Alors que le départ pour le Japon tant attendu approche, la panique me gagne et mes peurs anciennes reviennent. Je blâme la peur de l’avion, l’angoisse de laisser mon chez moi et mes chats, la peur de quitter mes proches et ceux que j’aime, en vérité je n’ai qu’une seule peur : celle de me retrouver face à moi-même. J’ai peur que ne me rattrape cette mauvaise image de moi, cette fragilité, cette incapacité… J’ai peur que mon corps ne m’abandonne, j’ai peur que la terre s’ouvre sous mes pieds, que le ciel me tombe sur la tête. J’en oublierai presque l’excitation et la joie qui sont tapis dans le creux de cette peur. L’excitation de la nouveauté, l’envie d’ouvrir et d’étendre un peu plus mon univers. La joie de savoir que tout est possible et que ce voyage m’a appelée, choisie, presque autant que je l’ai voulu moi.
C’est comme si je tentais de m’éprouver, de savoir si à des milliers de kilomètres de là je peux être moi. Je me souviens au Sénégal avoir eu l’étrange sensation de deux mondes distincts, deux univers parallèles, la force de la réalité du voyage, l’énergie et la vibration des couleurs, des êtres et de la terre qui les porte sont différents d’un endroit à l’autre. Je sais que la réalité très forte, lié à l’expérience d’un lieu nouveau peut atténuer la sensation nimbée de ce quotidien que l’on traverse tous les jours, nous faire oublier la vie convenue et bien réglée. Partir en voyage c’est aussi pour moi apprendre à apprécier ma vie telle qu’elle est, réaliser la chance qui est la mienne, arrêter pour un temps de me plaindre d’insatisfaction.
J’attends avec appréhension le glissement vers ce pays de mes rêves, j’attends d’accueillir les sensations, les goûts, les couleurs et de voir ce qu’ils vont réveiller en moi. Je sais que ce voyage de découverte sera en premier lieu, une découverte de moi même. Voyager c’est comme tomber amoureux et se retrouver confronté à l’altérité. C’est accepter son incomplétude et apprendre la joie de vivre, simplement. Je ne cherche que ça depuis des mois. Tout mon travail intérieur m’a amené à ce moment, ce lâcher prise ultime : quitter ma vie actuelle pour emprunter d’autres chemins et rencontrer d’autres personnes le temps de quelques semaines. J’oscille entre des craintes irrationnelles, anciennes, de vieilles blessures d’égo qui me disent que je ne peux pas le faire et l’envie nouvelle de me découvrir par tous les moyens.
J’ai longtemps repoussé l’idée du voyage me disant que ce n’est qu’une fuite et les vers de Baudelaire ne m’ont pas aidé à le voir autrement. Aujourd’hui, je sais qu’il est aussi un moyen ultime de présence à soi. Celui qu’on est une valise à la main face à l’inconnu n’est autre que notre moi enfantin pour lequel tout est découverte, apprentissage et jeu.
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !
Merci à Laurent Champoussin, dont les photos illustrent cet article, il sait à quel point certaines personnes ne s’ouvrent pas si facilement à l’oeil du photographe.
En fait tu es déjà en voyage avant même de partir. Ce temps fait aussi partie intégrante de l’aventure. Certains disent que c’est peut être le meilleur du voyage. Quoi qu’il en soit je suis sûre que tu sauras engranger un maximum de découvertes ,d’apprentissages ,d’inspirations que va t’offrir ce pays encore aujourd’hui riche de ses traditions et de son art millénaires . Bon voyage Caroline
Ma chère Caro, tu es prête pour ce grand voyage j’en suis sûre et tu sauras découvrir et te découvrir là bas comme tu le fais si bien ici. Tu as raison, le voyage est d’abord un voyage face à soi même. Profites en bien, ce n’est que du bonheur et de l’enrichissement.
Et bravo pour ce joli texte l’artiste !
Je t’embrasse et te souhaite un merveilleux voyage.
P.S : Ramène moi du Yuzu
C’est émouvant de lire tes appréhensions pré-voyage et tes désirs, tes attentes, et en parallèle de lire les récits de tes premiers pas japonais. Je me reconnais beaucoup dans tes mots: l’attirance vers un ailleurs où se découvrir autrement, la peur de se heurter à nos propres limites, le désir de sauter par-dessus comme un enfant qui trouve le courage d’enjamber une barrière… C’est effrayant et grisant à la fois.
Ton cheminement est inspirant, merci encore une fois de nous le partager!
Marion