C‘est sans doute au contact des livres que j’ai ressenti le plus de connexion émotionnelle et sentimentale. Le livre, quand il nous parle et trouve un écho en nous est comme une petite voix intime et douce. C’est une reconnaissance, comme un autre nous même, qui saurait trouver les mots. Les livres nous parlent parfois et à d’autre moments ils se taisent, ils font silence. J’ai souvent été frustrée de ne pas lire le livre parfait. Une histoire sur mesure pour me transporter, me faire rêver, c’est de ce manque qu’est venue tout d’abord mon envie d’écrire. Je voulais écrire pour moi le livre que je ne trouvais pas.
Après avoir fait de la lecture mon métier, j’ai perdu ce lien privilégié avec les livres. Je ne lisais plus par plaisir, mais par obligation, j’analysais tout. C’est devenu une activité à plein temps. Depuis peu je retrouve ce contact privilégié avec les livres. Je lis à nouveau pour le plaisir et j’ai trouvé dans certain des derniers livres que j’ai lu un écho à ma propre recherche et à mes questionnement d’auteur en devenir.
Tout a commencé avec le livre de Jonathan Coe « La pluie avant qu’elle tombe ». Lecture commencée il y a des années, puis abandonnée et reprise cet hiver. Cette histoire dramatique qui se déroule sur 3 générations de femmes et déploie sous nos yeux la puissance de la tragédie, m’a énormément parlé. C’est à la suite de cette lecture que j’ai décidé d’écrire sur mon arrière grand-mère. Ce livre parle d’une transmission ratée, d’un abandon d’enfant et des séquelles laissés par une mère égoïste (elle même en souffrance vis à vis de sa famille) sur une enfant qui porte les stigmates de son hérédité.
Je savais qu’ensuite il me fallait lire le très beau livre de Delphine de Vigean « Rien ne s’oppose à la nuit ». Ce livre a été un gros succès de librairie il y a quelques années et j’avais toujours été intriguée par la photo de couverture, cette femme mystérieuse et belle en noir et blanc qui fume le regard au loin, un demi sourire flottant sur ses lèvres. Je savais que l’auteur racontait l’histoire tragique de sa mère, mais je ne savais pas qu’une grande partie du roman était un exercice de réflexion et d’auto-analyse sur la façon dont elle a écrit cette histoire. Cet exercice d’auto-fiction, m’a presque plus passionnée que la vie de sa mère. J’y trouvais un questionnement sur la démarche et la méthode qui fait écho au mien. La force des deux niveaux de récit combinés, et surtout l’écriture tenue, toujours simple et juste de Delphine de Vigean m’ont touchée. En lisant la fin du livre, j’ai pleuré, j’étais dans un train et l’émotion m’a submergée. Pourtant je savais ce qui se passait à la fin, cette fin n’a rien d’inattendu. C’est le choix des mots, la force du point de vue et la justesse de ces lignes qui m’a bouleversée.
Enfin, j’ai repris la lecture du journal de Virginia Woolf, espérant que ce gros pavé m’accompagne un moment dans mon processus d’écriture. Virginia Woolf est l’un de mes auteurs préféré, le personnage, le style, l’époque… Son journal commence en Janvier 1915, il a presque 100 ans. Pourtant sa parole est d’une grande modernité, d’une liberté infinie et je découvre avec autant d’intérêt que de joie son quotidien de femme écrivain. J’espère pouvoir reproduire parfois ici quelques trouvailles où citations issues de cette lecture.
J’ai écrit toute la matinée avec un plaisir infini, ce qui est curieux, car je n’oublie jamais qu’il n’y a aucune raison pour que je sois contente de ce que j’écris, et que dans six semaines, ou six jours, je le trouverai détestable.
La phrase du jour est daté du Mercredi 6 Janvier 1915 et révèle les affres des jugements que l’on porte sur soi même et sur son travail, ainsi que les doutes et les brusques changement d’humeurs, propres à la personnalité de Virginia Woolf (elle fera mi Février une nouvelle incursion dans la folie et s’en suivra une longue dépression).