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Raisonner & résonner

Raisonner, c’est se trouver tout un tas d’excuses pour tout.  C’est se regarder, se juger, évaluer les situations selon des critères extérieurs, sociaux, moraux. C’est accepter la contrainte de la logique, c’est penser au paraitre avant l’être.  La raison, c’est mon surmoi qui me parle, qui m’observe et qui me juge. Raisonner ou ratiociner, compter, calculer, tout ce qui procède de la raison nous précède, nous sommes emmurés dans le cogito de Descartes.

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Kiki de Montparnasse en Violon d’Ingres

Résonner, c’est entrer en vibration.  Cette onde sonore, colorée ou émotionnelle se transmet et fait de nous  le réceptacle et l’instrument. Nous sommes la corde sensible qui frémis sous l’archet et dont les vibration nous ressortent par les ouïes.  On devient un Stradivarius, vibrant de l’émotion que l’on reçoit.  Résonner est un mot qui me touche en ce moment, mais j’ai du mal à en parler et à trouver les termes qui conviennent.

Entrer en résonnance, c’est faire correspondre sa propre voix à une autre, c’est l’idée d’un dialogue, d’une harmonie fugace et délicate. C’est cette expérience de l’altérité parfois dissonante et assourdissante qui m’angoisse. L’accord parfait n’existe pas, il faudra donc composer avec les couacs et apprendre à jouer juste peu à peu.

  L’harmonie c’est du travail au quotidien.

 

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L’illusion germano-pratine

Samedi dernier je me suis rendue dans une grande zone industrielle comme il en existe en périphérie de toutes les villes et j’ai passé les portes d’un de ces supermarchés de la culture, du loisir créatif et de l’art récréatif.  Là en plein milieu il y avait deux petites tables à quelques mètres de distance l’une de l’autre et échoués chacun sur leur ilot sous des grandes bannières au nom de l’enseigne culturelle, il y avait deux écrivains, une femme et un homme. Tous deux avec une pile de leurs livres respectifs à côté d’eux et personne ne s’arrêtait pour leur parler.  C’était des écrivains au travail, dans ce moment qui suit la création d’une oeuvre où l’on croit que le plus dur est passé et pourtant… Il reste la promo !

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La promo d’un livre peut prendre plusieurs formes. Si l’auteur est très connu ou alors dans l’air du temps, il passera au Grand journal, à la Grande Libraire ou sur un plateau d’émission de divertissement ou au 13 h de France 2.  Peut-être qu’on en parlera sur France Culture ou sur France Inter, peut-être même aura-t-il la chance de se faire critiquer par le Masque et la Plume et puis il y a les journaux, les articles, des citations, les bonne feuilles, les extraits, les blogs. Mais la rencontre d’un auteur avec son public, entendre directement les mots de ces derniers, voir leurs yeux briller à l’évocation de tel livre, de tel passage. Signer  avec son plus beau stylo, écrire quelques mots, sur la page blanche au début de son propre livre édité, enfin.  Ca doit être et de loin le plus grand bonheur d’un écrivain qui a travaillé dans l’ombre et dans la solitude des années durant.  Or ce summum de la vie d’écrivain, m’est apparu dans toute son angoissante vacuité.

Les+tribulations+d'une+caissiere

Les auteurs attendaient, chacun à sa petite table que les clients pressés de consommer de la culture daignent s’intéresser à eux.  Où mieux qu’une personne entre et vienne directement à leur petite table les tirer de leur solitaire traversée du samedi après-midi de dédicace.  Or l’attente peut-être longue et il faut bien s’occuper.  La femme d’une cinquantaine d’années, l’air d’une prof d’anglais un peu hirsute semblait absordée dans la lecture d’un livre à la couverture sombre, un polar, peut-être même le sien ? L’homme d’un certain âge également vérifiait avec attention l’alignement des piles de livres en attente d’être dédicacés.  J’imagine qu’une fois le fonctionnement du stylo vérifié, la fermeture de sa braguette,  les liens de ses souliers, le col de sa chemise, ses boutons de manchette et la mèche  bien plaquée, il ne lui restait plus grand chose à faire. Quand je suis repassée il semblait somnoler  ou bien contemplait il le plafond ? Basculé en arrière sur sa chaise.

J’avoue n’avoir pas trouvé le courage d’aller leur parler, de les tirer de leur ennuyeuse torpeur.  Je l’avoue, j’avais peur.  Peur qu’ils me vendent leur livre que je me sente obligée de repartir avec ce pavés d’au moins 600 pages, fruit de leur dur labeur d’auteur. Et qu’avais-je moi à leur dire ?  « Bonjour je ne vous connais pas, mais vous semblez être un auteur en vrai et en perdition.  Je peux vous aider, m’intéresser ? » Non  j’ai fais comme les autres clients, traversé le magasin, j’ai fais mes menus achats et sur le chemin de retour, j’ai remarqué une autre table un peu plus excentrée, moins visible depuis l’entrée, une table avec un autre auteur présent pour dédicacer son oeuvre. Et là surprise il y avait devant lui une petite file de personnes qui se formait. Des lecteurs avides, trépignants, serrant leur exemplaire fébrilement avant de pouvoir le rencontrer et lui glisser quelques mots.  Auteur populaire, mais néanmoins décalé, j’étais au rayon BD !

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Lâcher prise et « what if » fiction

Dans notre société de compétition et d’apparence, le lâcher prise et l’acceptation sont des notions dépréciatives. Seuls les faibles abandonnent sans se battre. Nous voulons toujours gagner de haute lutte et principalement contre nous même. C’est la violence, la contrainte et la tyrannie qui font loi.  J’ai pourtant découvert avec le yoga la puissance du lâcher prise et la force extraordinaire qui se développe dans l’abandon. Quand au lieu de se contraindre on se laisse aller en douceur aux règles de l’attraction terrestre par exemple.  Certaines postures vont beaucoup plus loin quand on les travaille dans le relâchement. On sent alors à quel point nos tensions, nos exigences et notre maintien pèsent sur notre corps.

928La puissance du lâcher prise reste ignorée dans notre culture occidentale, la nature doit être contrainte, rééduquée car elle est fondamentalement mauvaise.  Nous vivons encore dans des croyances anciennes issues des heures sombres du catholicisme que nous soyons croyants ou pas, ces idées nous baignent.

Et si…

Lâcher prise, c’est aussi accepter qu’il n’y a que l’instant présent qui compte. Le contrôle que j’exerce sans fin n’est pas un contrôle du présent qui par définition me file dans les mains.  C’est un contrôle du futur.

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Si je parle aujourd’hui de lâcher prise, c’est que j’en connait un rayon sur l’auto-contrôle et l’auto-surveillance. Depuis peu, j’ai découvert que travailler mon lâcher prise consiste principalement à éviter de me raconter des histoires, à ne plus inventer les  situations possibles à l’infini si je fais celà ou ceci.  Il est très difficile pour moi de ne pas imaginer l’univers des possibles, d’arrêter de me raconter des histoires sur ce qui pourrait ou devrait se passer.  Le but est d’arrêter de se projeter dans le futur pour vivre au présent.

Pour lâcher prise, il faut être bienveillant envers soi-même,  l’occasion de se rendre compte que la plupart des éléments fonctionnent en homéostasie, et que tenter de tout contrôler est épuisant. Aussi rassurant qu’angoissant ! Ce contrôle, loin de nous protéger comme on aime à le croire, nous oblige à lutter sans cesse contre nous même à nous épuiser, il nous fait perdre de vue notre nature profonde.  Je ne sais pas ni la nature de l’homme est bonne ou mauvaise, loin de moi l’idée d’en juger, mais je sais que vivre en accord avec soi même est infiniment plus léger.

Lâcher prise pour moi c’est raconter toutes les histoires sur papier pour éviter que leur présence opressante ne parasite mon quotidien, comme ça a été le cas pendant longtemps.

Un exercice quotidien

Le lâcher prise ne se décide pas en un jour, il se travaille au quotidien, comme une gymnastique de la pensée, pour lutter contre l’hypercontrôle, rien de tel qu’une vigilance bienveillante, une observation sans jugement, la posture du yogi envers lui même quand il pratique ses exercices.

En pratique

Je commence par m’observer et relever les moments où je cherche à me contrôler ou à contrôler les autres,  je note les scénarios futurs que j’associe à ces actions.  La plupart de ces scénarios, ne se réalisent jamais, mais au cas où j’y ai pensé. Ainsi je conjure mes peurs, en les étalant un peu partout, et puis comme je n’ai jamais essayé de lâcher prise, comment savoir vraiment ce qui va arriver ? Cette surprise, cet inconnu, c’est ce qui m’effraye le plus.  J’essaye aussi de me libérer de la croyance : si je lâche prise à un moment, je vais rapidement perdre pied et ne plus rien contrôler.  Ma capacité de contrôle et d’intervention sur  ma vie n’est pas abrogée, je décide juste de ne pas intervenir et de voir ce qui arrive de temps en temps.

Comme l’exercice n’est pas évident pour les Control Freaks dans mon genre, il est recommandé de commencer à lâcher prise sur des petites choses,  pour ensuite essayer de faire le même travail avec un peu plus d’enjeu.

Aside

Help

Ani Castillo

Ani Castillo

Help, I need somebody
Help, not just anybody
Help, you know I need someone
Help!

When I was younger, so much younger than today
I never needed anybody’s help in any way
But now these days are gone I’m not so self-assured
Now I find I’ve changed my life and opened up the doors

Songwriters LENNON, JOHN / MCCARTNEY, PAUL

Published by Lyrics © Sony/ATV Music Publishing LLC

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Intuition

Ce weekend à l’atelier d’écriture, l’une des participantes qui est par ailleurs une experte en Feng Shui a pour la seconde fois fait mention de mes capacités intuitives. Cela m’a touchée car on m’a assez peu fait ce type de compliment. Pourtant j’utilise depuis longtemps l’intelligence intuitive sans parvenir à nommer ces impressions, correspondances, ces phrases que je dis sans y penser et qui touchent ceux qui les reçoivent parfois bien plus qu’ils en le laissent paraitre.   J’ai des dizaines de souvenirs d’utilisation de mon intuition, mais pour moi ce n’était rien de plus que des coïncidences ou au mieux, un peu de déduction logique.

J’ai grandi dans un univers ou  seule l’intelligence logique, mathématique et rationnelle était valorisée.  Chez moi il n’y a pas de mots pour qualifier la sphère de l’intuition, sa puissance est ignorée et longtemps je l’ai confondue avec ma volonté, croyant diriger ma vie, alors que j’ai suivi sans faillir mes émotions, mes sensations et qu’en cela j’ai souvent agit grâce à mon intuition.

Je me croyais irrationnelle, sans logique, contradictoire. J’étais en fait sensible, connecté et à l’écoute de mes intuitions.

Blast1C’est encore mon intuition qui ce soir m’a poussée à choisir ce dessin étrange qui résonnait avec la session du jour du Cercle de Rêves.  Un dessin qui s’est révélé issu du livre Blast de Manu Larcenet que je vais m’empresser de dévorer dans les prochains jours tant j’aime cet auteur. Je sais d’avance que ce livre va me parler et m’ouvrir de nouvelles correspondances mentales. Mon intuition est au final ce que j’ai de plus précieux, c’est ma boussole de vie, dans mes relations avec les autres, avec moi-même, dans les situations périlleuses et au quotidien. C’est ma prise directe avec le monde.

A suivre Si mon intuition m’incite à lire d’urgence ce livre, c’est sans doute que j’en ai besoin. Je reviendrais en parler après lecture.

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En panne ?

Quand je suis en panne d’inspiration, ou simplement quand je veux m’aérer le cerveau où penser en dehors du cadre, j’utilise cet outil anglo-saxon développé pour le Creative Writing que l’on appelle Prompts. Cette notion de prompt n’a pas vraiment d’équivalent en français. Ce sont de petites phrases pour aider à démarrer une histoire, un peu comme des anti-sèches, ou des mots soufflés, mais terriblement efficaces et qui incitent à l’action.

Toutes mes excuses pour les sites qui vont suivre, mais ils sont tous en anglais puisque les prompts en français n’existent pas.

Trois sites de Prompts

C’est le plus souvent un pitch très simple comme ceux que l’on peut créer avec la Prompt Machine.

Le site utilise la formule magique : Personnage + désir + conflit = histoire.

On fait tout simplement tourner la roue pour choisir ce qui nous parle sur le moment ou alors l’idée la plus improbable et le pitch apparait en haut.

Il y a aussi un Tumblr au nom éloquent : Writing prompts that dont suck.

Il y en a plus de 600 !

Soit écrits classiquement avec une proposition de genre, de personnage et puis de situation.  Soit plus conceptuels du genre : « écrivez  une histoire sur de la neige qui n’est pas de la neige ». Ou encore des liste de mots à utiliser.

Enfin pour les auteurs de fantasy j’ai trouvé 200 Fantasy Writing Prompts, une liste téléchargeable en pdf et qui semble aussi destinée aux geeks.  faa295e658da2392688b1caf6125e863

Si ces différentes histoires ne libèrent pas directement la créativité, elles ont au moins l’avantage de faire rire ou sourire le temps de s’imaginer les écrire.  Cet exercice peut-être très intéressant, car il libère l’écriture des barrières et blocages, ainsi que de nos croyances : C’est pas crédible et pas réaliste !

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Des vivants et des mots

Aujourd’hui, j’ai encore une fois pu mesurer ma prise de distance avec la réalité. Ma froideur face au drame et presque mon indifférence. J’ai vu ma grand-mère basculer, passer de l’autre côté, quitter son corps le temps d’un malaise qui l’a laissée livide et cadavérique. Je l’ai vue morte et j’ai pensé à moi : elle avait encore tant de choses à me transmettre.

Aujourd’hui, je n’ai pas perdu ma grand-mère, mais ce coup de semonce, m’a fait prendre conscience de l’urgence de la transmission. Traverser ce moment aux côtés de mes cousines, puis ensuite trouver le courage de leur parler de mes propres angoisses qui se retrouvent chez elles, bien entendu. partager peut-être pour la première fois sur le mode de la sincérité, sans essayer de masquer nos peines et nos doutes.Voir chez les autres tous nos travers, les leur reprocher et puis répéter à l’infini des schémas appris malgré nous. Admettre qu’être vivant c’est pouvoir se tromper, souffrir, être faible et que dans toute recherche d’absolu, de perfection, de calme idéal il y a la mort au bout. Le fin du fin du lâcher prise, la dernière convulsion, la fin des douleurs, des doutes et le début du deuil si complexe. La mort c’est comme une addition qui ne tombe jamais juste, il faut sans cette payer la différence d’une vie de plus, d’un être de moins.

 Quel sera le prix de mes recherches ?

Mot tajaneLes mots laissés par des morts, sont tout ce qu’il reste d’eux aujourd’hui.  Des mots, de vieilles photos et des mémoires qui prennent l’eau.  J’ai finalement lu les lettres, les rapports et les comptes rendus d’interrogatoires.  Dans les lettres, j’ai découvert la noirceur du quotidien, le malheur d’être pauvre et le sort qui s’acharne sans que l’on comprenne bien pourquoi.  J’ai lu la résilience, la force de ces anç-êtres, leur désir de s’en sortir et de lutter, mais aussi leurs moments de doute.  J’ai écouté leurs mots, senti leur main trembler, vue l’encre pâlir sous les traces de leur larmes sur le papier.  J’ai touché du doigt ces papiers à lettres bordés de noir pour la période de deuil et puis celui mauve aux bords légèrement irréguliers. Les papiers à cigarette, transparents imprimés à l’encre vieillie des machines à écrire et les fautes qu’on ne peut pas effacer, les phrases qu’on a pas le temps de relire, jetées à la hâte dans une enveloppe, le timbre léché et hop à la poste.

Ce qu’il reste de nous toujours vivant après notre trépas, ce sont les mots. Les lettres envoyées et écrites à la main, à l’encre violette, sont notre mémoire.  J’aime ces vieux papiers jaunis, ouvrir les enveloppes et découvrir un monde inconnu, fantasmé, ces temps qui nous ont précédés.  Si par moment j’ai pu ressentir le poids du passé et  voir les cicatrices encore douloureuses qu’il a laissé.  Je pense suis de plus en plus convaincue qu’il faut écrire cette histoire. Il me reste à trouver ce que je veux en dire, ce qui fait écho en moi.

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Insubmersible

En commençant un travail introspectif il y a quelques mois avec une psychologue, j’ai pris conscience de ce désir d’écrire qui m’avait nourrie durant toute mon enfance et mon adolescence. Puis je l’ai muselé, dompté, j’ai presque réussit à  le nier ces dernières années. Pourtant il est encore là, intact.

Quelle joie d’entendre enfin quelqu’un me dire si l’écriture est si importante pour vous, il faut le faire.  Au lieu des mises en garde que j’avais entendues toute mon enfance durant écrire n’est pas un métier. J’avais enfin trouvé une oreille bienveillante, qui semblait trouver normal que je veuille écrire et qui m’encourageait à poursuivre ce but, au lieu de tenter de m’en détourner.

Mais ces séances de psy ont aussi mis au jour un problème qui  me semblait être un frein à mon désir d’écriture : l’incapacité à formuler mes émotions, la difficulté extrême de ressentir des émotions.  C’est comme si je m’était amputée (volontairement ?) de ma vie émotionnelle.  J’arrivais très bien à analyser, à conceptualiser, à décrire des mécanismes de pensée.  Mais dès que nous arrivions dans la zone émotionnelle, tout était flou, je n’avais plus de mots, rien que des larmes en torrents, des sanglots sans fin intercalés de hoquets et de reniflements.   Dans le déroulé de nos séances, ma spy insistait souvent sur le caractère positif de cette libération de mes émotions par les pleurs.  Mais moi j’étais toujours perdue au moment de devoir mettre des mots sur ce qui me submergeais et me submerge encore régulièrement.

Plus jeune, j’ai souvent fait des crises de larmes au moment où je devrais défendre quelque point de vue qui me tenait à coeur, le plus souvent en parlant avec mes parents ou mes proches.  Aujourd’hui encore l’évocation de certains sujets sensibles, s’accompagne le plus souvent de pleurs incontrôlables.   Je sais que cela parasite mon message. Mes interlocuteurs prennent pour de la tristesse ces libations et ils sont alors déstabilisés, n’écoutant plus ce que j’ai à dire, ils cherchent à me consoler maladroitement et à mauvais escient.

NoteJe dis ma psy par affection pour elle, même si je ne la vois plus depuis quelque temps et que ce « ma » n’a rien à voir avec l’appartenance, mais à tout à voir avec qualité de connexion et le caractère unique de notre relation.

Ma psy est la première personne depuis longtemps à m’avoir écoutée entre les larmes, sans ce laisser démonter par ces grandes eaux. Une écoute qui loin d’être distante ou médicale, était pleine d’empathie. Je voyais parfois dans ses yeux rougir l’écho de mes propos.  Je la savais touchée, mais son attitude n’a jamais été de me réconforter, en ces moments là, l’écoute sincère des mots au delà de l’écran des pleurs m’a été très bénéfique.

Une fois que mon incapacité à exprimer des émotions à été mise au jour, je n’ai eu de cesse de la voir se répercuter, un peu partout. Dans mon attitude de défense/ attaque ironique envers les autres, dans mes difficultés à jouer du piano (instrument qui a un temps été mon mode d’expression privilégié pour les émotions).   Je voyais mal comment j’allais pouvoir écrire quoi que ce soit, sans recours au champ des l’émotions, sans pouvoir les nommer, les identifier, les ressentir.  Comme souvent j’avais peur que l’acte de m’ouvrir à mes émotions, ne mène à une submersion incontrôlable, un naufrage intérieur, un tsunami de mots chariant des maux.  J’étais à moi toute seule l’orchestre du Titanic qui continue de jouer sur le pont, pendant que le bateau coule et refuse de céder à la panique. Depuis des années je me suis amputée de l’émotion et j’ai masqué la cicatrice derrière une posture d’analyste, dogmatique. Analyser les autres et les critiquer, quel meilleur moyen pour s’oublier et pour ne pas entendre sa propre souffrance et ses désirs singuliers.

Récemment au cours d’une groupe de parole « cercle de rêves » auquel je participe, j’ai découvert que mes émotions étaient en train de revenir.  Peu à peu je m’autorise à ressentir des émotions et je peux même en parler.  Le dernier rêve que j’ai raconté était une expérience cathartique, forte, intense, en lien avec ma famille et mes blocages d’écriture et j’ai ressenti au réveil que cette expérience avait bougé les lignes, qu’elle m’avait permis d’exprimer des choses longtemps tues.  Ce moment, vécu en rêve n’en était pas moins fort émotionnellement. J’étais en larmes dans mon rêve, je me suis réveillée les yeux gonflés et rougis, épuisée et apaisée.  Quand j’ai raconté ce rêve au groupe, j’ai senti qu’il touchait les participants par sa puissance. Puis on m’a dit : c’est la première fois que tu évoques des émotions, tous tes autres rêves jusqu’alors en étaient dépourvus ».  Cette remarque m’a touchée, c’était juste et j’avais enfin réussi déverrouiller  l’émotionnel en moi.

Cet exemple est pour moi très parlant.  Il montre d’abord que le rêve n’a pas une valeur moindre que la réalité, et qu’une situation vécue en rêve peut se révéler aussi forte et intense émotionnellement et physiquement que celles vécues en état de veille. Tous ceux qui ont déjà vécu la mort d’un proche en rêve savent qu’au réveil, la douleur et l’angoisse sont réelles.  Puis on découvre avec joie que ce n’était qu’un rêve.  Mais dans l’autre sens, la séparation imposée par la mort, peut-être contournée dans le rêve qui nous permet de revoir les défunts, de leur parler et même d’évoquer parfois avec eux leur mort. Le rêve est très puissant et son pouvoir créateur ne devrait pas être négligé ou dénigré.

 Depuis ce rêve, j’ai la conviction que je peux me faire entendre, à travers mes pleurs.  Je sais que mes émotions ne viennent pas me déstabiliser ou me noyer, mais qu’elles sont au contraire une force, une conviction et un moyen de révéler ce qui est vraiment important pour moi. Je sais aussi que  ce ne sont que les premiers signes d’un retour à la conscience de ma vie émotionnelle, et que si je l’écoute au lieu de la rejeter, je vais pouvoir m’en servir à la fois pour vivre et pour écrire. Depuis que j’ai fais ce rêve je me sens insubmersible. Le Titanic peu continuer à sombrer avec son orchestre qui joue.  Moi c’est une autre musique que je privilégie, celle qui joue de son émotion plutôt que d’afficher sa virtuosité.


Youn Sun Nah – Hurt (Nine Inch Nails) par Daniel_Desrumaux

    Ce petit exemple quand une chanteuse Coréenne reprend avec un guitariste de Jazz une chanson de Nine Inch Nails qu’avait également reprise Johnny Cash (version à écouter également). Hurt se termine dans un souffle.
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En quête d’Alice

Alice est mon arrière grand-mère maternelle.  La mère de la mère de ma mère. Quelle phrase étrange et quelle définition simpliste et redondante.  Mais je n’ai pas d’autres mots pour qualifier Alice que je n’ai pas connue, que ma mère n’a pas connue et que ma grand-mère a à peine connue.

C’était la guerre et Alice est morte, laissant derrière elle 7 enfants orphelins. Ma grand-mère venait de fêter son 9ème anniversaire quand elle a appris la mort de sa mère. L’évènement a d’abord été présentée comme un accident pour « épargner » les enfants les plus jeunes.  Mais Alice a été tuée de sang froid, par un officier Nazi, un soir dans l’arrière salle déserte d’un café de Sens,  sans que l’on puisse vraiment expliquer pourquoi. Alice avait cependant toutes les raisons de se faire tuer, à la fois résistante et interprète travaillant pour les Nazis. Elle entretenait une relation privilégié avec le chef de la Komandantur.  Alice n’avait pas bonne réputation, elle avait été maintes fois prévenue du danger de ses activités.  Qui était Alice ?  Une Mata-Hari de province ? Résistante ? Collabo ? Femme libre enferrée dans la nécessité de ce temps de guerre, ou suivant son plaisir malgré tout. Et la morale dans tout ça ?

Alice

Statut Ce projet n’est pour l’instant qu’une envie. Je vais faire des recherches, et notamment recueillir les éléments auprès de ma grand-mère avant de me décider à écrire cette histoire, qui est déjà en soi très romanesque.La question centrale étant le traitement de la vérité et du fictif.

Alice m’échappe sans cesse, elle me fascine et je vais essayer d’en savoir plus.  J’ai envie de  jouer avec toutes les images qu’elle me renvoie.  La mère courage, la vamp séductrice, la femme résistante au service des autres, l’amoureuse de l’ennemi, la veuve suicidaire qui a suivi son mari, Camille, dans la mort, six années après la brutale disparition de ce dernier. J’ai envie de raconter son histoire, mais surtout jouer à la raconter comme je la rêve ou la devine. Avec Alice c’est mon héritage que je modèle, incertain, versatile.  J’en suis la dépositaire, je la porte en moi, sa mémoire  longtemps oubliée et niée dans ma famille me traverse. Dans les moments d’angoisses, dans ma peur de mal faire, d’être démasquée, dans les multiples craintes infondées qui sourdent du fond de mes entrailles, je me sens proche d’Alice.

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A poils

Depuis plusieurs mois ça bouillonne en moi.  Dans les prochaines semaines, je vous raconterai le processus lent et parfois difficile qui m’a ramenée vers l’écriture.  Je veux partager cette expérience depuis longtemps, mais ce qui m’en empêchait semble être du même ordre que ce qui me retient encore aujourd’hui d’écrire : la peur.

Dans un rêve que j’ai fais récemment, certaines personnes me mettaient en garde contre la vie d’artiste avec cette phrase : attention, les artistes finissent tous à poils !

Me mettre à nu, me montrer à vous dans mon état de nature, quelle entreprise, quelle impudeur. Les artistes quelle engeance !  D’où ma peur, ma honte et ce furieux désir de me cacher, de me fondre dans la masse, ces dernières années, j’ai soigneusement nié ma personnalité, renié mes désirs, jusqu’à ne plus rien ressentir.  Si je dois passer par cette étape dénudée, c’est pour sentir à nouveau le froid piquant du vent sur ma peau, les gouttes de pluie, de sueur, d’urine ruisseler le long de mes membres.  Il faudra aussi que je retrouve le frisson, non pas celui qui précède la nausée et les vomissement, mais plutôt celui qui annonce le rire ou l’effroi.

tumblr_m4q6cupu4c1qc6n3ro1_500Ces derniers temps, j’ai cadenassé mes émotions jusqu’à ne plus rien ressentir, jusqu’à toucher le vide.  J’essayais de répondre à la demande de normalité, j’essayais de faire comme eux, comme vous peut-être, de vivre à distance de ces aléas et de ces troubles.  Trop violents pour moi ?  Non c’est simplement la peur qui  me paralysais, figée dans l’image parfaite d’une poupée au teint cireux et aux yeux creux.

A voir
A poils, c’est aussi le très beau film Naked de Mike Leigh.  Auteur réalisateur anglais dont je reparlerai certainement dans ces pages tant certains de ses films m’ont bouleversée. A voir également de Mike Leigh le superbe film Another Year.

Les années passent, mon visage se marque, mais presque sans changer, le temps glisse sur moi, normal je ne vis pas.  Je passe à côté, je me protège derrière les hauts murs, et comme la rose du petit Prince sous sa cloche et bien abritée derrière son paravent parfois je me languit du monde extérieur qui est si terrifiant. Les fleurs sont si contradictoires !