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ITOU

Vous les avez remarquez ces hastags qui fleurissent depuis quelques mois,  #Metoo, #balancetonporc  etc… Si vous ne les avez pas vus c’est que vous êtes passés à côté d’un mouvement de fond, d’un tsunami de libération de la parole des femmes et c’est sans doute que vous croyez que le sujet ne vous concerne pas, où qu’il ne vous touche pas.  C’est tellement plus facile de détourner le regard, d’arguer la pudeur et  l’intimité, c’est aussi souvent par honte qu’on a du mal à se reconnaître dans les récits d’abus, qu’on les ait subis, vus mais pas dénoncés ou perpétrés, la honte nous colle à la peau.

Girl street artLe mouvement  #Metoo m’a touchée et fascinée.  J’ai lu tous les témoignages que j’ai pu, avec une sensation de familiarité vague, j’avais eu la même impression lors de la découverte du Tumblr Je connait un violeur. Il y a eu ce blog puis la BD sur les crocodiles, une amie a même eut l’honneur d’avoir sa propre expérience de viol illustrée dans ce bouquin. Ces histoires de viol, quand tu es une fille tu en entends plein, beaucoup sont horribles, terribles et tu grandis avec cette peur, tu te construis avec ça.  La révélation de ce mouvement de libération de la parole, c’est que ce ne sont pas quelques femmes, ni même une majorité de femmes qui peuvent témoigner d’agressions sexuelles, c’est TOUTES les FEMMES !

Et donc moi aussi… Oui mais moi c’est pas pareil, j’ai pas de souvenirs précis à raconter, j’ai pas d’histoire édifiante qui ont vraiment mal tourné.

Je n’ai pas été violée.

Et pourtant j’ai été agressée plusieurs fois, juste parce que j’étais une fille, que j’avais de longs cheveux, que j’étais jeune, peu importe en cherchant des justifications à cette expérience, je rentre déjà dans la culture du viol.

J’ai le souvenir de ce soir de Novembre où en sortant à 18H du cinéma je crois que j’étais allée voir Carla’s Song de Ken Loach j’avais à peine 15 ans, (après ce film et sa violence, c’est difficile de comparer cette petite agression que j’ai subie), mais j’ai eu très peur.  J’attendais que mes parents viennent me chercher, en fait je devais les appeler d’une cabine de téléphone non loin du ciné, sur le parking (Oui tout ceci était bien avant les portables) et là juste en sortant, il y avait trois garçons je crois qui ont commencé à me suivre, à me parler du genre « t’es mignonne on peut t’accompagner » et j’ai senti l’oppression qui pesait sur moi, la peur est montée.  Ce sont-ils approchés physiquement ? je ne m’en souviens pas.  Je sais juste qu’au lieu d’aller téléphoner dans la cabine seule au milieu du parking avec ces trois assoiffés sur mes talons, j’ai opté pour la boulangerie la plus proche dans laquelle je me suis réfugiée et où j’ai demandé si je pouvais appeler mes parents d’ici car je ne me sentais pas en sécurité dehors.  La boulangère a vite compris et m’a laissé téléphoner et puis j’ai attendu dans la douce odeur du pain chaud que l’on vienne me chercher.  Dehors j’ai laissé les loups hurler.  Peu de temps après cette agression avortée, j’ai coupé mes cheveux très court pour ne plus jamais être reconnue par ces individus que j’avais senti menaçant et prêts à tout. Mais ce type d’agresseurs sont des charognards opportunistes, ils n’agresseront que si ils savent la proie déjà à terre et abîmée. Ce ne sont pas des grands fauves, à peine quelques chacals.

On en revient à mon incapacité de dire #Metoo et pourtant je sens confusément que MOI AUSSI.

Si on remonte encore plus loin dans mes souvenirs, il y a la question du consentement.  En effet petite fille j’ai très vite refusé de faire la bise aux adultes, ils sentaient tous mauvais et je n’aimais pas qu’ils s’approchent de moi.  J’ai toujours eu des sensations d’oppression quand quelqu’un me touche, il y a toujours eut cette alarme qui se déclenche quand on rentre dans mon cercle de protection intime à savoir quand on touche ma peau. Hypersensibilité ou mémoire traumatique refoulée, qu’importe pour moi le débat sur la question du consentement s’est révélé très fructueux.  Car enfin on évoquait l’idée qu’un enfant qui ne veut pas approcher physiquement les adultes ne doit pas être forcé  à le faire pour « être polis ». Car si être polis revient à ressentir de la gêne,  et à vivre cette politesse comme une violence, pourquoi l’imposer à un enfant. Il me semble que la question du consentement et du respect de l’intimité des autres se joue beaucoup dans l’enfance et donc dans l’éducation.  Là encore je n’ai pas été abusée par des adultes, j’ai juste du parfois subir des contacts de barbes, de peaux et d’odeurs buccales qui ne me plaisaient pas.  Mais je sens que quelque chose de plus profond se joue là et réduire ces maigres souvenirs de malaise à un « c’est pas si grave » est un moyen de faire perdurer ces situations.

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Par la suite dans mes relations avec des garçon, je me suis aussi retrouvée assez facilement dans des relations abusives.  Là encore pas des abus graves, personne ne m’a battue, ou violée, enfin on m’a parfois un peu forcée la main et pas seulement la main.  Mais c’est récemment que je m’en suis rendue compte quand enfin j’ai trouvé un homme qui tenait au consentement sexuel, c’est là que j’ai découvert qu’on ne m’avait jamais demandé mon avis avant. J’ai alors eu honte d’avoir accepté de me laisser abuser.  J’ai eu honte aussi d’avoir aimé et intégré cette inégalité comme étant une relation normale. Car c’est de ça dont il est question dans la libération de la parole actuelle, c’est de se rendre compte qu’on a toutes intégré l’inacceptable et joué le jeu. Il faut en parler encore et encore, parce que c’est ainsi qu’on éduque les petites filles, à faire plaisir à sourire à ne pas broncher ni se défendre.

Adulte on préfère minimiser, on l’a toutes fait pour nous et puis quand vient le tour des autres, on voit bien ce qui se passe, et on a beau prévenir la victime qu’elle est en train de dépasser les limites de l’acceptable, bien souvent, dans une relation toxique elle s’avère consentante et même passionnément amoureuse de son bourreau. Comment alors dénigrer l’objet d’un amour aussi fort ? La prise de conscience est d’autant plus violente que vient s’ajouter un sentiment de culpabilité  énorme (comment j’ai pu laisser quelqu’un me faire ça ?). Le fond de ce mouvement, n’est pas de dénoncer les abuseurs, ce n’est pas une chasse au porc, c’est un moyen de mettre en garde chaque femme contre les petits abus qui deviennent parfois d’immenses violences.

DSC00145J’ai grandit dans la peur, celle que ma mère m’a transmise pour moi. Je n’ai pas compris comment ma mère qui se disait féministe pouvait faire ainsi deux poids deux mesures dans l’éducation de sa fille et de son fils.  J’ai intégré que j’étais une victime très tôt et je pense que toutes ces sensations de familiarité face aux récits de viols et de violence, cette dissociation que j’ai pu avoir avec moi même et avec mon corps pendant des années,  ne viennent pas de nulle part.  Je pense qu’il y a dans mon histoire quelque part, pas forcément dans ma mémoire consciente, mais peut-être dans un vécu plus ancien, des abus qui m’ont rendue telle que je suis. Je pense que ça fait partie de ce qui se transmet par le non-dit. Je pense aussi que ça fait partie de ce que je voudrais éviter de transmettre…

C’est le constat terrible : on transmet la culture du viol de mère en fille…  Par la peur, par le non-dit, par les mots de protection et de déni qu’on utilise et qui infusent malgré-moi tout cet article, par la voix muette de nos ancêtres qui nous traverse encore et encore.

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La vie n’est pas une comédie musicale

J’ai traîné les pieds avant d’aller voir LE FILM, celui dont tout le monde parle depuis des semaines, celui qui à failli gagner l’oscar du meilleur film et puis finalement non… Bref j’ai fini par découvrir mi-amusée, mi ennuyée le film LA LA LAND de  Damien Chazelle.

large LALALANDCe film m’a fait l’effet l’effet de montagnes russes, passant tour à tour de l’agacement à l’ennui face aux scènes de comédie musicale plus virtuoses dans leur réalisation que charmantes. A un moment je me suis dit que ce film n’allait être qu’une bluette de plus, l’histoire d’une romance qui commence mal et qui sonne faux. Tout comme l’agressif klaxon du personnage masculin  qui donne le ton de la première rencontre entre les deux personnages et devient ensuite le rappel  violent de l’urgence à  réussir qui anime les deux personnages. Deux losers aussi magnifiques qu’ambitieux se consolent l’un l’autre, s’ouvrent l’un à l’autre, s’encouragent à poursuivre leurs rêves, jusqu’à ce que l’un d’eux cède à la compromission  (et gagne ainsi une gloire bien dérisoire) tandis que l’autre voit son rêve s’écrouler face à la dure réalité.

Personne n’attend les artistes et le chemin vers la réalisation d’une oeuvre passe par une persévérance sans limites, une capacité à encaisser les flops, le désintérêt du monde pour notre univers intérieur si singulier.

Sur ce principe de réalité vient se casser le ciment du couple, la relation idéale, la petite bulle d’amour qu’ils partageaient. Ces deux êtres s’aiment et se soutiennent, jusqu’à ce que le succès de l’un (loin de son ambition première) et l’échec de l’autre sape la confiance mutuelle de l’un dans l’autre.  C’est là que le film devient intéressant, quand les deux doivent faire face à leur rêves brisés et qu’une remise en question s’impose.  Cette scène ou Mia évoque sa tante qui a sauté dans la Seine, ce moment d’émotion sincère ou l’actrice après nous avoir joué et mimé tous les sentiments, se révèle dans ce qu’elle a de plus fort : sa fragilité.

Voilà en quoi LA LA LAND parvient à tordre le cou à son propre style, à montrer la faille sans défaillir, et voilà en quoi le film m’a saisie. Cette comédie musicale n’est que le paravent qui masque une histoire autrement plus sombre. La fin en pied de nez (qui m’a rappelé  un certain moment de Mommy) témoigne de l’idée qui sous-tend ce film :

La réalisation des rêves se paye au prix du désenchantement.

Après ça tout est dit et il faut se colletiner la montagne d’effets pop acidulés que Damien Chazelle nous fait traverser pour en arriver à cette vérité crue, intransigeante, dérangeante et pourtant si salutaire. C’est ce qui sauve le film d’un ennui certain, d’un happy-end trop attendu, c’est l’idée terriblement mélancolique que notre vie dans toute sa gloire n’est faite que de nos ratages. C’est ce qui est beau au final, c’est ce qui m’a parlé en tout cas. La musique et les couleurs vives cèdent peu à peu la place au gris, au bleu qui évoque l’univers de Kind of Blue de Miles Davis.  Le bleu, la couleur que je travaille sans cesse, la couleur d’un sentiment à la fois sombre, profond et lumineux, celui d’exister, de rêver et souvent de rater sa vie.

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Bénédicte Chevallereau

Nous avons rencontré Bénédicte dans la cuisine de son appartement, rue Roger Mirassou, un lieu calme et ensoleillé. Au dessus du frigo un renard empaillé trône, c’est celui de son colocataire… D’ailleurs la déco ce n’est pas son fort, elle aime les plantes et la botanique, mais elle a du mal à investir les lieux, toujours sur les routes, un peu nomade. Bénédicte nous offre un thé, dans des jolies tasses trouvées dans la rue.

benedicte-elles-st-jean-jblaquie-2017-3sAprès avoir étudié aux Beaux-Arts de Bordeaux, Bénédicte fait maintenant partie d’un collectif de théâtre « La grosse situation » qui propose depuis plusieurs mois un Voyage Extraordinaire qui interroge ce que c’est d’être un(e) aventurier(e) aujourd’hui. Elles sont trois femmes : Alice Fahrenkrug, Cécile Delhommeau et Bénédicte Chevallereau ; pour écrire ce spectacle, elles se sont immergées dans une série d’aventures comme aller sur un bateau de pêche ou marcher une semaine le long de l’A65 avant son ouverture, ou encore aller au cœur du piton de la fournaise à la Réunion. Au final c’est une collection de huit expériences que chacune a vécu à sa manière dans lesquelles la troupe entraîne les spectateurs. Quand on lui demande si elle est une aventurière Bénédicte répond : « J’ai vécu une grande aventure… celle de quitter la ferme familiale en Vendée pour venir à Bordeaux. »

elles-st-jean-b-lait-anesse-jblaquie-sLe prochain spectacle s’appellera France Profonde, il sera joué du 10 au 14 Avril à la Vacherie de Blanquefort. France Profonde questionne ce qui se passe aujourd’hui sur une parcelle agricole. Ces spectacles mettent du temps pour s’écrire, près de trois ans pour France Profonde et pas loin de 4 ans pour le Voyage Extraordinaire. En contrepartie les spectacles tournent longtemps, a travers un maillage de lieux dans toute la France y compris dans des régions rurales que l’on croit (à tort) désertées par la culture. L’idée c’est de mettre le public en situation, de le questionner à la fois sur les codes du théâtre, mais aussi sur notre société et son fonctionnement, la participation du public est essentielle.

On s’en fout du décor et de la lumière, le plus important pour nous c’est de transmettre l’émotion, et si on peut juste à un moment incarner un personnage qu’on a rencontré et faire comprendre qui il est, on a gagné.

elles-st-jean-benedicte3b-jblaquie-sCet automne, le collectif a organisé une randonnée toute une nuit sur la rive droite bordelaise dans le cadre de Panorama. 80 personnes ont randonné avec elles. A un moment, on s’arrête dans un bivouac étonnant, sur un promontoire avec une vue sur tout bordeaux, et en dessous des moutons, un cheval et des papis portugais qui vivent là depuis toujours. Au petit matin, la troupe redescend dans la citée Beausite pour aller à la rencontre de Saïd qui anime une salle de boxe, un lieu décrépi en rez-de-chaussée, qui s’appelle « de l’ombre à la lumière ». Il y a des mamans, il y a des enfants, il y a des jeunes et des champions de France de Boxe, des adolescentes qui découvrent leurs corps et Saïd s’occupe de tout ce petit monde.  Il aide tous ces gens à trouver un projet de vie, grâce à la boxe. C’est pour ce genre de rencontres et faire découvrir ces personnages que Bénédicte aime son travail.

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On crée des spectacles qui posent des questions.
On fait ça, pour assouvir notre curiosité.

 

Dans leur écriture, Bénédicte et ses acolytes ne cherchent pas spécialement à rentrer dans les codes ni à les casser. Par exemple, il n’y a pas de noms de personnages, chacun s’appelle par son nom et parle au public comme on se parle là. Le financement des spectacles se fait sur la durée dans un engagement réciproque des institutions qui soutiennent le projet. Le financement ce n’est pas seulement trouver de l’argent, mais c’est aussi trouver des terrains de jeu, organiser les recherches et le travail de terrain préparatoire. Bénédicte adore son travail, mais elle admet qu’il prend toute la place dans sa vie. D’ailleurs elle qualifie sa relation avec ses deux co-auteurs de « relation de  trouple ». Elles sont très mobiles, en voyage elles trouvent des moments pour faire le travail de bureau. La trouple assume même sa volonté de ne s’implanter nulle part et de toujours se faire bousculer.   Finalement Bénédicte admet que cette situation correspond aussi au mode de vie de son enfance : s’adapter, ne jamais vraiment se poser. « Les paysans il marchent aux subventions, ils sont dans l’action tout le temps. » Quand le temps des vacances est venu, elles partent loin de tout, au calme, au fin fond de la Creuse, se reposer.

elles-st-jean-benedicte2b-jblaquie-sJ’écris comme je parle.

Bénédicte nous parle aussi de sa passion pour les plantes et de la formation de phytologue herboriste qu’elle a suivi après avoir empoisonné toute une troupe de théâtre en Dordogne avec des champignons vénéneux, un peu par erreur… Bénédicte assume sa sorcellerie sur les gens, dans la douceur de son ton, dans la gentillesse de son approche. On aimerait la suivre un peu partout dans ses aventures. Elle aime les gens, elle adore sa rue, elle connaît tous ses voisins et rêve de les rencontrer en passant de jardin en jardin avec des échelles par dessus les murets qui séparent les parcelles en cœur d’îlot. Des échelles, comme un pont entre les gens pour créer du lien et apprendre à se connaître. Car la question essentielle de la Grosse Situation est « qui serons-nous à marcher ensemble » et comment faire d’individus distincts, une œuvre collective ?

Site de la Grosse Situation

Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean

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Olivia Perez

Olivia Perez travaille à la gare de Bordeaux depuis 10 ans, auparavant elle manageait les équipes d’accueil et de production des trains. Depuis les cinq dernières années, elle dirige le bâtiment au sens large et tous ses services. Elle pilote les actions qui contribuent à satisfaire tous les clients, ceux qui voyagent, mais aussi ceux qui ne voyagent pas qui utilisent les services et commerces de la gare. Elle nous reçoit d’ailleurs dans un café au sous-sol plutôt que dans son bureau au deuxième étage du bâtiment. L’occasion pour elle d’arpenter la gare en tant qu’utilisatrice, d’avoir un œil sur tout et de saluer au passage les agents de sécurité. Ces derniers temps, elle arrive en vélo dans ce monument historique classé depuis 1984, immense paquebot qui donne son nom au quartier. Elle insiste sur le fait qu’elle est aussi utilisatrice de la gare, l’occasion de se rendre compte qu’il n’est pas toujours facile de trouver un arceau de vélo libre aux abords de la gare.

C’est important d’avoir le regard d’un simple utilisateur.

Au son des annonces de départs de train, Olivia nous explique qu’elle gère aussi les opérations d’animation dans la gare, en essayant quand elle le peut, de faire le lien avec le quartier St Jean et ses habitants. La gare vit jour et nuit, elle est ouverte de 4h à 1h du matin.

gare-st-jean-croquis-2-jblaquie-1sA la question de sa place en tant que femme dans cette fonction, elle répond très simplement que ça n’a jamais été un problème, ni un enjeu. Pourtant du fait de sa fonction, elle reçoit régulièrement des courriers adressés à « Monsieur le chef de gare ». Outre la dimension satisfaction client, Olivia Perez souligne aussi l’aspect technique de son travail : la sécurité incendie, l’amiante, le plomb, la sûreté, l’entretien des parties privatives, et notamment le blockhaus de la gare, vestige historique de la seconde guerre mondiale. Ce lieu n’est pas ouvert au public, surtout depuis que le plan Vigipirate est en place, bien qu’il ait déjà fait l’objet de visites lors des journées du patrimoine par exemple. La vie de la gare, c’est entre autres accueillir l’Orient Express cet été pour des dîners de grands chefs, ainsi que pour un goûter pour les enfants du quartier. Olivia aime travailler en lien avec les associations de quartier qui la sollicitent beaucoup, mais le temps manque pour tout faire. Le temps d’un sourire, elle se souvient d’une fête de la musique organisée dans la gare avec une scène ouverte qui l’avait amenée à jouer avec son groupe qui répète à Barbey.

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Si l’on pouvait être le lien entre les deux quartiers.

Avec l’enjeu de l’ouverture de la LGV en Juillet 2017, la gare se refait une beauté, elle se modernise. Elle ambitionne aussi de créer un véritable pont entre les quartiers St Jean et Belcier. Le nouveau bâtiment côté Belcier permettra de traverser plus facilement d’un côté à l’autre. Des commerces de proximité sont prévus comme un caviste et une supérette, ainsi qu’un grand parking. Ces derniers temps, les contraintes des travaux de la gare rendent compliqué le travail d’Olivia, et l’immense échafaudage qui recouvre les voies pour la réfection de la verrière ne simplifie ni la circulation des voyageurs, ni le confort et la réalisation d’animations dans la gare. La période actuelle n’est pas la plus simple et les contraintes sont nombreuses, si elle regrette d’avoir dû enlever le piano à disposition des clients dans le hall en travaux, elle nous assure qu’il sera réinstallé.

gare-st-jean-croquis-jblaquie-1sCe qu’Olivia aime particulièrement c’est partir à l’étranger avec sa famille et découvrir les gares des autres pays, de New York à la Thaïlande elle promène son œil professionnel aux quatre coins du monde. Curieuse de découvrir ce qui se passe ailleurs, elle l’est aussi de connaître notre propre expérience de la gare de Bordeaux : elle nous questionne beaucoup et assume les difficultés et les contradictions de la gare. Pour répondre au besoin de sécurité, elle souligne la présence d’un médiateur pour aider les gens en errance. Pour animer le parvis de la gare, sont prévus des kiosques, des petits commerces temporaires comme un marché de Noël. Pour répondre à la demande de proximité, La Ruche qui dit Oui l’a également contactée pour installer une Ruche en gare, une bonne idée qui évite le monopole des enseignes de la grande distribution. Lorsqu’Olivia nous demande ce qu’il manque dans la gare, nous répondons qu’un accès gratuit à la culture, une exposition temporaire serait un plus. Faire vivre ce vaste lieu plein de courants d’airs, de baisers d’adieu et de retrouvailles, ce lieu qui s’anime des histoires qui le traversent au quotidien.

D’un geste à la fois charmant et énergique, Olivia Perez retourne à ses obligations non sans avoir salué à nouveau un employé de la gare. Elle est un peu chez elle dans ce café en sous-sol, lieu de passage assez impersonnel, que nous ne verrons plus de la même façon après une heure passée avec Madame la chef de gare. Preuve une fois encore que les lieux sont faits de ceux que l’on y rencontre, et quel plus bel endroit qu’une gare pour rencontrer une femme énergique, souriante, aux responsabilités nombreuses mais néanmoins disponible et à l’écoute.

La gare St Jean en chiffres c’est 25 000 M2 de bâtiments, 350 trains / jours, plus d’11 millions de voyageurs sur l’année et entre 35 000 et 45 000 voyageurs / jours.

Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean

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Revenir de loin

C’est souvent ce que l’on se dit quand on a frôlé la mort, mais c’est aussi la sensation de renaissance qui accompagne le long travail de (re)conquête de moi même que j’ai abordé il y a quelques temps.  L’impression de vivre plus intensément est toujours là quand on voyage, quand on déplace ailleurs ses problèmes, laissant les valises à la maison, on voyage toujours plus léger.  Si  l’on revient le coeur lourd, c’est avec les semelles du vent qu’on arpente les routes. Le voyage c’est l’épreuve de l’autre, un univers parallèle qui nous décentre. C’est le meilleur moyen de faire bouger en nous cette mer morte, de sentir son centre tout en le déplaçant.

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J’ai eu la joie de découvrir un pays lointain et néanmoins familier, à la langue proche et à la beauté sauvage singulière.  J’ai aussi retrouvé une âme soeur, une amie qui m’est chère et avec laquelle je partage la sensibilité pour les couleurs, le goût pour les petits riens et les trésors naturels…  Il y a des gens comme ça que l’on aime tout de suite et peu importe la distance, il y a des gens à qui l’on pense souvent… sans trop savoir pourquoi.

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Lors de cette visite un peu particulière j’ai eu l’occasion de me faire lire les cartes par une sympathique cartomancienne amateur et voici ce que j’ai tiré, une bien étrange combinaison qui l’a laissée un peu perplexe. Là encore la mort est présente, toujours travaillée par le passé, l’idée que les morts sont vivants qu’ils nous habitent. De temps en temps ils nous appellent avec force, nous rappellent qu’on est là parce qu’ils ont vécu avant nous et continuent de remuer des choses en nous. Apprivoiser la mort, c’est toute la symbolique de cette fin du mois d’Octobre du jour d’Halloween ou le dias de los muertos au Mexique.

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La mort peut frapper à tout moment… Nous avons été témoins d’un accident, alors que tout le monde s’amusait et fêtait l’installation de mon amie dans sa nouvelle maison, un homme s’est écroulé, le visage livide, quand j’ai croisé son regard il portait le masque de la mort. Mais le groupe a continué de jouer, pour contrer la peur, les danseurs sont revenus taper du pied et la vieille maison a vibré de nouveau.  Heureusement plus de peur que de mal, le mort parti en ambulance est revenu quelques jours plus tard, des larmes dans les yeux et des années en moins sur son visage, méconnaissable. La vie est ainsi faite qu’elle joue parfois à nous effrayer pour mieux nous rappeler l’urgence de vivre et la nécessité de changer.

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_dsc8312Mooresburg, Canada, Octobre 2016

 

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Chez Marlène

Dans l’ancien quartier des abattoirs de Bordeaux, au bout du quai de Paludate, Marlène tient depuis 1981 un restaurant d’ouvriers. L’établissement hérité de ses parents, installés là depuis 1975, était un bar casse-croute « les gens apportaient un morceau de viande, on faisait cuire la viande avec un légume, on vendait beaucoup de cafés parce qu’on ouvrait à 4 heures ». A l’époque, il y avait les ambulants, ces postiers qui triaient le courrier dans les trains. Le quai de Paludate était une rue très vivante la journée, avec des commerces pour les ouvriers et employés des entreprises alentours. Aujourd’hui, le quai de Paludate est plutôt une zone nuit avec des boîtes ouvertes le soir. Le matin en ouvrant son établissement, Marlène retrouve les restes des soirées festives de la veille : des centaines de bouteilles devant sa porte et parfois quelque soulard. Ca n’est pas un endroit facile.

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Au fil des années, Marlène a su se constituer une clientèle fidèle d’habitués qui aiment retrouver le goût de la cuisine simple : la daube, la morue le vendredi et tous ces plats traditionnels qu’elle aime cuisiner et dont elle adore transmettre les recettes et tours de main. Ici on vient pour la nourriture parce que c’est sans chichi, mais aussi pour l’accueil toujours souriant et chaleureux de Marlène. Une fois par mois, Marlène donne des cours de cuisine française à des étudiants en médecine venus de l’étranger, ils ont ainsi appris à faire la blanquette de veau, la morue-carotte-pomme-de-terre aïoli et la mousse au chocolat.

 Ca me fait du bien, à moi, de donner.

Aujourd’hui, Marlène travaille avec son mari, Jean-Pierre, qui tient le bar et sa fille qui vient l’aider trois jours par semaine.  Par la suite, celle-ci pourra reprendre l’établissement si elle le souhaite, mais il faudra qu’elle soit un peu plus entière dans le commerce, pour l’instant c’est une bonne mère de famille «  elle élève ses enfants, ce que je n’ai pas eu vraiment le temps de faire avec elle ».

La gestion d’un restaurant qui sert entre 50 et 100 couverts n’effraie pas Marlène qui nous livre ses petits secrets d’une cuisine simple et de bon sens. Il faut savoir gérer son temps, elle a appris a s’organiser. Tout est frais, rien n’est surgelé. Pour aller manger dans l’arrière salle, on traverse la cuisine avec son garde manger à l’ancienne et ses cuivres, du coup rien n’est caché. Marlène adore donner les recettes de ses plats, raconter leur simplicité et les faire partager. Le far Breton c’est facile : «  vous faites macérer les pruneaux dans du thé avec du rhum 24H à l’avance. Puis c’est 250 grammes de farine, 3 œufs, 1 litre de lait, 175g de sucre, on fait tourner au robot et puis avec les pruneaux dénoyautés, on enfourne. »

Marlène prépare de temps en temps le repas sportif d’avant le match pour les équipes de rugbys masculin et féminin qui viennent rencontrer l’UBB. La clientèle de Marlène est variée : les routiers, les employés des bureaux alentours, les habitués qui viennent manger depuis une ou deux générations.

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 Je ne pensais pas être capable de faire autant de repas il y a 20 ou 30 ans.

Née en Algérie, issue d’une famille de 10 enfants, avec un père militaire, Marlène a repris le commerce de sa mère qui s’appelait l’Etable. « J’ai appris en la regardant faire ». Marlène est intarissable sur les restaurants des quais de l’époque de ses parents. Elle se souvient de tous les noms : le Grand Pavois, le Béarn, le Pourquoi pas, chez Maïté devenu chez Pedro et puis chez Roland et le Garonnais…

Les souvenirs des noms sont précis, mais c’est surtout le souvenir des gens qui émeut Marlène. « Les gens qui étaient en face aux abattoirs sont toujours présent dans ma vie.  Ils ne sont plus de ce monde, mais ils m’ont tous laissé un souvenir, c’était des gens humbles. » Il y a tant d’histoires et de rencontres nées chez Marlène. Elle a vu deux inondations de la Garonne en 1981 et en 1987, un mètre d’eau dans le restaurant. Il y avait une charrette à bras rue Terre de Bordes et aussi les chevaux qui s’échappaient des abattoirs parfois. Le quartier n’est pas facile, il y a les prostituées des quais dont personne ne s’inquiète, parfois elle en  engage une pour la plonge ou le service, mais ces oiseaux là ne restent pas. Marlène évoque aussi l’histoire d’un SDF qu’elle a aidé pendant un temps et dont elle a vu la fille en pleurs face à la déchéance de son père.   Marlène aime les rencontres, comme ce chauffeur de car qui transportait des enfants et qui parfois venait faire des crêpes dans sa cuisine.

 Toutes ces personnes, je ferme les yeux et je les vois.

Avec son tablier rouge, ses jolies lunettes, Marlène s’admire dans le portrait de Julie « je suis fleurie aujourd’hui ». Il y a de la générosité dans sa voix, et en même temps c’est elle la patronne ! Elle mène sa barque, toujours prête à offrir les restes de la cuisine avant de partir en vacances ou à organiser une paëlla gratuite pour fêter les 40 ans du restaurant. Si vous passez devant chez Marlène, ne vous arrêtez pas à la devanture et rentrez prendre un café ou mieux goûter sa cuisine et écoutez-la parler du temps passé, sans nostalgie, avec simplement l’envie de partager.

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Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean

Chez Marlène – 33 quai de Paludate – 33000 Bordeaux

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Hanifa Mzizoua

Depuis 30 ans, de novembre à fin avril, un couscous de l’amitié (repas chaud et complet) est servi aux personnes en errance sur la place du marché des Capucins, à l’initiative de Monsieur Pierre Olivier et sa femme. L’association le Couscous de l’amitié, devenue Graine de Solidarité en 2012, occupe un local au 46 de la rue Kléber. Hanifa en est la présidente depuis 2005.

Dans un petit bureau, au milieu d’un vaste espace rempli de cartons, de marmites, de jouets, de denrées notamment des produits frais, des fruits et des légumes, mais aussi des produits du quotidien, du savon et des couches, Hanifa nous reçoit avant la maraude du soir. Notre entretien est entre-coupé de coups de téléphones et de saluts aux bénévoles.

« J’ai du couscous qui me reste, est-ce que tu le veux ? »

Hanifa est une femme très occupée,  rien ne doit se perdre et l’organisation est bien rodée.   Hanifa a le sourire dans la voix et l’accent de Bordeaux bien prononcé. On sent qu’elle aime parler, mais pas dans le vide, ses mots vont à l’essentiel, son débit est rapide et un rire sonore ponctue souvent ses phrases.

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Les activités de l’association se sont développées au delà de la campagne hivernale. Ce sont les colis alimentaires le jeudi soir et le samedi à 16H30 pour 40 familles au prix de 6 euros. Ces colis contiennent des denrées collectées après des boulangeries du quartier, des produits frais venus du MIN de Brienne et de la banque alimentaire. L’association fait aussi des maraudes, des ateliers cuisine, et propose des cours d’arabe et de français. Pendant le mois du ramadan, l’association cuisine le « repas pour tous » qui sera servi le soir à ceux qui jeûnent la journée. Ici tout le monde est bénévole, il n’y a pas de salariés, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues pour aider dans l’une ou l’autre des nombreuses tâches quotidiennes.

Entrée dans l’association en 1994, Hanifa est mère de 2 garçons (de 24 et 20 ans) et elle a deux petits enfants. Assistante maternelle, elle travaille toute la journée en gardant quatre enfants, elle vit à Nansouty. Concilier sa vie familiale et sa vie associative n’est pas toujours facile ; Hanifa est fière de son action. Elle insiste aussi sur son voile, qui témoigne de sa foi et d’un autre combat, plus politique, qui consiste à montrer une autre image de l’Islam, celle du partage et de la tolérance. Quand on lui demande comment elle est arrivée dans l’association, Hanifa avoue humblement qu’elle a vécu dans la précarité pendant plusieurs années. Bénéficiaire des restos du cœur et de la solidarité des autres, elle s’est promis d’aider son prochain le jour où elle s’en sortirait.

« Je n’ai jamais quitté cette association »

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Hanifa éclate d’un rire sonore à la vue de son portrait « ah c’est pas mal ! » et ne manque pas de remercier Julie. L’énergie d’Hanifa vient de sa foi, mais aussi de son éducation « papa et maman, ils étaient stricts ». Hanifa a ce pouvoir de la parole. Au début de l’entretien elle nous a dit qu’elle ne parlait pas comme un livre, mais ses mots viennent du cœur et on sent rapidement qu’elle peut aider et ressourcer ceux qui la côtoient . « Je suis une oreille qui écoute beaucoup. » C’est pourquoi sa présence est autant appréciée par les bénévoles au sein de l’association et pendant les actions. Hanifa c’est le cœur et la raison.

Nous évoquons ensuite la douleur et parfois la violence des gens en errance  comme elle les nomme, ceux qui vivent dans la rue et qu’elle appelle aussi pudiquement  les bénéficiaires.  Ceux qu’on ne voit pas si l’on n’y prend pas garde, qu’on oublie trop vite aux premiers beaux jours quand la campagne hivernale des autres associations prend fin. La douleur est là et elle avoue ne pas s’être vraiment blindée depuis les années

« des fois j’en pleure, je me cache pour pleurer. »

 

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Hanifa prend soin de tous, des bénéficiaires, mais aussi des bénévoles. C’est pourquoi chaque année elle organise une excursion pour que les bénévoles se rencontrent et pour créer de la cohésion dans une équipe qui ne fait que se croiser. Certains bénéficiaires de l’association sont aussi bénévoles. Ils viennent cuisiner pour la soupe et puis repartent avec un colis. Ce cercle de la solidarité qu’Hanifa représente à elle seule par son parcours, est le moteur puissant de son action. La dame de Cœur des Capucins  n’a de cesse de donner son temps et son énergie, tout simplement parce qu’à un moment Pierre Olivier lui a tendu la main. Quand on évoque sa succession à la tête de l’association, Hanifa avoue n’avoir pas encore trouvé la bonne personne pour la remplacer. Pour elle, Graines de Solidarité est presque son troisième enfant, elle ne laissera les clés qu’à quelqu’un de confiance, déterminé comme elle à aider les autres. « On est que de passage » nous dit-elle d’un air confiant et serein avant de nous laisser repartir, le cœur emplit de sa voix et de son sourire.

Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean

Liens : Graine de Solidarité

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Céline Rubis

La pArtagerie est un lieu associatif qui se cache derrière de lourdes portes en bois, au début de la rue Kléber, presque à l’angle du cours de la Marne. La petite vitrine décorée et colorée attire sans tape à l’œil. On entre dans un joli espace au sol en damier noir et blanc, accueillies ce jour-là par Karine une créatrice invitée à exposer ses origamis et créations d’inspiration japonaise.

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L’association PART-ÂGE nait au début de l’année 2014, en Février 2015 elle s’installe dans son local actuel au 5 rue Kléber. L’association a été rapidement propulsée grâce au bouche à oreille et aux réseaux sociaux. De sa voix douce teintée d’un léger accent du Lot et Garonne, Céline évoque avec une émotion contenue la gestation du lieu.
Céline Rubis et Gaëlle Laffond sont à l’origine de ce lieu. Gaëlle est animatrice jeunes enfants et Céline infirmière psy. C’est la naissance du premier enfant de Céline et le choix de l’accompagner et de vivre avec lui au quotidien dans un lieu qui permet à chacun de s’épanouir qui a poussé les deux jeunes femmes à créer l’association PART-ÂGE.
La pArtagerie est un lieu multigénérationnel, prévu dès le départ pour être un showroom de créateurs, un café ainsi qu’un espace jeux pour les enfants. Avant, cet espace avait hébergé une asso étudiante, un restaurant et même un garage. En un mois, les bénévoles ont tout nettoyé et redécoré, tout a été assez vite pour cette jeune association. Le second enfant de Céline est né un jour après l’ouverture de la pArtagerie, la veille elle ponçait encore la cabane pour enfants.

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« Ce lieu a une âme, on s’y sent bien et il s’est créé une alchimie très forte ici, c’est une aventure humaine extraordinaire »

Lieu ouvert du mercredi au samedi de 10H à 19H et lors d’événements ponctuels, la pArtagerie trouve dans ce quartier l’aide d’autres associations et a vite tissé des liens avec les riverains. La vocation sociale de l’association va se développer dans les mois à venir. Les ateliers phares de la pArtagerie sont les ateliers de cuisine végétalienne et les ateliers pour enfants intitulés graine d’école Steiner, pour une pédagogie alternative. Prochainement les mercredi et samedi seront réservés à de la petite restauration en co-cuisine végétalienne, bio et locale.
La pArtagerie est un lieu pensé pour les familles avec une adhésion familiale possible (pour les enfants, parents et grands-parents). Mais ces trentenaires peinent à recruter des personnes plus âgées et l’idée de la transmission transgénérationnelle reste au cœur de l’association.

« On recherche plutôt des gens de la génération de nos parents, qui apporteront une nouvelle énergie. »

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La plupart des membres fondateurs de la pArtagerie sont des jeunes mamans. Céline a fait le choix de mettre son métier en stand by pour s’occuper de ses enfants. Ce lieu est celui dont elle rêvait pour créer et avoir ses enfants proches d’elle. De manière informelle, l’éducation et la relation parents / enfants est au cœur du projet. L’espace jeux, au centre du lieu, est dédié aux enfants, une bibliothèque, une cabane et de nombreux jeux simples sont à la disposition de tous. Dans cet univers très féminin, les hommes sont les bienvenus et peuvent prendre leur place, qu’ils soient créateurs ou qu’ils souhaitent animer des ateliers, y assister ou venir en tant que pères. L’espace est dédié aux familles, pas seulement aux mères et aux enfants. Chacun peut venir apporter sa pierre à l’édifice, sa singularité au groupe et toutes les bonnes volontés sont bienvenues. La pArtagerie vient de fêter ses 1 ans, et continuera à se développer avec l’aide de nouveaux bénévoles.

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Après avoir vécu un début plein d’allant pour ce beau projet, Céline désire aujourd’hui pouvoir fédérer de nouveaux bénévoles et continuer de faire vivre un lieu ambitieux qui accueillera prochainement un groupement d’achats. Comme tout lieu associatif, c’est l’énergie des membres et des bénévoles qui est moteur du projet. Comme toute jeune mère, Céline ne peut s’investir qu’à temps partiel et si elle a donné vie à son rêve, elle espère aujourd’hui le voir grandir et progresser pas à pas, s’enrichissant au fur et à mesure des rencontres et de l’envie des autres.

Ci-dessous la charte de l’association PART-ÂGE en mind mapping.

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Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean

Liens :
http://www.partagerie.fr/
http://www.grainedecolesteinerbdx.com/
http://uchinomawari.com/

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Maryse Paloma & Delphine Delas

Un appartement baigné de lumière au cinquième étage d’une des tours modernes qui ont récemment poussé dans le quartier de Belcier. Dès l’entrée, on est happé par les couleurs ; de grandes toiles, des bruns, des rouges, des jaunes et des roses… Les meubles sont simples : un lit à barreaux fait office de banquette et le canapé ancien qui trône au milieu de la pièce est couvert de coussins et de tissus colorés. Une table basse, sculpture en bois d’un buste de femme, recouverte de fils, d’oiseaux miniatures et de feuilles nous intrigue. Maryse Paloma nous reçoit simplement chez elle, avec sa fille Delphine Delas, street artiste. Pendant tout notre entretien, le chat de Delphine, Mononoké, se roule sur les grands carnets à dessin et ronronne doucement.

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L’univers de Maryse est féminin et ludique. On y retrouve son personnage fétiche, la Palo Palo, sorte de sorcière aux longs cheveux noirs et à la robe rouge. Ce personnage témoigne de ses origines espagnoles héritées de son père. « J’ai créé la Palo en souvenir de ma grand mère : Beatriz Palomar. »  La Palo Palo est une sorcière amusante qui se rit de tout et cherche l’amour. Les livres et l’univers de Paloma peuvent sembler enfantins, mais le sexe et la poésie s’y mêlent, le jeu est partout sur les mots, dans les images. Ce personnage tout en tendresse a marqué l’œuvre de Maryse. La Palo Palo est dessinée simplement avec une robe rouge vif, des chaussures pointues et des longs cheveux noirs et crépus.

La robe rouge de la Palo c’est son drapeau, elle est un peu révolutionnaire .

Depuis toujours Maryse aime le dessin, la couleur et les livres, mais son père typographe n’a pas voulu qu’elle fasse les beaux-arts et elle s’est destinée à un métier de bureau. Maryse aime les paillettes et les boules à neige, elle a toujours fabriqué des petits objets avec ses mains, c’est un truc familial. Vers quarante ans, elle décide de se remettre à peindre pour de bon, depuis elle n’a pas arrêté. «  Ca n’a pas été un choix difficile, ça s’est imposé ! »

Aujourd’hui Maryse travaille sur des toiles plus abstraites, des grands formats aux nuances fauves et éthérés. Colorer l’appartement tout blanc, trop neuf, tapisser de toiles et de couleurs les murs nus, Maryse a toujours peint dans le lieu où elle vit. Le corps féminin figuré par la table basse était une installation sur les cinq sens. Au départ ce buste pouvait être touché, senti, vu et il produisait un bruit de battement cardiaque qui a rapidement agacé les autres exposants.

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Avec Delphine, Maryse évoque la nécessité d’avoir un atelier. C’est non seulement un lieu pour créer, mais aussi un lieu de représentation qui permet de recevoir et de montrer son travail. L’atelier, c’est un peu ce qui sépare l’artiste professionnel de l’artiste amateur. Faute de lieu dédié, mère et fille créent partout où elles passent. Dans ce quartier en transition qu’est Belcier, Delphine recherche un espace vide qui pourra lui servir d’atelier. En France, l’artiste est encore un saltimbanque à qui on demande souvent « et à part ça tu fais quoi ? » Si la plupart des artistes doivent travailler à côté pour vivre (Delphine prépare son agrégation d’arts plastiques), assumer sa position d’artiste n’est pas évidente dans la société française. De son expérience au Canada, Delphine a rapporté la conviction qu’elle peut s’affirmer en tant qu’artiste. Une femme artiste qui plus est, dans le milieu très masculin du street art. Pour une femme, c’est plus difficile de s’imposer, dans les galeries leur travail doit être plus affirmé.

Les enfants, il faut leur faire confiance, les encourager malgré tout.

La force de Delphine vient de Maryse et de l’éducation très libre qu’elle a donné à ses deux enfants.  Maryse a tenu à donner à ses enfants la liberté qui lui a manquée. Son fils est compagnon menuisier, Maryse en profite pour nous glisser quelques conseils sur le rôle de belle mère « le mieux c’est de la boucler ! Ce qui est important c’est d’être présent d’aider ses enfants, mais une fois adulte, il n’y a plus rien à leur dire pour les éduquer, ils font ce qu’ils veulent et c’est tant mieux.»

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Après avoir vécu quelques années en Espagne, puis à Montréal, Delphine, plus secrète et moins expansive que sa mère, est de retour à Bordeaux sa ville d’origine. Les deux artistes ne tarissent pas d’éloges l’une sur l’autre. Si pour Paloma le choix de devenir artiste s’est fait tardivement, pour Delphine c’est une évidence depuis toujours. Maryse nous confie qu’elle apprécie vraiment le retour de sa fille Delphine en France car les deux femmes passent leur temps à rire de tout. Maryse a une philosophie de la vie toute tournée vers la joie et le bonheur, l’essentiel c’est de s’amuser en créant. Elle ne veut pas se laisser noyer dans le marasme du quotidien et  subir les problèmes des gens de son âge. Il y a beaucoup de gaîté dans la voix chantante de Maryse, elle nous dit avoir gardé son âme d’enfant et s’émerveiller de tout malgré les aléas de la vie.

 «  Je suis hyper fan de son boulot » dit Maryse de Delphine et réciproquement. C’est la fille qui nous a orienté vers sa mère en disant « c’est une grande artiste ».

Si l’on recherche le point commun entre leurs deux univers, c’est sans doute le bestiaire fantastique et multiple que l’on retrouve chez Maryse dans ses grands formats et dans ses illustrations et chez Delphine dans les murs peints et collages dont elle a inondé Bordeaux ces dernier temps. Tout ce qui est imaginaire et fantastique relie la mère et la fille, l’humour aussi semble être leur point commun.

Alors que Maryse nous tartine du pâté et nous offre des olives et du vin rouge, Julie peaufine les portraits. Celui de Delphine est approuvé par Maryse d’un « tu es plus grosse que moi ! » triomphant. Delphine nous annonce une prochaine expo collective avec Maryse et leur ami Eduardo en Juin 2016 à l’espace St Rémi. Courant 2016, le bar Ô Plafond, dont la vitrine a été peinte par Delphine, accrochera aussi sur ses murs des oeuvres de Maryse. L’occasion de découvrir l’univers de ses deux femmes artistes qui jubilent de leurs jeux et de leur complicité.

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Site de Maryse Paloma

Site de Delphine Delas

Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean

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Brigitte Lavorel

Brigitte enseigne le Hatha yoga depuis 10 ans à l’Union St Jean, elle y assure les cours du matin en semaine. Arrivée à bordeaux en 2004, elle a démarré cette activité dans le quartier du Jardin Public. Elle souligne que donner ses cours de yoga à l’Union St Jean a toujours été un bonheur, surtout à cause de la qualité des rencontres et de l’ouverture d’esprit des participants : « Ce ne sont pas que des femmes qui viennent faire du yoga pour maigrir ! » Et d’ajouter qu’elle aurait bien aimé vivre dans ce quartier.

J’ai tout de suite aimé le quartier de Nansouty, où les gens ont vite adhéré et compris cette pratique.

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Le yoga est devenu une activité très féminine, dans les cours une majorité des élèves sont des femmes alors que cette pratique a initialement été ramenée en Europe par des hommes. C’est une discipline subtile avec une intelligence du corps basée sur une expérience millénaire orientale. Au son du thé vert doucement versé dans les tasses, Brigitte nous explique la variété et la complexité des formes du yoga et ses origines. Le mot yoga est un mot sanscrit qui signifie union, lien.  L’étymologie symbolique du Hatha yoga signifie l’union du soleil (Ha) et de la lune (Tha), c’est à dire de toutes les dualités.

Le Yoga rassemble toutes les dimensions de la personne, c’est une pratique de réunification entre le corps, l’esprit et les énergies qui nous animent.

Une posture ce n’est pas simplement aller chercher une position compliquée et puis faire un effort de détente et de respiration pour y rester. Une très belle posture tenue facilement, ce n’est pas forcément du yoga, on peut très bien en même temps penser à tout autre chose. La conscience, la présence totale, sont indispensables pour réunifier tout l’être dans l’instant présent. La posture va ainsi mobiliser l’énergie à l’intérieur du corps. On peut agir en utilisant le déplacement de la conscience dans le corps, en appliquant cette découverte géniale des orientaux : « Là où va la conscience, là va l’énergie ».

Le yoga de l’énergie que Brigitte pratique est une tradition d’origine tantrique qui vient du Nord de l’Inde. Le tantrisme est une voie sans dogme. Tantra signifie  trame,  chaîne  d’un tissu et, au figuré : tout ce qui se déroule en s’enchaînant. Le tantra est une pratique qui utilise tous les sens pour parvenir à une qualité de présence totale dans la vie et dans le quotidien. On peut être dans cette voie tout en continuant son métier. Brigitte s’anime en nous expliquant tout cela, ses yeux brillent et ses bras font de grands gestes avec les mains qui battent l’air comme des papillons.

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A chacun de trouver sa propre voie. C’est bien plus difficile et plus exigeant, mais quelle liberté et quelle richesse d’exploration personnelle !

Brigitte a commencé le yoga il y a près de 30 ans à Grenoble avec Martine Texier qui est devenue depuis directrice de l’école de Yoga d’Evian. Cette dernière a fondée l’école EVE « Yoga Maternité », une école de yoga pré et post natal destinée aux sages-femmes, aux enseignants de yoga, aux femmes enceintes et aux couples. Après avoir proposé un premier stage dans la région, Martine Texier décide de monter une antenne d’Eve dans le Sud Ouest en 2014 dont Brigitte devient la coordinatrice.

courd de yoga 3sPourquoi un yoga spécifique pour femmes enceintes, demande Julie ? Pour assouplir toute la région du bassin et la région lombaire, les muscles et les articulations sont préparés pour soutenir le corps pendant la grossesse et aider à l’accouchement. Ce yoga donne de la force aux femmes enceintes. Loin des interdictions médicales, le yoga prénatal aide les femmes à prendre confiance en elles. La grossesse est le moment idéal pour ramener les femmes à l’intérieur de leur corps et les aider à mieux comprendre le fonctionnement profond de la zone du ventre et du bassin. L’occasion d’apprendre et de découvrir beaucoup sur ce centre du corps souvent réduit à la fonction sexuelle ou digestive. L’écoute de soi, de son ressenti, et de la relation avec le bébé sont au coeur de cette pratique. Avant la naissance de l’enfant, elle prépare aussi les parents à devenir plus souples, à laisser de côté les principes et règles pour apprendre à s’écouter et à se faire confiance.

Ce qui fait du bien est juste. Le ressenti est toujours juste.

La vie de Brigitte a été rythmée par des synchronicités souvent heureuses. Elle a travaillé dans la sérigraphie, puis dans l’édition, elle aime dessiner des papiers peints et des tissus. Elle avoue modestement tirer sa force du yoga depuis qu’elle le pratique. Mère de cinq filles qui ont entre 36 et 22 ans, passionnée par la maternité, elle a naturellement orienté sa pratique de yoga vers les femmes enceintes. « Les qualités que l’on doit cultiver pour la sexualité, la grossesse, l’accouchement et l’éducation de l’enfant, sont du même ordre : c’est s’abandonner au flot de la vie ! »

Depuis Septembre 2014, elle propose des cours de yoga prénatal à l’Aire familiale, 28 place Pey Berland, un lieu qui propose différentes approches de la périnatalité et de la parentalité. Dans le prolongement du yoga prénatal, Brigitte cherche à créer un groupe de yoga pour aider les femmes à se réapproprier leur sphère féminine. Or pour l’instant, le concept a du mal à trouver son public. Même dans un cadre protégé et bienveillant, il est encore tabou d’évoquer ses difficultés sexuelles. Alors que l’une de nous s’exclame  : « on a toutes des problèmes ! » La discussion s’anime soudain et chacune d’avouer que ce sujet nous intéresse et pourrait sans doute nous être utile. Les langues se délient. Force est de reconnaître que le discours sur la liberté sexuelle n’est qu’une théorie et que la réalité reste très complexe pour la plupart des femmes. Désir et plaisir ne sont pas toujours là. Ce cours de yoga pour les femmes n’est pas une psychothérapie. Il propose de redécouvrir son corps, d’en comprendre le fonctionnement par la pratique physique. L’aspect énergétique de la rencontre sexuelle est aussi abordée, comme l’évoque déjà Danièle Flaumenbaum dans son livre  Femme désirée, femme désirante .brigitte-yoga-jblaquie-1Avec bienveillance et douceur, Brigitte Lavorel contribue cours après cours à faire rayonner cette lumière intérieure qui nous caractérise tous. Elle accompagne des femmes sur le chemin difficile de l’écoute de soi, de la confiance, de l’autonomie et de la liberté retrouvée. Dans ses cours, elle propose toujours d’aller vers plus d’écoute envers soi-même et de bienveillance. Elle veille à ce que chacun se sente libre et responsable, sans oublier non plus la notion de plaisir. Cette passeuse propose tout simplement de transmettre sa propre expérience de la vie, de partager avec nous un peu de sa lumière.

Carnetbrigitte-lavorel-comic-jblaquie-sLe site de Brigitte Lavorel

Dessins Julie Blaquié / Texte Caroline Cochet  / Projet Elles St Jean