Partir, en vacances ou pour une autre vie, pour une semaine, un mois, un an, partir est toujours un déchirement. J’ai beau y être préparée, l’avoir voulu, souhaité, organisé, ce départ convoque tous les autres… Ceux pour lesquels je n’étais pas préparée et où je me suis sentie arrachée, déracinée. Ceux que j’ai voulu, mais qui ont malgré tout apporté leur lot de douleur et de déchirement. Ceux que j’ai vécu ces derniers temps : déménagements, changements de ville et de vie, même le plus infime des départ contient tous les autres et apporte son lot d’angoisses et de doutes.
Ais-je fais le bon choix ? Saurais-je vivre ailleurs ? Que faire de ceux qui restent, à qui l’on tient et dont on ne pourra pas s’occuper ? Suis-je dispensable ? Suis-je prête ?
Partir c’est quitter un monde pour aller vivre dans un autre. Tout départ valide de fait qu’il existe des univers parallèles, des mondes différents, un ailleurs qui continue d’exister même si on n’y est plus présent. C’est pourquoi le départ prend aussi la forme des phases du deuil, d’un rituel qu’il faut accomplir afin de voyager sereinement. Il y a tant d’incertitudes une fois le seuil de notre porte franchi. Mais en même temps nous ne quittons que très rarement le monde balisé, normé, contraint de nos sociétés modernes. Je regrette parfois le temps des voyages en bateaux, incertains et longs, celui du train à travers l’Europe jusqu’en Orient. Je n’aime pas l’avion, ces bétaillères à touristes, ou l’on passe par des portiques, dans des files d’attente, à enlever chaussures et ceintures, avant de se retrouver enfermé dans un suppositoire géant pressurisé. La vitesse de l’avion rend le voyage trop rapide et pourtant le temps s’y étire à l’infini. Endormis, nos âmes flottent en parachute loin derrière nos corps qui filent à 900 km /heure. Derrière chaque avion de ligne flottent les âmes de ceux qui veulent aller vite d’un endroit à l’autre du globe. Parfois cet étirement, ce décalage est presque douloureux.
La force du voyage est aussi de nous rendre notre intégrité, ailleurs nous restons nous même. Malgré tout, notre vie, quoique fort différente dans une culture autre, perdure dans ce qu’elle a d’essentiel. Il faut partir pour expérimenter ce fait, nous sommes insoluble dans le voyage, notre être peut se développer ici ou ailleurs et même loin de nos racines, nous pouvons créer des liens avec les autres.
Je pars sereine et joyeuse de retourner dans un endroit que je connais déjà. Curieuse d’en apprendre plus sur une culture qui m’est aussi lointaine que proche. Heureuse de déconnecter avec un réel trop prenant et de m’offrir ce luxe de quitter ma vie d’ici, un temps, afin de me retrouver.