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Mauvais goût

La question du goût -et notamment du bon goût- se retrouve dans tous les domaines que je touche du doigt ou du bout de la langue.  Or j’ai vécu la semaine dernière une expérience inédite qui m’a quelque peu fait réfléchir.  J’ai été invitée à une dégustation de vins, par un journaliste émérite de Terre de Vins qui me fait régulièrement rêver et voyager virtuellement des papilles grâce aux réseaux sociaux.  J’avoue être amatrice de vins, surtout depuis mon retour à Bordeaux où j’ai très vite compris que si je voulais  nouer des relations il allait me falloir jouer du tire bouchon et du couteau à huîtres.  Bref je n’y connait rien, mais j’aime bien !

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Me voici donc embarquée sur une péniche à quai, judicieusement nommée « la balle au bond », comme cette invitation que j’ai acceptée sans trop savoir dans quelle galère je m’engageais.  Arrivée à bord, on m’a donné mon paquetage : un  verre Riedel et  un dossier de presse conséquent sur la vingtaine de vins présentés.  Après un bref discours, je retrouve mon initiateur  qui m’indique la marche à suivre. D’abord regarder, puis sentir et enfin goûter, mais attention il faut cracher.  Le crachoir est un ustensile assez barbare que  je trouve peu féminin, je ne sais pas pourquoi,  donc je rechigne un peu au début à l’utiliser.  Mais devant l’ampleur de la tâche et après un petit rappel sur l’importance de la rétro-olfaction, je finis par glavioter après chaque gorgée.

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Puis vient la première question : « tu en penses quoi ? »  Cette question qu’on entend après les films au cinéma, au cours d’un repas, après l’amour parfois… C’est une question qui fait basculer dans le jugement, finis le ressenti, la sensation doit trouver son exutoire en mots choisis. Dès qu’il faut donner son avis, on  dévoile à la fois ses goûts, mais aussi sa culture, ses connaissances et lacunes. Donner son avis dit tout de nous. J’en sais quelque chose, c’est mon métier. Je répond ce qui me passe par la tête, en essayant de ne pas trop me mouiller, mais c’est jamais facile sur un bateau.  J’ai l’impression de décevoir, qu’on lit en moi mon manque de connaissance, mon inculture et mon goût parfois douteux.  Ma réponse n’est sans doute pas aussi élégante, ni élaborée que je l’aimerai.  Mais il faut bien en passer par là, la culture, le goût, ne viennent qu’en pratiquant, en je jetant à l’eau,  en élaborant des jugements que l’on révise ensuite, une fois qu’on a appris. Le mauvais goût c’est sans conteste l’école de l’humilité, car nos croyances sont sans cesse questionnées par le bon goût des autres.

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J’ai ensuite retrouvé un ami de longue date, qui revenait d’un voyage initiatique au Pérou.  Cette quête chamanique à base d’Ayahuasca et d’autres plantes locales réputées pour leurs vertus thérapeutiques et hallucinogènes, ont amené mon ami aux confins du confort physique.  De ce qu’il m’en a raconté, c’est après avoir vomi la décoction de plantes ingurgitées que cette dernière fait effet.  Le temps d’attente, de malaise et de profonde détresse corporelle avant d’atteindre ces  moments de plénitude, de  compréhension et de contact avec la plante, sont perçus par certains comme un mal nécessaire.  Comme si il fallait se purger de certaines énergies négatives avant d’atteindre l’illumination.

DSC02591J’ai pris récemment conscience à la lumière de ces expériences que toute forme « d’expression » est bonne à prendre.  Les mots ne sont que l’expression de notre cerveau, mais le corps s’exprime avec plus de force et souvent par des moyens considérées moins élégants.  Au delà du bon goût, il a nos  affects, notre histoire qui fait que l’on préfère la douceur à l’acidité, que l’on est plus sensible aux tanins, au poivré, qu’une odeur nous évoque un souvenir et d’autres nous échappent, car elles n’ont pas été fixées avec la même force émotionnelle dans notre mémoire.

Les mots sont souvent un palliatif, un moyen de tourner autour du pot, par périphrases, on évite ainsi la gène de s’exposer directement à la critique et au jugement.  J’ai  depuis peu des flashs où je me met à crier, sans raison apparente, si ce n’est exprimer ce qui est resté trop longtemps contenu. Ce cri primal, que je m’autorise à peine à évoquer, retentit dans mes rêves, dans mes méditations au yoga, sans que je comprenne pourquoi.  Je crois que j’ai quelque chose à dire et un furieux besoin de me faire entendre.

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En mille morceaux

Parfois quelque chose se brise en nous. C’est peut-être qu’on fend l’armure, que la mue s’amorce, mais la première impression c’est la douleur.  Et puis cette sensation d’incomplétude, de déséquilibre, de vide.  Il faut se rassembler, compter les pièces restantes pour former un tout à nouveau.  Se retrouver malgré les fissures, les crevasses, les fêlures.

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Mon coeur ressemble à cette assiette retrouvée éclatée au four. Son contenu répandu un peu partout.  J’ai entendu le clac et je n’ai rien pu faire.  Oubliez la superglue car les petits éclats perdus en font à jamais une assiette fêlée, un objet inutile. Un rebut de plus.  Comment ne pas évoquer Charles Baudelaire et sa Cloche Fêlée.

Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume,

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente !

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts

Si j’ai choisi Baudelaire, j’aurai tout aussi bien pu évoquer James Frey et  A Million Little Pieces.  Une lecture encore en cours (depuis des mois) tant la violence de ce livre m’a bouleversée.  Obligée de le refermer parfois pour reprendre mon souffle, pour m’échapper de l’enfer de la désintox que décrit James Frey.  Je trouve ridicule la polémique sur la vérité (ou non) des faits décrits dans ce livre.  Peu m’importe que James Frey ait réellement vécu ce qu’il décrit, je ne doute pas  à le lire de sa sincérité en tant qu’auteur et de sa roublardise. Mais ne sommes nous pas tous contraints à de tels mensonges ?  On se les raconte d’abord pour nous même et puis on ment aux autres  et puis on les écrit et la force du réçit donne une qualité autre que le réalisme pur.  C’est la puissance d’évocation des mots, des images, des idées qui fait la qualité d’un auteur.  Pas le fait qu’il ait vécu ce qu’il raconte, sinon on reste dans une culture du témoignage, du simple voyeurisme jamais transcendé par l’art.

Je reviendrai sans doute explorer  le sujet du rapport entre vérité et invention dans l’écriture. Car cette question me préoccupe au quotidien et je n’ai pas encore trouvé de réponse à cette épineuse question.  J’ai l’impression que de la matière réelle peut émerger la fiction, mais cette fiction ne peut que trahir la réalité. Reste alors à être sincère avec soi-même dans sa trahison.

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Changer d’air

Le processus d’écriture est complexe et chacun l’apprivoise à sa façon.  J’aime être chez moi, travailler dans mon cocon, mais parfois un changement de décor, de rythme, d’environnement est propice au travail et à la réflexion.   Quand mon amie S. m’a proposé d’aller m’installer dans sa maison de vacances en Bretagne, je me suis dit que ce serait l’occasion de travailler au calme.

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Le départ ne s’est pas fait sans peine, j’ai eu du mal à quitter mon chez moi, mes chats et ma poule… J’avais peur de  l’inconnu, peur de m’ennuyer, de me sentir seule, peur de ne pas être assez forte pour assumer  mon envie d’écrire et mon besoin de calme.

Quitter mon quotidien, me retrouver face à moi même et surtout face à la mer (en l’occurence l’Océan) m’a semblé pendant un moment une épreuve insurmontable.  Mais j’avais tout organisé pour partir sereine et maintenant que j’étais au pied du mur, il fallait que j’assume cette envie d’ailleurs.

Je me suis  installée sur la presqu’île de Rhuys pour 10 jours avec la volonté de travailler tous les jours, mais aussi de profiter de la nature, de l’océan, du soleil, bref d’ouvrir une porte sur un nouvel univers.   Le cadre était idéal, le calme parfait, j’ai tenu le planning de travail que je m’étais imposée (4 heures d’écriture par jour).  Le reste du temps, j’ai fais de longue ballades à pied qui m’ont permis de réfléchir avec mes membres antérieurs et de laisser ma tête ouverte aux vents d’ouest, mes yeux jamais lassés du spectacle changeant offert par la côte du Morbihan.DSC02170

J’ai écrit, exilée volontaire, j’ai trimé sans difficultés, mais sans parvenir à trouver non plus cette sensation de fluidité, quand le travail nous absorbe tout entier et qu’on en oublie le temps.  J’ai lutté contre moi même, contre mon envie de faire autre chose, de m’échapper de cette contrainte si particulière qui consiste à réfléchir au quotidien à ce que l’on veut dire et à comment le dire.

J’ai utilisé les outils développés cette années pour l’atelier d’écriture. J’ai même envisagé d’en créer de nouveaux au fur et à mesure de l’avancée de mon projet de roman, qui seront à leur tour partagés avec d’autres auteurs en devenir.

Se libérer de ses chaînes n’est pas si facile.  Se libérer de ses propres pensées limitantes « Je ne suis pas un auteur », « Qui va me lire et me comprendre »,  « Si je n’étais pas aussi douée que je le souhaite ». Se libérer aussi des attentes des autres, de leur jugement.  Se sentir libre et retrouver des mots anciens, des vers oubliés… Ceux de ce sonnet de Pierre Marbeuf.

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Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

 

Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

 

La mère de l’amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,
Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

 

Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

Se dire que finalement on échoue jamais  vraiment, on est parfois simplement en cale sèche, en train d’attendre la Grande Marée à écouter du Miossec pour ne pas oublier que toutes ces larmes versées ne le seront pas en vain.

DSC02182En route Matelots !

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Se découvrir Frères

Parfois nos proches sont tout simplement les gens avec lesquels on arrive le moins à parler…  J’ai souvent cette impression avec ma famille et depuis toujours je ressens beaucoup d’incompréhension envers mon frère.  Cet être étrange dont j’ai partagé les jeux, l’éducation, sans doute une partie des gènes, mais au final, j’ai toujours ressenti l’altérité.  Mon frère est l’Autre, celui que je ne comprend pas. J’ai mis du temps à réviser ce jugement sans doute hâtif, emporté comme une colère d’enfance.  Le mot frère, m’a toujours été étranger, j’avais l’impression de ne pas ressentir ce qu’il faudrait envers lui. D’avoir, à la place de l’élan du coeur, une simple incompréhension muée en indifférence.

Aujourd’hui après des années d’indifférence, et des kilomètres de distance, je suis revenue  vivre dans la même ville que lui, avec dans l’idée de tenter de reconnecter où du moins d’apprendre à le connaitre mieux.  Or mon frère semble comme moi souffrir de cette capacité de déconnection et de mise à distance envers les évènements  et les gens.  Je sais qu’il a longtemps souffert de mon indifférence à son égard.  Et je sens, sans un mot, à quel point il tient à moi malgré tout.   Comme moi il semble s’être blindé derrière une solide carapace qu’il n’est pas aisé de briser. On aura beau nous faire craquer au casse noix, mon frère et moi resterons des crustacés de premier choix.  On préfèrerait bouillir dans notre coquille plutôt que d’accepter de montrer nos chairs à vif à quiconque.

Par moment (mais rarement) il y a comme une faille, il accepte de me dire qui il est avec sincérité. Je découvre alors notre incroyable proximité.  Incroyable surtout pour moi qui ait toujours pensé que nous étions différents au dehors comme au dedans.  Ces moments de fulgurante révélation me bouleversent à chaque fois, je voudrais qu’il y en ait plus et en même temps la violence émotionnelle qu’ils libèrent en moi serait difficilement supportable au quotidien.  Alors on revient à nos petits mensonges, on dit que « ça va » quand ça ne vas pas, parce qu’on n’a pas vraiment appris à se parler autrement et encore moins à se faire confiance, suffisamment pour partager ce que l’on ressent.

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Je voudrais pouvoir lui dire que son amour tant rejeté me manque. Que tous les crustacés doivent muer et qu’on est pas obligés de porter ces carapaces pour nous protéger de l’autre.  Qu’il peut se confier, enlever son  armure, arrêter de jouer les durs.  Que je veux changer et  rajouter le mot Frère à mon vocabulaire, pour que lui puisse aussi avoir enfin une Soeur. Je sais que ce ne sont que des mots.  Les actes seuls comptent et nos retrouvailles prendront le temps qu’il faut. Le temps de se pardonner, de se retrouver, de se reconnaitre, toute une vie peut-être ?

 

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De la douleur

J‘ai eu beau m’en protéger, toujours suivre les consignes de sécurité, respecter les règles édictées et celles plus tacites, je ressens en moi une douleur sourde, profonde, ancienne.  Elle est tapie tout au fond de mon ventre, et parfois elle se réveille, me contractant de l’intérieur.  Si j’ai soigneusement évité toute prise de risques  et tout danger, c’est pour ne jamais souffrir.  Et me voilà parfois pliée en deux, au bord de l’évanouissement appréhendant le prochain spasme dans mes entrailles.  Parfois elle remonte le long de ma colonne vertébrale et vient se loger dans ma nuque.  Brisant de fait un peu plus les relations entre ma tête et le reste de mon corps.  Parfois elle reste dans le plexus solaire et ma respiration oppressée me retourne les côtes vers l’intérieur comme des piques à l’assaut des poumons et du coeur.

Cette souffrance, je me l’inflige en croyant me protéger des dangers du monde extérieur.  En évitant de vivre certaines expériences, de me confronter à la réalité et au regards des autres, en fuyant toute situation inconfortable, je retourne contre moi le mal. Aujourd’hui il faut que j’apprenne à lutter, mais c’est contre moi même que je dois me battre.  Je suis restée si longtemps paralysée par la peur, avec dans l’idée que « ça va passer ».  Et puis ça ne passe pas, voir même ça sent-pire ! J’utilise ce mot valise à dessein, car mon corps a trouvé un moyen subtil, volatil de s’exprimer malgré moi.  Je transpire d’un malaise malodorant, en gros je pue l’angoisse. Expressions, sécrétions, exécration de mon corps exhultant et de ses fluides qui par tous les pores envoyent ce message simple : j’ai peur.Les-mots-pour-le-dire

La trouille grandit loin de la lumière et des mots, dans les recoins sombres dans l’ombre de l’inconscient.  Plus elle est tue et plus elle me tue.  Plus je l’évite et plus elle est invalidante, plus elle se reproduit dans des situations de plus en plus gênantes.  C’est comme un cri du corps qui  refuse de rester muet, emmuré.  C’est un mal insidieux qui peu à peu m’a conduit à réduire les situations sociales stressantes, à abandonner la lutte pour privilégier la fuite et le non-dit.  Oser en parler ici me paralyse, je m’en veut d’étaler mes vicères sous vos yeux, mais c’est je crois le chemin pour pouvoir ensuite parler d’autre chose.  Autant commencer par quelque trivialité.

A relire Sur le même sujet, j’ai été très touchée il y a des années à la lecture du livre de Marie Cardinale « les mots pour le dire ». Enfin quelque chose d’aussi intime et trivial que le sang des règles était au centre d’un roman. C’est sa lutte constante contre son corps et sa découverte du lien entre ses souffrances actuelles et son passé qui m’ont le plus bouleversée.

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Raisonner & résonner

Raisonner, c’est se trouver tout un tas d’excuses pour tout.  C’est se regarder, se juger, évaluer les situations selon des critères extérieurs, sociaux, moraux. C’est accepter la contrainte de la logique, c’est penser au paraitre avant l’être.  La raison, c’est mon surmoi qui me parle, qui m’observe et qui me juge. Raisonner ou ratiociner, compter, calculer, tout ce qui procède de la raison nous précède, nous sommes emmurés dans le cogito de Descartes.

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Kiki de Montparnasse en Violon d’Ingres

Résonner, c’est entrer en vibration.  Cette onde sonore, colorée ou émotionnelle se transmet et fait de nous  le réceptacle et l’instrument. Nous sommes la corde sensible qui frémis sous l’archet et dont les vibration nous ressortent par les ouïes.  On devient un Stradivarius, vibrant de l’émotion que l’on reçoit.  Résonner est un mot qui me touche en ce moment, mais j’ai du mal à en parler et à trouver les termes qui conviennent.

Entrer en résonnance, c’est faire correspondre sa propre voix à une autre, c’est l’idée d’un dialogue, d’une harmonie fugace et délicate. C’est cette expérience de l’altérité parfois dissonante et assourdissante qui m’angoisse. L’accord parfait n’existe pas, il faudra donc composer avec les couacs et apprendre à jouer juste peu à peu.

  L’harmonie c’est du travail au quotidien.

 

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L’illusion germano-pratine

Samedi dernier je me suis rendue dans une grande zone industrielle comme il en existe en périphérie de toutes les villes et j’ai passé les portes d’un de ces supermarchés de la culture, du loisir créatif et de l’art récréatif.  Là en plein milieu il y avait deux petites tables à quelques mètres de distance l’une de l’autre et échoués chacun sur leur ilot sous des grandes bannières au nom de l’enseigne culturelle, il y avait deux écrivains, une femme et un homme. Tous deux avec une pile de leurs livres respectifs à côté d’eux et personne ne s’arrêtait pour leur parler.  C’était des écrivains au travail, dans ce moment qui suit la création d’une oeuvre où l’on croit que le plus dur est passé et pourtant… Il reste la promo !

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La promo d’un livre peut prendre plusieurs formes. Si l’auteur est très connu ou alors dans l’air du temps, il passera au Grand journal, à la Grande Libraire ou sur un plateau d’émission de divertissement ou au 13 h de France 2.  Peut-être qu’on en parlera sur France Culture ou sur France Inter, peut-être même aura-t-il la chance de se faire critiquer par le Masque et la Plume et puis il y a les journaux, les articles, des citations, les bonne feuilles, les extraits, les blogs. Mais la rencontre d’un auteur avec son public, entendre directement les mots de ces derniers, voir leurs yeux briller à l’évocation de tel livre, de tel passage. Signer  avec son plus beau stylo, écrire quelques mots, sur la page blanche au début de son propre livre édité, enfin.  Ca doit être et de loin le plus grand bonheur d’un écrivain qui a travaillé dans l’ombre et dans la solitude des années durant.  Or ce summum de la vie d’écrivain, m’est apparu dans toute son angoissante vacuité.

Les+tribulations+d'une+caissiere

Les auteurs attendaient, chacun à sa petite table que les clients pressés de consommer de la culture daignent s’intéresser à eux.  Où mieux qu’une personne entre et vienne directement à leur petite table les tirer de leur solitaire traversée du samedi après-midi de dédicace.  Or l’attente peut-être longue et il faut bien s’occuper.  La femme d’une cinquantaine d’années, l’air d’une prof d’anglais un peu hirsute semblait absordée dans la lecture d’un livre à la couverture sombre, un polar, peut-être même le sien ? L’homme d’un certain âge également vérifiait avec attention l’alignement des piles de livres en attente d’être dédicacés.  J’imagine qu’une fois le fonctionnement du stylo vérifié, la fermeture de sa braguette,  les liens de ses souliers, le col de sa chemise, ses boutons de manchette et la mèche  bien plaquée, il ne lui restait plus grand chose à faire. Quand je suis repassée il semblait somnoler  ou bien contemplait il le plafond ? Basculé en arrière sur sa chaise.

J’avoue n’avoir pas trouvé le courage d’aller leur parler, de les tirer de leur ennuyeuse torpeur.  Je l’avoue, j’avais peur.  Peur qu’ils me vendent leur livre que je me sente obligée de repartir avec ce pavés d’au moins 600 pages, fruit de leur dur labeur d’auteur. Et qu’avais-je moi à leur dire ?  « Bonjour je ne vous connais pas, mais vous semblez être un auteur en vrai et en perdition.  Je peux vous aider, m’intéresser ? » Non  j’ai fais comme les autres clients, traversé le magasin, j’ai fais mes menus achats et sur le chemin de retour, j’ai remarqué une autre table un peu plus excentrée, moins visible depuis l’entrée, une table avec un autre auteur présent pour dédicacer son oeuvre. Et là surprise il y avait devant lui une petite file de personnes qui se formait. Des lecteurs avides, trépignants, serrant leur exemplaire fébrilement avant de pouvoir le rencontrer et lui glisser quelques mots.  Auteur populaire, mais néanmoins décalé, j’étais au rayon BD !

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Lâcher prise et « what if » fiction

Dans notre société de compétition et d’apparence, le lâcher prise et l’acceptation sont des notions dépréciatives. Seuls les faibles abandonnent sans se battre. Nous voulons toujours gagner de haute lutte et principalement contre nous même. C’est la violence, la contrainte et la tyrannie qui font loi.  J’ai pourtant découvert avec le yoga la puissance du lâcher prise et la force extraordinaire qui se développe dans l’abandon. Quand au lieu de se contraindre on se laisse aller en douceur aux règles de l’attraction terrestre par exemple.  Certaines postures vont beaucoup plus loin quand on les travaille dans le relâchement. On sent alors à quel point nos tensions, nos exigences et notre maintien pèsent sur notre corps.

928La puissance du lâcher prise reste ignorée dans notre culture occidentale, la nature doit être contrainte, rééduquée car elle est fondamentalement mauvaise.  Nous vivons encore dans des croyances anciennes issues des heures sombres du catholicisme que nous soyons croyants ou pas, ces idées nous baignent.

Et si…

Lâcher prise, c’est aussi accepter qu’il n’y a que l’instant présent qui compte. Le contrôle que j’exerce sans fin n’est pas un contrôle du présent qui par définition me file dans les mains.  C’est un contrôle du futur.

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Si je parle aujourd’hui de lâcher prise, c’est que j’en connait un rayon sur l’auto-contrôle et l’auto-surveillance. Depuis peu, j’ai découvert que travailler mon lâcher prise consiste principalement à éviter de me raconter des histoires, à ne plus inventer les  situations possibles à l’infini si je fais celà ou ceci.  Il est très difficile pour moi de ne pas imaginer l’univers des possibles, d’arrêter de me raconter des histoires sur ce qui pourrait ou devrait se passer.  Le but est d’arrêter de se projeter dans le futur pour vivre au présent.

Pour lâcher prise, il faut être bienveillant envers soi-même,  l’occasion de se rendre compte que la plupart des éléments fonctionnent en homéostasie, et que tenter de tout contrôler est épuisant. Aussi rassurant qu’angoissant ! Ce contrôle, loin de nous protéger comme on aime à le croire, nous oblige à lutter sans cesse contre nous même à nous épuiser, il nous fait perdre de vue notre nature profonde.  Je ne sais pas ni la nature de l’homme est bonne ou mauvaise, loin de moi l’idée d’en juger, mais je sais que vivre en accord avec soi même est infiniment plus léger.

Lâcher prise pour moi c’est raconter toutes les histoires sur papier pour éviter que leur présence opressante ne parasite mon quotidien, comme ça a été le cas pendant longtemps.

Un exercice quotidien

Le lâcher prise ne se décide pas en un jour, il se travaille au quotidien, comme une gymnastique de la pensée, pour lutter contre l’hypercontrôle, rien de tel qu’une vigilance bienveillante, une observation sans jugement, la posture du yogi envers lui même quand il pratique ses exercices.

En pratique

Je commence par m’observer et relever les moments où je cherche à me contrôler ou à contrôler les autres,  je note les scénarios futurs que j’associe à ces actions.  La plupart de ces scénarios, ne se réalisent jamais, mais au cas où j’y ai pensé. Ainsi je conjure mes peurs, en les étalant un peu partout, et puis comme je n’ai jamais essayé de lâcher prise, comment savoir vraiment ce qui va arriver ? Cette surprise, cet inconnu, c’est ce qui m’effraye le plus.  J’essaye aussi de me libérer de la croyance : si je lâche prise à un moment, je vais rapidement perdre pied et ne plus rien contrôler.  Ma capacité de contrôle et d’intervention sur  ma vie n’est pas abrogée, je décide juste de ne pas intervenir et de voir ce qui arrive de temps en temps.

Comme l’exercice n’est pas évident pour les Control Freaks dans mon genre, il est recommandé de commencer à lâcher prise sur des petites choses,  pour ensuite essayer de faire le même travail avec un peu plus d’enjeu.

Aside

Help

Ani Castillo

Ani Castillo

Help, I need somebody
Help, not just anybody
Help, you know I need someone
Help!

When I was younger, so much younger than today
I never needed anybody’s help in any way
But now these days are gone I’m not so self-assured
Now I find I’ve changed my life and opened up the doors

Songwriters LENNON, JOHN / MCCARTNEY, PAUL

Published by Lyrics © Sony/ATV Music Publishing LLC

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Intuition

Ce weekend à l’atelier d’écriture, l’une des participantes qui est par ailleurs une experte en Feng Shui a pour la seconde fois fait mention de mes capacités intuitives. Cela m’a touchée car on m’a assez peu fait ce type de compliment. Pourtant j’utilise depuis longtemps l’intelligence intuitive sans parvenir à nommer ces impressions, correspondances, ces phrases que je dis sans y penser et qui touchent ceux qui les reçoivent parfois bien plus qu’ils en le laissent paraitre.   J’ai des dizaines de souvenirs d’utilisation de mon intuition, mais pour moi ce n’était rien de plus que des coïncidences ou au mieux, un peu de déduction logique.

J’ai grandi dans un univers ou  seule l’intelligence logique, mathématique et rationnelle était valorisée.  Chez moi il n’y a pas de mots pour qualifier la sphère de l’intuition, sa puissance est ignorée et longtemps je l’ai confondue avec ma volonté, croyant diriger ma vie, alors que j’ai suivi sans faillir mes émotions, mes sensations et qu’en cela j’ai souvent agit grâce à mon intuition.

Je me croyais irrationnelle, sans logique, contradictoire. J’étais en fait sensible, connecté et à l’écoute de mes intuitions.

Blast1C’est encore mon intuition qui ce soir m’a poussée à choisir ce dessin étrange qui résonnait avec la session du jour du Cercle de Rêves.  Un dessin qui s’est révélé issu du livre Blast de Manu Larcenet que je vais m’empresser de dévorer dans les prochains jours tant j’aime cet auteur. Je sais d’avance que ce livre va me parler et m’ouvrir de nouvelles correspondances mentales. Mon intuition est au final ce que j’ai de plus précieux, c’est ma boussole de vie, dans mes relations avec les autres, avec moi-même, dans les situations périlleuses et au quotidien. C’est ma prise directe avec le monde.

A suivre Si mon intuition m’incite à lire d’urgence ce livre, c’est sans doute que j’en ai besoin. Je reviendrais en parler après lecture.