parce que je croyais que lâcher prise était un synonyme de faiblesse, d’abandon de la lutte, de retour en arrière. Comme il m’était impossible de lâcher prise, je me refusais cette acceptation. Pourquoi me plier à des lois que je ne reconnaissais pas ?  Le rejet, le doute, la remise en question, tout phénomène de justification de nos souffrances et de nos douleurs est le signe que cette étape d’acceptation n’est pas accomplie.  L’acceptation c’est aussi prendre conscience que le risque n’est pas celui  que l’on croit, que nos peurs nous tiennent, nous dirigent et nous définissent plus que nos désirs. L’acceptation n’est pas une posture mentale qui peut être feinte, c’est le passage le plus difficile et c’est elle qui marque le véritable changement. L’acceptation c’est aussi et surtout s’accepter soi-même et apprendre à mieux se connaitre. L’acceptation vient du coeur, elle libère les tensions dans tout le corps,  principalement dans le haut du dos, les épaules, les trapèzes. Elle s’accompagne d’une sensation de légèreté, de douceur, de bien être et parfois d’euphorie.

4 La dernière étape est à nouveau une prise de conscience.

Close-up_web-8_440Celle ci a lieu quelque temps après la lutte et l’acceptation,  alors que la situation s’est apaisée, que l’on retrouve un nouvel équilibre, un jour sur un petit détail on se dit « J’ai changé » ou le plus souvent on nous dit « tu as changé ». Vous avez remarqué qu’on ne dit jamais « je change » ?  Pourquoi ? Parce que quand on dit j’ai changé, ce n’est pas pour évoquer un changement radical lié à notre Être, mais plutôt un changement de posture de notre égo vis à vis de ce que l’on est, un pas supplémentaire dans l’acceptation de Soi. Au moment où l’on change, ce que l’on  pourrait dire c’est « je souffre, je lutte, je suis perdu, j’ai peur » toutes ces choses que l’on ne peut pas dire et qui sont difficilement acceptées socialement alors on ne dit rien et on attend le retour du calme, soit en retournant à son état de malaise initial si on ne parvient pas à l’acceptation (après tout c’était pas si mal et bien moins pire que de traverser les prises de consciences et la lutte pour s’accepter) soit en acceptant ce qui vient sans jugement, avec bienveillance et douceur. Notre corps et notre regard intérieur sont à nouveaux alignés, il y a de l’harmonie, de la joie et plus de stabilité à l’intérieur pour affronter les prochaines tempêtes. Mais aussi une meilleure conscience de notre fragilité et une forme d’ouverture intérieure.

Conclusion

Alice

Alice Guilhem 2.7.1901 – 10.01.1941

Le plus important dans le changement, c’est qu’il doit être l’occasion de se rapprocher de soi, de se révéler à soi-même.  Si vous changez pour devenir autre, pour vous fuir, parce que vous vous jugez, ce changement restera superficiel et il n’apportera que plus de résistance  et de douleur dans votre vie.  Changer, c’est s’accepter de plus en plus, se reconnaitre dans son unicité.  Paradoxalement beaucoup de changements passent par une reconnexion avec celui ou celle que nous avons été enfant.  Changer c’est travailler son identité, mais sur le mode de l’Être et pas sur celui du paraitre, de l’apparence, ni même pour faire plaisir à d’autres.  On change pour soi, pour devenir un peu plus celui que l’on est, pour ouvrir à notre Être de nouvelles perspectives.  C’est pourquoi j’ai choisi d’illustrer cet article avec quelques portraits de la série « Français » de Seb Lascoux.  Allez la découvrir dans son intégralité, elle est régulièrement augmentée de nouveaux visages et tous ces visages tellement différents ont au fond des traits communs, une beauté partagée, celle d’un sentiment d’identité partagée, qui n’a rien à voir avec des théories politiques de gauche ou de droite.  C’est dans la diversité, dans le multiple, et dans le versatile que l’on définit le mieux l’identité de chacun. Dès que l’on est enfermé dans une catégorie, coupé de notre complexité, de nos racines, de ce que l’on porte en soi d’unique, on est mutilé, on est nié, on est jugé. Le regard du photographe, par un dispositif égal pour tous, nous donne à voir au delà de l’apparence, ce qui nous relie les uns aux autres. Je le remercie pour sa confiance et le prêt de ses images.

Toutes les images de cet article excepté la dernière sont tirées de la série de portraits « Français » photos de Seb Lascoux.

    Changer tout seul  ?  Pas si facile. Si vous devez un jour effectuer un travail sur vous même pour évoluer, je vous invite à vous faire accompagner.  Beaucoup de personnes (et j’en ai fais partie) pensent encore qu’aller voir un psy ne se justifie que si l’on est un peu fou, ou dans un état de souffrance intenable, de même si vous êtes artistes ne craignez pas d’y perdre votre créativité en vous libérant de vos névroses.  J’ai longtemps pensé pouvoir résoudre mes problèmes directement sans l’aide d’un tiers, mais aujourd’hui je sais que cette démarche m’a été salutaire.  Il faut choisir la bonne personne, l’approche qui vous convient, mais rappelez vous que vous êtes en charge du gros du travail.  Le thérapeute est là pour vous accompagner et vous guider avec bienveillance, dans une écoute active, ce qui n’a rien à voir avec l’écoute que peuvent vous apporter vos amis et de vos proches.

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Paroles d’auteurs

 Jusqu’alors, quand j’écrivais, il me semble que je n’avais pas une claire conscience des problèmes que je rencontrais, des fautes à ne pas commettre, des exigences à satisfaire. Je ne savais pas toujours éviter le convenu, les lieux communs, les mots trop prévisibles. J’écrivais à l’instinct, et je ne  sais si ce vocable est bien approprié.  Ce qui me guidait, c’était mon intuition, et surtout, mon désir d’être simple. J’avançais à tâtons, pressentant vaguement la forme que devait prendre la phrase qui s’élaborait.

 

De nombreux ingrédients participent à cette alchimie de l’écriture.  Quand j’écris, je me préoccupe désormais

  •  d’être sobre, direct, concis
  • de trouver le mot juste, l’expression juste, la structure de phrase adéquate. De trouver la justesse du ton.  De n’être ni au-dessus, ni au-dessous de ce qui est à exprimer
  • de ne pas résoudre un difficile problème d’écriture par un artifice
  • de ne dire que ce que je veux dire
  • de n’employer qu’après examen des mots qui ont une histoire, un passé
  • d’être attentif aux connotations, à l’implicite, aux vibrations qui se propagent d’une phrase à l’autre
  • de veiller à l’articulation des phrases, à l’écoulement du texte, au rythme. À la temporalité
  •  de choisir de préférence des mots qui se réfèrent au sensible, au concret.  Donc d’éviter autant qu’il se peut ceux qui désignent des réalités abstraites. De refuser certains termes techniques empruntés à différentes disciplines
  • de faire de la musique avec les mots.  Grande attention portée à leur sonorité, à leur poids, à ce qu’ils irradient
  • de m’en tenir à une intensité retenue
  •  de rechercher un langage objectif, tout en veillant à lui donner de la chair, de la couleur, du relief

Écrire, c’est travailler la langue mot à mot, syllabe à syllabe. C’est se soumettre à ce qui advient, en restant assez lucide pour pouvoir structurer la matière inorganisée qui se propose. C’est être sensible à toutes les interconnexions qui se nouent à l’intérieur du texte.

J’ai encore du chemin à parcourir – ce chemin n’a pas de terme – mais il est vrai que j’ai toujours voulu acquérir ce savoir-écrire qui associe spontanéité et réflexion, abandon et rigueur, lyrisme et lucidité, ce savoir-écrire qui permet d’accéder à « l’art sans l’art ».

On comprend pourquoi Hofmannsthal – mais est-ce bien lui ?- a pu dire qu’un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est plus difficile que pour toute autre personne.

Extrait d’Apaisement,  Journal VII 1997-2003 de Charles Juliet

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Chaque petit pas compte

L‘une de mes erreurs, je l’admet aujourd’hui, a été de tenter de vivre à distance de moi-même. Cette impression un peu étrange qui peut se résumer par « marcher à côté de ses pompes », c’est ce que j’ai l’impression de vivre depuis des années.

Je m’explique : j’ai basé mon fonctionnement depuis très longtemps (tellement longtemps que je ne me souviens plus depuis quand exactement) sur un jugement intellectuel. Mais le juge en moi a très rapidement pris le pas sur l’autre partie de ma personnalité, celle plus libre qui voulait expérimenter et vivre.   Or le juge a tranché dans le vif, estimant que ces expériences, le plus souvent  néfastes puisqu’elle entraînaient de la souffrance à terme, devaient être abolies. Le juge en moi a flatté mon égo en me disant que j’étais au dessus de ça, en critiquant toute action irréfléchie et en m’enjoignant à la plus grande prudence quant aux conséquences d’actes spontanés.  Par actes spontanés j’entends toutes les manifestations de  joie, d’émotion, de peur, de colère, de faiblesse. Très vite j’ai appris à tout juger et à pré-juger, à évaluer et à ne pas montrer qui je suis, ni ce que je ressent véritablement.  Dans les livres, les films, dans les récits des autres, j’ai trouvé de quoi nourrir mon jugement et à chaque fois, je me félicitais de ne pas tomber dans ce piège de vivre à fleur de peaux, d’exprimer sans réserve mes émotions. Tout en rêvant en secret que de tels moments viennent bouleverser ma vie.

A trop vouloir ressembler aux autres, en jouant au caméléon, j’ai perdu mes couleurs.

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D’abord j’ai appris à juger, puis j’ai appris à écouter.  Ecouter les autres, partager leur point de vue, comprendre leurs émotions, qu’elles soient réelles ou imaginaires.  Apprendre à lire les corps, les visages, les micro expressions, les intonations, pour mieux me perdre en eux, me nourrir en vampire de la vie des autres.  Je me sentais protégée à l’abri du mince écran de fumée, qui faisait croire que j’étais comme eux. Mais ma différence, mon indifférence, m’ont rattrapé.  

De juge des autres il n’y a qu’un pas à se juger soi même.  Je suis devenue exigeante, perfectionniste, avec une volonté d’apprendre sans limite.  J’érigeais ces attitudes en qualités morales, négligeant mon être, méprisant mon corps, ignorant tout ce qui se passait ailleurs que dans le cerveau.  Sous la peau, ça cognait, dans mes entrailles ça grognait et ces expressions grossières de mon corps se sont muées en douleurs chroniques, en peurs paniques. Mais je ne voulais pas entendre mon malaise, et je l’ai trainée de longues années, sans le questionner, juste parce que je voulais à tout prix me croire normale. Et puis tant que ces problèmes étaient vivables, je les évitais soigneusement, peu à peu ils ont rongé ma vitalité, jusqu’à m’enfermer en moi-même.

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 Maintenant que j’ai pris conscience de tout cela, le plus difficile pour moi reste à faire.  Je dois me re-former, m’accepter et m’aimer.  Re-apprendre à vivre, c’est comme apprendre à marcher, il faut y aller pas à pas. Pour l’écriture, c’est pareil, mon grand projet d’écriture de roman ne se fera pas aussi facilement que je l’avais espéré.  Mais pourquoi pas jouer avec des textes courts, proposer à des revues locales une contribution modeste, me familiariser à nouveau avec  mes mots.  J’observe que ça me prend du temps, j’ai longtemps pensé ce petit texte avant de le coucher sur papier.  Maintenant il faut l’envoyer, passer l’épreuve du jugement des autres.  Et tenter d’assourdir dans ma tête, la voix qui toujours me murmure que ce n’est pas assez bien, pas assez original et que je devrai faire mieux. NON je ne dois rien à personne ! Maintenant que je vois mieux les mécanismes à l’oeuvre qui sabotent mon esprit et ma créativité à coup de peurs et de jugements, je peux les regarder en face, les contrer par quelque affirmation positive et percevoir l’irritation que ça provoque chez moi, mais en conscience.  Chaque pas compte, chaque moment de doute est minutieusement observé et puis accepté avant d’être contré en douceur, j’ai appris à mieux me parler, à mieux m’aimer et doucement je m’apprivoise.

Une beauté

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Renoncer à la lutte

Il y a plus d’un mois que je n’ai pas publié et c’est sans aucune culpabilité que je reviens témoigner de ces temps incertains, transitoires, et des avancées en crabe de ma quête personnelle.  Je rappelle que je n’ai rien promis ni à vous ni à moi concernant la fréquence de publication sur ce blog qui se veut avant tout le récit de ma libération.

Ce chemin passe par beaucoup de questionnements et de doutes, par une volonté de compréhension de moi-même qui ne semble jamais assouvie.  J’ai aussi découvert qu’il y avait sous la surface, sous ma peau, dans mon corps de nombreux points de blocage.  Ceux là ne peuvent pas s’émouvoir à la lecture d’un livre, ni même de la compréhension d’un nouveau concept. Me voilà donc partie dans une introspection sensitive à tenter de retrouver ce qui a longtemps été nié.

Retrouver le plaisir simple de se faire porter par l’eau douce et chaude de la mer, le corps ouvert en étoile, les yeux fermés, pendant de longues minutes, parcourir des kilomètres au rythme du roulis des vagues et se retrouver projetée sur le sable chaud. Le corps alourdi soudain par la pesanteur et puis repris par la mer dans un mouvement d’accueil et de rejet sans fin.

Illustrations Pina Baush « café Müller » ainsi que le film « Pina » de Wim Wenders et « rêves dansants » à voir absolument.

cafe-mullerBaudelaire disait qu’il faut « guérir le corps par l’âme et l’âme par le corps », cette dichotomie qui m’a toujours obsédée ne résonne plus pareil à mes oreilles.  L’autre phrase qui m’a accompagnée toutes ces années, c’est la citation de Descartes que se répétait ma prof de philo pendant les longues semaines de coma qu’elle a traversé. Tous les os de son corps avaient été brisés  dans un accident et les médecins refusaient de parier sur sa survie. Elle s’accrochait à cette phrase : « l’âme n’est pas logée dans le corps comme un pilote en son navire ».  J’ai tenté en vain de séparer l’esprit du corps en me méprenant sur le sens de ces phrases. Je voyais deux entités séparées, le corps n’était qu’une machine, certes sophistiquée, mais qu’il fallait contraindre à la puissance de la pensée.  Si j’en suis venue à croire cela, c’est sans doute parce qu’enfant, j’ai tous simplement décidé de délaisser mon corps, de l’affamer, lui intimant l’ordre de se faire tout petit, de prendre le moins de place possible.  J’ai rentré mes épaules vers l’intérieur, courbé la tête, coupé mes cheveux  et vérifié que rien ne dépasse.  Rien de tangible qui pourrait m’apparenter à  ces corps adultes, adipeux et charnus exultants d’humeurs. Je voulais disparaitre, devenir ectoplasme pour n’être plus que des mots.

Le Yoga a été un premier pas vers ma réincorporation. J’aime cette pratique douce de l’attention tournée vers l’intérieur.   Cette manière de bouger, de ressentir les vibrations énergétiques. Au début ce ne sont que des picotements et le bien être ne dure pas.  Mais en regagnant du terrain sur l’ankylosement de mon corps, c’est aussi une nouvelle porte qui s’est ouverte dans mon cerveau. Ce travail ne se fait pas sans résistance et d’ailleurs je trouve curieux de résister autant au changement et à moi même. Cette posture de résistance (en d’autre temps si glorieuse) m’a usée, épuisée et depuis peu j’abandonne la lutte.  Je laisse faire la pesanteur, je me laisse traverser par des émotions longtemps refoulées, j’accepte même ma peur et ma douleur.  Je reviens à ce qui m’est essentiel, mon identité, non pas celle que j’ai construit socialement et dont l’ironie mordante masquait un profond malaise, mais mon identité en tant qu’être.  Je découvre des niveaux de conscience subtils, différents qui me permettent de m’exprimer librement.  Peu à peu je recolle les morceaux entre mon âme et mon corps pour me construire en tant qu’ ÊTRE.

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La fluidité dans l’écriture ne viendra pas d’une contrainte de l’esprit, mais bien d’une disposition du corps à laisser libre cours à la pensée, à ne pas l’entraver de ses douleurs et au contraire à la nourrir de ses émotions et sensations. L’intensité de certains moments que je vis est indescriptible. Comme la première fois que je me suis retrouvée sous une pluie drue avec mes cheveux courts, j’avais 15 ans, l’eau ruisselait sur mon crâne et je n’avais jamais ressenti cela avant (bien protégée par une tignasse longue) j’ai découvert ces petites chatouilles des gouttes d’eaux qui s’écoulent le long de mon occiput. Comme une soupe de nouilles froide qui vous tomberait sur la tête. J’ai ressenti ça un soir, après avoir passé une journée étonnante d’expression et de partage… Une journée où j’avais repoussé mes peurs et connu des sensations nouvelles. Je riais, seule, sous la pluie et me suis alors sentie libre d’exister pour moi, pour ces sensations si précieuses que j’avais recueillies. En libérant mon corps, mon esprit s’aiguise et c’est une foule de souvenirs enfouis, doux amers,  qui me remontent dans la gorge, ils se libèrent dans un sanglot, un frisson où un sourire.

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Retrouver la liberté

Après deux semaines d’écriture sous la contrainte.  Qui ont été productives, mais au prix d’une lutte acharnée contre moi même.  Je n’ai pas réussit à (re) trouver le plaisir d’écrire, la fluidité et la surprise de voir se déployer mon histoire et mes mots, librement.  J’ai réussit à écrire, mais sans que jamais la petite lumière du plaisir et de l’amusement ne s’allume.  J’ai même délaissé toute forme de jeu dans mon écriture, conférant aux mots leur sens premier, sans me permettre de disgressions, d’envolées lyriques, à peine une petite métaphore. Considérant que j’écris sur le thème « comment se rendre libre ? »  je me suis dit qu’il y avait un problème.

Le résultat de ces deux semaines et néanmoins intéressant.  J’ai écrit environ 25 pages, expérimenté avec des techniques alternatives et j’ai lutté de plus en plus jusqu’à me retrouver bloquée à la fin de mon acte 1.   Malgré mes tentatives pour forcer le passage dans l’acte 2 ce dernier me résiste et pour cause, si l’on suit le modèle de Blake Snyder, c’est la phase « Amusement et jeux ».  Or je suis loin de m’amuser et je ne trouve pas le jeu.

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J’ai donc décidé aujourd’hui de prendre un peu de distance, de m’offrir la Liberté retrouvée. Il y a eu des signes, comme cet article d’Anaël et puis les mots de L. (son coaching à distance à base de photos de tarentules) et enfin j’ai retrouvé mon livre de Julia Cameron Libérez votre Créativité.  L’année dernière j’avais commencé à suivre son programme de reconnexion avec mon artiste intérieur et j’avais dévissé à la semaine 2… Cette fois je compte aller un peu plus loin d’autant plus qu’un an après les mots de Julia Cameron résonnent différemment en moi.  Il faut croire que j’ai changé. Beaucoup d’éléments qui me dérangaient dans ce livre, notamment toute la dimension spirituelle sur notre Dieu intérieur, ne me choquent plus.  Je relis les lignes que j’avais soulignées avec la nette impression de mieux les comprendre et même de les avoir expérimentées.

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Je n’abandonne pas mon projet de roman (loin de là).  Mais j’ai maintenant conscience de ce qui me manque pour  l’écrire.  J’ai besoin de faire plus de recherches concrètes sur l’univers et la période, pour nourrir mon écriture. J’ai trop axé mes recherches sur l’aspect personnel et il me manque beaucoup d’éléments de contexte, j’ai d’ailleurs révisé pas mal de mes cours d’histoire.   Et puis j’ai besoin de trouver en moi la liberté dont je veux parler.  C’est aussi bête que ça.  Je pensais qu’écrire ce roman me permettrait de me libérer (artistiquement parlant) en fait c’est l’inverse.  Je ne pourrais l’écrire que quand je me serais libérée de mes croyances négatives, de mes peurs, du poids de ce passé trop présent. Ce processus est une vague, une respiration, et il faut l’accepter tel qu’il est.  Je suis contente d’avoir abandonné la lutte, ça me redonnerait presque l’envie d’écrire.

 

 

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Papier Addict

En ce moment j’écris principalement sur ordinateur, efficacité oblige.  Mais j’aime beaucoup écrire sur des carnets, des cahiers,  oui j’aime le papier.  J’aime envoyer des lettres et en recevoir.  La surprise quand on ouvre la boite aux lettres de voir notre nom écrit à la main. Le choix du papier, de l’enveloppe, du timbre même parfois.  C’est un poncif depuis l’avènement du téléphone portable, des mails, des messageries instantanées, nous ne recevons par la poste que des factures, d’éventuelles fiches de paye et autres incentives administratives.   Quand avez vous reçu pour la dernière fois une lettre écrire à la main ? Décacheter l’enveloppe, toucher le papier choisis, lire les doutes, les ratures, les mots formés par l’aléatoire de la graphie.  Personnellement j’ai échangé pendant mon adolescence des nombreuses lettres avec mes amies, même si on se voyait tous les jours au collège, on s’écrivait des mots.  J’ai tout gardé.

DSC03044J’aime le papier !

C’est pourquoi je soutiens les initiatives de ceux qui tentent de redonner tout son sens aux correspondances.

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Comme Laurent Champoussin, photographe, qui propose un abonnement « de la correspondance » pour recevoir tout au long d’une année, un carnet de bord photographique et quelques mots écrits au gré de ses pérégrinations. Avec tout le soin et l’inventivité que Laurent porte à ses projets, jusque dans les plus petits détails.

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Je salue aussi  l’idée de ces deux designeuses graphique bordelaise de faire revivre un ancien procédé typographique le « Letterpress » sur une machine Heidelberg de 1947 dans leur atelier Riverside Press situé en plein coeur de Bordeaux.  Je me suis d’ailleurs offert quelques cartes postales que je vous propose de  recevoir à votre tour, un début de correspondance entre vous et moi.

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Autre trouvaille locale, les monographies d’illustrateurs sous forme de cartes postales éditées par l’assocation n’a qu’un oeil.

Laissez moi un message avec votre adresse pour recevoir une petite carte !

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Dans le vif du sujet

Il y a des mois que je me prépare à renouer avec l’écriture et cette idée me réjouit à peu près autant qu’elle me terrifie. J’ai du me faire aider par un coach (et un ami), Denis Tison. Après les premiers blocages levés, je me suis dit, ça va rouler, je vais enfin revenir à l’écriture aussi naturellement que ça l’a toujours été pour moi.  En réalité, les années à juger le travail des autres et à engranger du savoir théorique sur la dramaturgie m’ont fait perdre ce lien simple et intime à moi-même et à l’évocation des sentiments et des émotions. J’ai perdu en lyrisme ce que j’ai gagné en structure. Je cherche à construire, à édifier, à verrouiller tout ce que je peux par des lectures, du savoir, une confirmation que je fais bien ce qu’on attend de moi. Là encore j’obéis aux règles ! La transgression restant pour moi un très long chemin à parcourir, vers un peu plus de liberté. Quelque part je ne me fais pas confiance, je ne me laisse pas la liberté nécessaire  pour créer. J’ai peur de ce qui pourrait en sortir, peur de ne pas avoir assez de matière et d’énergie brute au fond de moi pour écrire cette histoire.  Ce roman sur l’histoire de mon arrière grand-mère, qui me tient tant à coeur et qui m’apporte depuis des mois beaucoup de force, d’envie et d’énergie, vais-je réussir le mener à bien ? En réalité, je devrait plutôt travailler sur le mener à mal, le malmener *, car je sens que c’est en sortant des attendus (ceux des autres, et les miens) que j’arriverai à lui donner son sens. Le travail d’écriture n’est pas à un paradoxe près et c’est ce qui me plait tant dans ce labyrinthe de Pan*.

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Le sens de cette histoire que je croyais porter au fond de moi, qui me semblait clair, une évidence absolue.  Ce sens m’a échappé toute la semaine.

*** Première semaine ***

J’ai prévu cet été un mois d’écriture sur ce projet. J’ai travaillé toute la semaine sous la contrainte, dans la souffrance et le doute.  J’ai construit avec patience et méthode.  J’ai déconstruit ce qui n’était pas en place.  Mais cet exercice s’est fait dans la lutte, j’ai beaucoup dormi, j’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup fuit.  Face à mon tableau en liège et à mes petites cartes, j’ai peiné à mettre en place les moments clé de l’histoire, certains ont naturellement trouvé le place, surtout au début, mais la fin de l’histoire, elle m’échappe toujours.  Curieusement, la fin je la connais, c’est la fin réelle de la vie d’Alice, elle s’est fait tuer.  Mais pourquoi ? Donner un sens à cette mort par la fiction est presque impossible.  Cette mort n’a aucun sens ! La réalité sur laquelle je me base est aberrante.  Comment donc la réorganiser, s’en libérer pour que la fin brutale de la vie d’Alice prenne enfin du sens ? Et quel sens ?  Je marche sur des oeufs, je ne veux pas me tromper, et j’avoue n’avoir pas encore trouvé.  C’est une fin fermée et une fin ouverte en même temps, pour l’instant c’est très flou.

La méthode du tableau et des cartes proposés par Blake Snyder dans son livre « Save the cat », m’a vraiment séduit dans la mesure où le travail semble être pré-mâché. Mais cette méthode exige une rigueur et une clarté de vue qui me font encore défaut sur ce projet.   J’avais établi un planning de travail pour la semaine et ce planning a quelque peu dérapé. Un après-midi passé à la plage m’a rappelé la nécessité de prendre de la distance, de la détente comme moyen de résoudre les problèmes. J’ai aussi compris qu’il me fallait limiter mes exigences, accepter que je n’écrirais pas un chef d’oeuvre du premier coup et en un mois (même un mois de travail acharné).  Néanmoins,  j’ai commencé à construire, les trois quarts de l’histoire, ce tableau me servira de guide dans l’étape suivante. Même si j’ai bien conscience de son incomplétude, libre à moi de le reprendre régulièrement au cours du travail.  Je sens confusément, que passer à la phase d’écriture proprement dite s’impose. Est-on jamais assez prêt pour cela ?

DSC03005J’ai l’impression de réapprendre à faire du vélo (Dieu sait -et mes parents aussi- à quel point cet apprentissage a été douloureux pour moi). En effet la théorie ne suffit pas à trouver l’équilibre.  Il ne suffit pas de penser sans fin : pied droit, pied gauche, pied droit, pied gauche, de tenir le guidon en regardant où on va. Moi j’ai lutté longtemps, incapable de gérer tous ces paramètres en même temps, parce que pour que ça roule, il faut surtout ne pas y penser, trouver la sensation d’équilibre et faire confiance aux automatismes du corps. Me voilà donc à nouveau sur mon vélo à 5 ans sur le parking désert d’un hypermarché Mammouth près de Nancy, je dois oublier les échecs passés, la peur de tomber, de ma faire mal, je dois y arriver, car mes parents me regardent hilares face à mon aptitude à foncer droit dans les chariots isolés qui parsèment le parking (à l’époque, les chariots n’étaient pas payant et pas aussi bien rangés). Je tente de me concentrer autant que je peux, pour ne pas me planter à nouveau, je souffle lentement, papa me pousse et puis c’est à moi « pied droit, pied gauche, ne pas y penser… hop »

  • Je lis d’ailleurs en ce moment un livre théorique salutaire (très ironique et anglo-saxon) How not to write a novel  de Howard Mittlemark & Sandra Newman
  • Les philosophes stoïciens identifiaient ce dieu avec l’Univers ou du moins avec la nature intelligente, féconde et créatrice.
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Livre mon ami

C‘est sans doute au contact des livres que j’ai ressenti le plus de connexion émotionnelle et sentimentale.  Le livre, quand il nous parle et trouve un écho en nous est comme une petite voix intime et douce.  C’est une reconnaissance, comme un autre nous même, qui saurait trouver les mots. Les livres nous parlent parfois et  à d’autre moments ils se taisent, ils font silence. J’ai souvent été frustrée de ne pas lire le livre parfait. Une histoire sur mesure pour me transporter, me faire rêver, c’est de ce manque qu’est venue tout d’abord mon envie d’écrire.  Je voulais écrire pour moi le livre que je ne trouvais pas.

Après avoir fait de la lecture mon métier, j’ai perdu ce lien privilégié avec les livres.  Je ne lisais plus par plaisir, mais par obligation, j’analysais tout. C’est devenu une activité à plein temps.  Depuis peu je retrouve ce contact privilégié avec les livres.  Je lis à nouveau pour le plaisir et j’ai trouvé dans certain des derniers livres que j’ai lu un écho à ma propre recherche et à mes questionnement d’auteur en devenir.

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Tout a commencé avec le livre de Jonathan Coe « La pluie avant qu’elle tombe ». Lecture commencée il y a des années, puis abandonnée et reprise cet hiver. Cette histoire dramatique qui se déroule sur 3 générations de femmes et déploie sous nos yeux la puissance de la tragédie, m’a énormément parlé.  C’est à la suite de cette lecture que j’ai décidé d’écrire sur mon arrière grand-mère.  Ce livre parle d’une transmission ratée, d’un abandon d’enfant et des séquelles laissés par une mère égoïste (elle même en souffrance vis à vis de sa famille) sur une enfant qui porte les stigmates de son hérédité.

UnknownJe savais qu’ensuite il me fallait lire le très beau livre de Delphine de Vigean « Rien ne s’oppose à la nuit ».  Ce livre a été un gros succès de librairie il y a quelques années et j’avais toujours été intriguée par la photo de couverture, cette femme mystérieuse et belle en noir et blanc qui fume le regard au loin, un demi sourire flottant sur ses lèvres.  Je savais que l’auteur racontait l’histoire tragique de sa mère, mais je ne savais pas qu’une grande partie du roman était un exercice de réflexion et d’auto-analyse sur la façon dont elle a écrit cette histoire.  Cet exercice d’auto-fiction, m’a presque plus passionnée que la vie de sa mère. J’y trouvais un questionnement sur la démarche et la méthode qui fait écho au mien.  La force des deux niveaux de récit  combinés, et surtout l’écriture tenue,  toujours simple et juste de Delphine de Vigean m’ont touchée.  En lisant la fin du livre, j’ai pleuré, j’étais dans un train et l’émotion m’a submergée.  Pourtant je savais ce qui se passait à la fin, cette fin n’a rien d’inattendu. C’est le choix des mots, la force du point de vue et la justesse de ces lignes qui m’a bouleversée.

Enfin, j’ai repris la lecture du journal de Virginia Woolf, espérant que ce gros pavé m’accompagne un moment dans mon processus d’écriture.  Virginia Woolf est l’un de mes auteurs préféré, le personnage, le style, l’époque… Son journal commence en Janvier 1915, il a presque 100 ans.  Pourtant sa parole est d’une grande modernité, d’une liberté infinie et je découvre avec autant d’intérêt que de joie son quotidien de femme écrivain.  J’espère pouvoir reproduire parfois ici quelques trouvailles où citations issues de cette lecture.

J’ai  écrit toute la matinée avec un plaisir infini, ce qui est curieux, car je n’oublie jamais qu’il n’y a aucune raison pour que je sois contente de ce que j’écris, et que dans six semaines, ou six jours, je le trouverai détestable.

La phrase du jour est daté du Mercredi 6 Janvier 1915 et révèle les affres des jugements que l’on porte sur soi même et sur son travail, ainsi que les doutes et les brusques changement d’humeurs, propres à la personnalité de Virginia Woolf (elle fera mi Février une nouvelle incursion dans la folie et s’en suivra une longue dépression).

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