Je me suis souvent sentie pleine de paradoxes, ne sachant pas entre une posture et une autre laquelle était vraiment moi et laquelle était une simple réaction. Un jour j’ai dit sur un autre de mes blogs que j’étais versatile. Je sais que ce qualificatif a des connotations négatives, mais c’est ce que j’ai trouvé de plus juste pour qualifier les fluctuations de mon esprit. Je change souvent, sans toujours bien savoir qui je suis. Ces derniers temps, j’ai beaucoup travaillé sur le sujet de mon identité, recherchant mes racines dans des histoires anciennes et questionnant également l’image que j’ai de moi-même, la confrontant à celles que me renvoient les yeux des autres comme autant de miroirs déformants. Peu à peu, j’ai changé. Changer prend du temps, mais c’est toujours plus rapide que le temps que l’on passe à ne pas vouloir changer, à tenter de sauver les apparences pour les autres et surtout pour soi. Attention quand je parle ici de changer, ce n’est pas changer pour devenir autre, pour être mieux qu’avant, c’est changer pour devenir soi. Pour être plus en contact avec ce que nous sommes vraiment, notre Être, notre essence. La force du changement, c’est que bien qu’il ait lieu sur un plan psychologique, on en ressent également les bénéfices sur le plan physique.
Les 4 étapes fondamentales du changement (tirées de ma propre expérience). Je tire ici les conclusions des dernières semaines et des derniers mois passés à changer. Le changement est un processus, il continue de faire son oeuvre, mais j’ai à présent une vision plus claire de l’ensemble des étapes et je vous les livre ici, sous forme de considérations générales. J’insiste sur les sensations physiques décrites à la fin de chaque étape qui ne sont pas toujours les mêmes selon les personnes.
Le chemin du changement est semé d’embuches, de la prise de conscience d’un malaise ou d’un manque à la réalisation que l’on a finalement résolu son problème, il faut s’armer de patience.
1 La prise de conscience est un premier pas.
Parfois lente, parfois brutale, elle est souvent retardée par la peur, l’idée qu’en confrontant son problème, on va encore l’aggraver. En effet après la prise de conscience la spirale de la lutte et ses douleurs arrivent. On ressent souvent de la colère et de la rancoeur qui redoublent la douleur d’être soudain confronté à soi-même et à ses problèmes. Toutes ces choses que l’on voudrait toujours oublier mais qui sont bel et bien là présentes et à la vue de tous. Vivre sans prise de conscience revient à danser sur un plancher à trous. On recherche la joie et la légèreté en essayant d’oublier l’angoisse de se tordre les chevilles à chaque instant. Certains dansent, aussi vite qu’il le peuvent, et pensent par le mouvement perpétuel pouvoir oublier les trous du sol sur lequel ils évoluent en funambules. J’ai choisi de rester dans un coin de la pièce et d’observer froidement les écueils et renonçant à la danse. Les anglais ont cette expression que j’aime bien pour évoquer le non-dit ils disent « an elephant in the room » ce truc absolument énorme, que tout le monde voit, autour duquel on tourne, mais dont on ne veut pas parler et que l’on feint d’ignorer. Quand le non dit est verbalisé, quand la prise de conscience a lieu et qu’un premier pas vers le changement est effectué, à ce moment on ressent un certain soulagement. C’est un soupir d’apaisement qui vient en premier, parfois aussi une grande fatigue ou un état de confusion si la prise de conscience à été brutale.
2 La seconde étape du changement c’est la lutte ou la résistance.
C’est le moment le plus douloureux, le plus pénible, c’est celui qui fait rebrousser chemin, souvent on oscille entre prise de conscience et résistance. On se demande pourquoi la prise de conscience ne fait pas miraculeusement advenir le changement tant attendu. On a tellement été habité à voir ces moments de « break through », c’est à dire de révélation, où soudain dans la prise de conscience un changement s’opère instantanément. La prise de conscience réoriente l’esprit, mais pas les actions ni les habitudes qui sont le plus difficile à changer. En réalité de nombreuses personnes sont tout à fait conscientes de leur problèmes. Ce qui leur échappe (et c’était mon cas) ce sont leur mécanismes de défense, leur mode de lutte qui s’activent dès qu’ils tentent de changer. Ces mécanismes s’activent à notre insu pour perpétuer des schémas mentaux (le plus souvent protecteurs et défensifs) issus de l’enfance. On a alors l’impression de lutter contre soi-même, de se perdre, de s’écrouler. La lutte peut prendre la forme d’une certaine violence, d’une grande colère, elle peut aussi se muer en dépression, elle fait toujours souffrir. Quand on veut y échapper elle prend aussi la forme d’une fuite dans les drogues ou l’alcool. Le moment de lutte est celui où on se replie, les épaules rentrées vers l’intérieur, la tête basse, on se protège, on est sur la défensive, elle se caractérise par une tension générale du corps, des maux divers et beaucoup de douleur.
3 La troisième étape c’est l’acceptation.
Cette étape est cruciale et reste la plus mystérieuse, la moins étudiée et décrite. L’acceptation d’un état de fait bancal, l’acceptation de son propre malaise. Cette étape d’acceptation est essentielle, c’est aussi l’étape qu’on appelle « lâcher prise ». J’en ai déjà parlé parce que je croyais que lâcher prise était un synonyme de faiblesse, d’abandon de la lutte, de retour en arrière. Comme il m’était impossible de lâcher prise, je me refusais cette acceptation. Pourquoi me plier à des lois que je ne reconnaissais pas ? Le rejet, le doute, la remise en question, tout phénomène de justification de nos souffrances et de nos douleurs est le signe que cette étape d’acceptation n’est pas accomplie. L’acceptation c’est aussi prendre conscience que le risque n’est pas celui que l’on croit, que nos peurs nous tiennent, nous dirigent et nous définissent plus que nos désirs. L’acceptation n’est pas une posture mentale qui peut être feinte, c’est le passage le plus difficile et c’est elle qui marque le véritable changement. L’acceptation c’est aussi et surtout s’accepter soi-même et apprendre à mieux se connaitre. L’acceptation vient du coeur, elle libère les tensions dans tout le corps, principalement dans le haut du dos, les épaules, les trapèzes. Elle s’accompagne d’une sensation de légèreté, de douceur, de bien être et parfois d’euphorie.
4 La dernière étape est à nouveau une prise de conscience.
Celle ci a lieu quelque temps après la lutte et l’acceptation, alors que la situation s’est apaisée, que l’on retrouve un nouvel équilibre, un jour sur un petit détail on se dit « J’ai changé » ou le plus souvent on nous dit « tu as changé ». Vous avez remarqué qu’on ne dit jamais « je change » ? Pourquoi ? Parce que quand on dit j’ai changé, ce n’est pas pour évoquer un changement radical lié à notre Être, mais plutôt un changement de posture de notre égo vis à vis de ce que l’on est, un pas supplémentaire dans l’acceptation de Soi. Au moment où l’on change, ce que l’on pourrait dire c’est « je souffre, je lutte, je suis perdu, j’ai peur » toutes ces choses que l’on ne peut pas dire et qui sont difficilement acceptées socialement alors on ne dit rien et on attend le retour du calme, soit en retournant à son état de malaise initial si on ne parvient pas à l’acceptation (après tout c’était pas si mal et bien moins pire que de traverser les prises de consciences et la lutte pour s’accepter) soit en acceptant ce qui vient sans jugement, avec bienveillance et douceur. Notre corps et notre regard intérieur sont à nouveaux alignés, il y a de l’harmonie, de la joie et plus de stabilité à l’intérieur pour affronter les prochaines tempêtes. Mais aussi une meilleure conscience de notre fragilité et une forme d’ouverture intérieure.
Conclusion
Alice Guilhem 2.7.1901 – 10.01.1941
Le plus important dans le changement, c’est qu’il doit être l’occasion de se rapprocher de soi, de se révéler à soi-même. Si vous changez pour devenir autre, pour vous fuir, parce que vous vous jugez, ce changement restera superficiel et il n’apportera que plus de résistance et de douleur dans votre vie. Changer, c’est s’accepter de plus en plus, se reconnaitre dans son unicité. Paradoxalement beaucoup de changements passent par une reconnexion avec celui ou celle que nous avons été enfant. Changer c’est travailler son identité, mais sur le mode de l’Être et pas sur celui du paraitre, de l’apparence, ni même pour faire plaisir à d’autres. On change pour soi, pour devenir un peu plus celui que l’on est, pour ouvrir à notre Être de nouvelles perspectives. C’est pourquoi j’ai choisi d’illustrer cet article avec quelques portraits de la série « Français » de Seb Lascoux. Allez la découvrir dans son intégralité, elle est régulièrement augmentée de nouveaux visages et tous ces visages tellement différents ont au fond des traits communs, une beauté partagée, celle d’un sentiment d’identité partagée, qui n’a rien à voir avec des théories politiques de gauche ou de droite. C’est dans la diversité, dans le multiple, et dans le versatile que l’on définit le mieux l’identité de chacun. Dès que l’on est enfermé dans une catégorie, coupé de notre complexité, de nos racines, de ce que l’on porte en soi d’unique, on est mutilé, on est nié, on est jugé. Le regard du photographe, par un dispositif égal pour tous, nous donne à voir au delà de l’apparence, ce qui nous relie les uns aux autres. Je le remercie pour sa confiance et le prêt de ses images.
Toutes les images de cet article excepté la dernière sont tirées de la série de portraits « Français » photos de Seb Lascoux.
Changer tout seul ? Pas si facile. Si vous devez un jour effectuer un travail sur vous même pour évoluer, je vous invite à vous faire accompagner. Beaucoup de personnes (et j’en ai fais partie) pensent encore qu’aller voir un psy ne se justifie que si l’on est un peu fou, ou dans un état de souffrance intenable, de même si vous êtes artistes ne craignez pas d’y perdre votre créativité en vous libérant de vos névroses. J’ai longtemps pensé pouvoir résoudre mes problèmes directement sans l’aide d’un tiers, mais aujourd’hui je sais que cette démarche m’a été salutaire. Il faut choisir la bonne personne, l’approche qui vous convient, mais rappelez vous que vous êtes en charge du gros du travail. Le thérapeute est là pour vous accompagner et vous guider avec bienveillance, dans une écoute active, ce qui n’a rien à voir avec l’écoute que peuvent vous apporter vos amis et de vos proches.